La corruption comme mode de gouvernement : un cadre de la FNSEA au cœur du gouvernement


Xavier Jamet, lobbyiste de l’agro-industrie, nommé directeur de cabinet de la porte-parole du gouvernement Sophie Primas en pleine fronde contre la loi Duplomb


Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, et qui a choisit Xavier Jamet comme directeur de cabinet alors qu'il est cadre de la FNSEA.

La FNSEA est un État dans l’État. On a tendance à penser la corruption comme une anomalie, une exception dans nos démocraties avec un grand D. Cette Démocratie qui serait un parangon de vertu, écrasant de sa supériorité évidente toutes les autres formes de régimes politiques. La corruption serait réservée “aux autres” – entendre par là les pays du Sud – nous donnant une bonne raison de croire notre modèle supérieur, et ainsi dans notre bon droit de vouloir l’imposer partout dans le monde.

Pourtant il n’en est rien. La corruption est structurelle, en France comme ailleurs. Dernier exemple en date : le média La Lettre révélait le 11 juillet dernier la nomination d’un cadre de la FNSEA au poste de directeur de cabinet de la porte-parole du gouvernement Sophie Primas. Alors que la pétition contre la loi Duplomb, votée pour la FNSEA, a dépassé les 2 millions de signatures, cette véritable association de malfaiteurs a de quoi faire grincer des dents.

La FNSEA et le gouvernement : une association de malfaiteurs bien établie

Xavier Jamet est depuis 2022 le responsable des affaires publiques de la FNSEA, autrement dit : le lobbyiste en chef. Avant cela, il avait été pendant 10 ans déjà l’assistant parlementaire de Sophie Primas, sénatrice UMP puis LR à l’époque, et aujourd’hui porte-parole du gouvernement Macron. Cette nomination au poste de directeur de cabinet, c’est un crachat aux visages de toutes les personnes qui se mobilisent contre cette loi inique, de tous les scientifiques qui alertent sur les conséquences mortifères, de tous les agriculteurs et agricultrices qui sont tout simplement condamnés à mort par cette loi.

Mais cette nomination, pour le gouvernement, c’est surtout un moyen simple de remercier la FNSEA de son travail de fond pour la loi Duplomb. Elle s’est en effet démenée : canaliser la colère des agriculteur-ices et l’orienter dans le bon sens, faire pression sur les élu-es opposé-es à la loi, désinformer massivement, tout cela mérite une récompense. La nomination de Xavier Jamet, ce n’est que l’acte final du mariage d’intérêt entre le gouvernement et l’agro-industrie. Une association de malfaiteurs en bonne et due forme.

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique, pourtant censée traquer ce genre de pantouflage évident, n’y a vu aucun problème, “à condition que Xavier Jamet se tienne à l’écart de tout sujet lié à l’agriculture”. Pourtant, Sophie Primas passe le plus clair de son temps à tenter de désinformer tout le monde sur cette loi Duplomb. Loi Duplomb qui, on le rappelle, porte le nom du sénateur Laurent Duplomb, ancien président des Jeunes Agriculteurs (JA) de Haute-Loire, puis ancien président de la FNSEA auprès de la chambre d’agriculture de Haute-Loire et membre du conseil de surveillance de Candia, géant de l’industrie laitière.

Xavier Jamet et Laurent Duplomb ne sont pas les seuls parachutés de la FNSEA ou affiliés. Ainsi, la Commission mixte paritaire qui a statué sur la loi Duplomb le 30 juin dernier comptait parmi ses 13 député-es et 14 sénateur-ices. Parmi ses membres, on trouvait pas moins de 4 sénateurs liés à la FNSEA, un ancien directeur de l’agroalimentaire, 11 exploitants agricoles – et on ne parle pas ici des “petits agriculteurs”, image d’Épinal qui sert de paravent à ces businessmen de l’agroindustrie.

Citons par exemple Franck Menonville, sénateur UDI et co-auteur de la proposition de loi, exploitant agricole, qui a également un beau pédigrée de lobbyiste. Ancien Vice-président des JA de la Meuse et président des JA de Lorraine de 2006 à 2008, vice-président de la chambre d’agriculture de la Meuse sous l’étiquette FNSEA. On trouve également Daniel Gremillet, sénateur LR des Vosges, ancien Vice-président des JA des Vosges, président de la section des Vosges de la FNSEA dans les années 1990.

La liste serait longue, sans oublier toutes celles et ceux qui, s’ils n’ont jamais eu de mandats FNSEA, défendent becs et ongles les intérêts de l’agrobusiness, comme Annie Genevard, la ministre de l’agriculture, qui réclamait une amende de 50.000 euros pour les militants et militantes filmant les élevages industriels et avait pour suppléant, en tant que députée, Éric Liégeon, ancien secrétaire général et vice-président de la FNSEA du Doubs.

Depuis des décennies, le gouvernement a choisi la FNSEA comme unique interlocuteur lors des mouvements agricoles. Cela renforce son pouvoir et lui permet d’imposer aisément ses intérêts. “Fondée en 1946, la FNSEA a été le bras armé de l’État, davantage qu’un outil syndical, pour asseoir la domination de l’État sur une profession qui était en construction” rappelait Frédérick Lemarchand, professeur à l’université de Caen dans une entrevue avec Public Sénat en 2024 lors des fortes mobilisations du début d’année. Mobilisations qui avaient déjà vu la victoire éclatante de la FNSEA : les mesures prises par le gouvernement étaient déjà calquées sur les demandes du syndicat. “Alors que la profession est en train de basculer vers le RN, la FNSEA a appelé à voter pour Emmanuel Macron, et ce type de soutien se monnaye cher…“ expliquait Jean-Christophe Bureau, professeur d’économie à AgroParisTech. Alors un petit poste de directeur de cabinet, ça ne mange pas de pain.

La loi Duplomb, une loi par et pour la FNSEA contre la démocratie et la santé publique

Pour rappel, la loi Duplomb a été dénoncée par 22 sociétés savantes médicales, par la Ligue contre le cancer, les personnels de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, la Confédération Paysanne, la Fondation pour la recherche médicale, des mutuelles et groupes mutualistes, le Conseil scientifique du CNRS, la Fédération des régies d’eau potable, des centaines de médecins et de chercheurs… Pourtant, elle est défendue par quasiment tout le spectre politique allant de l’extrême droite aux macronistes.

Certains de ses amendements ont tout simplement repris à l’identique les propositions du lobby de l’agroindustrie. Laurent Duplomb déclarait en 2024 au micro de France Info : “Quand la FNSEA me propose des amendements qui sont bien rédigés et qui vont dans le sens de mes convictions et de mes attentes, je les défends”. Laurent a le mérite d’être clair.

Cette loi est un concentré de mesures écocidaires, visant à rendre service aux géants de l’agro-industrie et à tuer la paysannerie : soutien aux mégabassines, réautorisation des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, autorisation de drones pulvérisateurs de pesticides, facilitation d’implantation d’élevages intensifs, limitation du contrôle démocratique… Une galerie des horreurs qui va détruire les sols, tuer la biodiversité, empoisonner la population et ne bénéficier qu’aux gros exploitants.

Pourtant, le gouvernement et les député-es ayant voté la loi partent en croisade pour désinformer massivement, n’hésitant pas à mentir grossièrement. Gabriel Attal a publié un communiqué indiquant “Soyons clairs : jamais je ne voterai une loi dont je considère qu’elle pourrait être dangereuse pour les Français”. Mensonge éhonté, auquel Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS, a pu répondre : “Cette loi prévoit pourtant plusieurs dispositions dangereuses pour les français (et au premier chef pour les agriculteurs), comme j’ai eu l’honneur de vous en informer, ainsi que tous vos collègues députées et députés, en vous adressant une tribune écrite avec 9 collègues scientifiques de l’Académie des Sciences et du CNRS et publiée par le journal Le Monde”.

Annie Genevard continue d’inonder les plateaux télé de mensonges, affirmant que «beaucoup ignorent la réalité de ce qu’il y a dans ce texte», que «l’agriculture française est la plus vertueuse au monde» ou encore que «le gouvernement a le soucis de protéger notre agriculture et notre capacité de production». Or, la France est la championne d’Europe de l’usage des pesticides en nombre de tonnes utilisées, mais aussi un pays où un tiers des cours d’eau sont contaminés, où 99,8% de la population est intoxiquée au glyphosate et où certains pesticides interdits depuis 20 ans sont encore relevés dans les cheveux des enfants, dans certaines régions agricoles marquées par de forts taux de cancers pédiatriques. Pas un mot qui sort de la bouche de cette ministre n’est donc vrai.

Yaël Braun-Pivet a de son côté confirmé que nos gouvernants n’en ont absolument rien à faire de la démocratie. Malgré plus de 2 millions de signataires et un rejet massif de cette loi par les citoyens et citoyennes, “un débat ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée”. Le message est clair : comme pour la réforme des retraites de 2023, nous ferons ce que nous voulons, que vous soyez d’accord ou non.

Ne soyons pas dupes : il ne s’agit pas là d’une anomalie du système. Simplement, les règles du jeu institutionnel ne sont pas faites pour le “bien commun”, elles ne sont pas faites pour nous, mais pour enrichir une poignée de possédants. Le système fonctionne parfaitement pour ceux qui l’ont créé et qui en tordent les règles selon leurs intérêts. Quitte à laisser sur le carreau tous les autres.

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