En janvier dernier, un grand mouvement agricole avait secoué la France.
Plutôt que de répondre au mal-être paysan, à la précarité de la profession et aux causes de la détresse, à savoir l’accaparement des terres par les gros exploitants, les marges de la grande distribution et l’isolement croissant des travailleurs de la terre, le gouvernement avait simplement pondu une mesure anti-écologique : le droit à utiliser plus de pesticides toxiques. Évidemment, 10 mois après ce cadeau au lobby des engrais, rien n’est réglé. Et à nouveau, des agriculteurs sont dans la rue pour manifester la colère paysanne.
Il protestent contre le traité de libre-échange du MERCOSUR, qui va les mettre en concurrence avec des producteurs d’Amérique du Sud. Une énième mesure néolibérale, favorisant la mondialisation capitaliste. Devinez ce que la FNSEA, le grand syndicat agricole de droite a choisi d’attaquer :
A – La grande distribution qui réalise des profits énormes en rachetant les produits à des prix dérisoires ?
B – La firme Lactalis qui les oblige à produire toujours plus, de mauvaise qualité, pour des coûts toujours moins élevés ?
C – Les lieux du pouvoir macroniste néolibéral responsable de ce marasme ?
D – L’office de la biodiversité, une petite institution qui manque de moyens et dont le rôle est de préserver ce qu’il reste de vie dans les campagnes ?
E – Les spéculateurs qui jouent en bourse le prix du grain, du lait et de la viande ?
Vous avez deviné : la réponse D. Dans la ville de Beauvais, la FNSEA a choisi de s’en prendre à cet office qui ne compte que 3000 fonctionnaires en France, chargés de recenser la faune et la flore, de sensibiliser à l’environnement et de faire respecter les lois sur la préservation de la nature. Un rôle inacceptable pour la FNSEA, dont l’objectif n’est pas défendre les paysans contre le capitalisme mais d’amplifier les logiques agro-industrielles et l’usage de pesticides.
Le local a été muré puis recouvert de fumier et de pneus, sous le regard complice de la police qui les a gentiment laissés faire. Cela fait des années que le lobby agro-industriel s’en prend à l’office de la biodiversité. En mars 2023, au petit matin, les locaux de Brest avaient même été incendiés. Certains agents sont harcelés et ont peur d’aller au travail. Dans une impunité totale. Le gouvernement est même satisfait, puisqu’il ne cesse de baisser les moyens pour préserver la nature et aimerait déréguler encore davantage toutes les mesures de préservation de l’environnement.
Être agriculteur et manifester avec la FNSEA, c’est aussi débile que de voter Le Pen parce qu’on est précaire en croyant qu’elle va régler les problèmes sociaux. C’est aussi stupide que de faire un régime en allant à Mc Do ou de soigner son diabète avec des Haribo.
Pour rappel, le boss de la FNSEA se nomme Arnaud Rousseau, et il possède une énorme exploitation de 700 hectares. Il dirige le groupe Avril, une multinationale de l’agrobusiness spécialisée dans l’huile et qui a réalisé plus de 9 milliards d’euros de recettes en 2022. Il n’a aucun intérêt commun avec les petits paysans et aucune intention de lutter contre le libre-échange, la mondialisation et la spéculation. Il fait partie du même monde.
Au train où vont les choses, ce nouveau mouvement agricole risque d’être une sinistre répétition de celui du mois de janvier : une colère instrumentalisée, détournée, et finalement utilisée pour réduire encore plus les rares réglementations écologiques, au détriment de la population et des agriculteurs eux-mêmes. Et tout cela sans toucher aux intérêts des vrais responsables du mal-être paysan.
2 réflexions au sujet de « Colère paysanne et récupération par le lobby agro-industriel : c’est reparti pour un tour »
Le même Rousseau qui s’installe au Brésil depuis octobre, sacré timing.
Agriculteurs manipulés en instrumentalisés par la FNSEA.
Et en plus, ils déversent leurs pneus et leur lisier, ils saccagent des locaux, et ils ne sont pas condamnés. L’Etat les craint. Dommage que leur colère ne soit pas tournée vers les vraies causes et les vraies responsables.