⁨1 MILLION DANS LA RUE : ET APRES ?

Quel plan de bataille après les succès numériques des 10 et 18 septembre ?

Ce jeudi soir, la CGT annonce que « plus d’un million de personnes » ont manifesté dans toute la France. C’est deux fois plus que le 10 septembre, même en prenant les chiffres du Ministère de l’Intérieur. Ce sont de très gros cortèges qui ont pris les rues, atteignant un niveau comparable au mouvement de défense des retraites en 2023, qui était soutenu massivement et qui avait provoqué une crise de régime. Une crise d’ailleurs toujours en cours.

Parmi les chiffres remontés, 120 000 personnes dans les rues de Marseille, 50 000 à Lille, 40 000 à Toulouse, 25 000 à Nantes, 20 000 à Lyon, Rennes et Strasbourg, 15 000 à Grenoble, 7000 à Saint-Nazaire … Partout, l’affluence a été énorme. Selon le gouvernement, 700 actions ont été menées sur la voie publique et 29 incendies ont été déclenchés. Et après ?

Le nombre de manifestants n’est pas une fin en soi. En 2018, les Gilets jaunes ont fait trembler le pouvoir bien plus fort que les manifestations du printemps 2023, qui étaient pourtant beaucoup plus fournies, mais qui n’ont jamais réellement inquiété Macron. L’important n’est pas tant de descendre dans la rue, mais de qu’on en fait. Et il faut reconnaître que la journée du 18 septembre est restée sous contrôle. Elle a même été plus sage que la journée débordante du 10 septembre, qui partait dans tous les sens avec beaucoup de courage et d’enthousiasme.

La répression à de nouveau été féroce. Retaillleau a lancé 80 000 hommes armés enragés, avec des blindés, des drones, et carte blanche pour terroriser. Partout, des lycéens ont été tabassés, des campus envahis par la police, des cortèges, y compris syndicaux, gazés et chargés, des grévistes matraqués. Il n’y a plus aucune place pour la contestation réelle, celle qui engage un peu de rapport de force et tout le monde s’en accommode. Le durcissement répressif lors des Gilets jaunes puis de la révolte pour Nahel est devenu la norme. Nous sommes en train de nous habituer tranquillement à un climat de dictature.

Le pays n’a pas été bloqué. Et c’est sans doute le principal problème. Les forces de l’ordre sont tellement nombreuses et agressives qu’il devient très difficile d’agir. Et plus grave encore, il y a trop peu de monde sur les blocages : alors que l’écrasante majorité de la population souhaite la démission de Macron et soutient le mouvement, il n’y a qu’une poignée de personnes dans chaque ville pour braver la nuit et se rendre le long des routes. Redisons le, seul le blocage des flux et les conséquences matérielles sur l’économie ont de l’impact. On peut manifester à plusieurs millions pendant des années sans aucun effet. Le grand défi est donc de parvenir à convaincre nos amis, nos voisins, nos proches, de passer à l’action directe.

Enfin, il n’y a pas de plan de bataille. Ce soir, les syndicats « se félicitent de la réussite de la mobilisation » selon BFMTV, mais « n’ont pas fixé de date pour une nouvelle mobilisation » et « attendent un retour du Premier ministre ». Une telle absence de vision et un tel niveau de soumission au bon vouloir d’un gouvernement illégitime imposé par la force laisse pantois. Surtout dans le contexte actuel, et avec une telle mobilisation. Ce 18 septembre donne même l’impression que les directions syndicales ont repris en main la vague « Bloquons tout » pour la mener dans une impasse. Sophie Binet, la boss de la CGT déclare pourtant : « Nous n’avons jamais été autant en position de force ! » Si elle en est persuadée, alors qu’attend-elle pour encourager la grève générale reconductible ? Même Radio France reconnaît : « de nombreux autres manifestants se disent aujourd’hui prêts à refaire grève rapidement, persuadés que le rapport de force est en leur faveur ». Malheureusement on peut s’attendre à un autre appel à une « journée de grève » lointaine, peut-être en octobre.

C’est donc au mouvement Bloquons tout, le grand souffle né pendant l’été, à travers ses assemblées et ses forces vives, de dessiner un plan de bataille cohérent et efficace. Faute de quoi, le mouvement retombera dans un rythme pépère, ponctué de manifestations espacées, massives mais inoffensives, comme en 2023. Et Macron pourra finir de nous torturer en toute tranquillité.⁩