Le Chef d’État Major des Armées veut «pouvoir mobiliser de la masse» : le Service National Universel est mort-né, bienvenue au Service Militaire Volontaire pour préparer la jeunesse à la guerre

Le Service National Universel était l’un des grands projets de Macron depuis son élection en 2017. Il s’agissait de stages en uniforme, encadrés par des militaires, destinés aux lycéens et lycéennes. Les adolescent-es participaient à la levée du drapeau français et chantaient La Marseillaise chaque matin, apprenaient à marcher au pas et à se tenir en rang, le tout agrémenté de randonnées et d’activités ludiques. Un dispositif inspiré des «chantiers de la jeunesse», créés par le Maréchal Pétain : sous l’Occupation, les jeunes français devaient accomplir, en uniforme, des travaux forestiers et autres tâches dans une ambiance militaire, encadrés par des soldats, mais sans la dimension guerrière.
Macron y tenait : mettre la jeunesse au garde à vous, l’habituer à une ambiance militaire, et la préparer à la guerre. Sauf que ce SNU a été un désastre sur tous les plans : couteux, inutile, dangereux pour les jeunes. Le nombre de participants attendu n’a jamais été atteint : ce SNU était testé sur la base du volontariat avant d’être généralisé. Sauf que parmi les 30.000 volontaires en 2021, 37% avaient un parent qui travaille ou a travaillé dans l’armée, la police, la gendarmerie ou chez les pompiers, et le nombre de recrues espérées n’a jamais été atteint.
Le SNU était aussi extrêmement coûteux : les chiffres n’ont pas été communiqués avec transparence, mais s’il avait été généralisé, il aurait représenté plusieurs milliards d’euros de dépenses prélevés à l’Éducation Nationale, qui par ailleurs manque de moyens. La Cour des comptes avait publié un rapport dénonçant ces dépenses. Pour couronner le tout, ce SNU avait connu de nombreuses polémiques : propos racistes tenus par les militaires envers les jeunes, agressions sexuelles, malaises et blessures lors d’exercices… Il fallait arrêter les frais.
Le problème, c’est que nos dirigeants veulent mettre en place quelque chose d’encore pire. Le nouveau Premier ministre Lecornu est l’ancien Ministre des Armées, et il est férocement militariste. Pas question d’abandonner le recrutement de la chair à canon. Ainsi, il vient de supprimer «plusieurs structures et délégations interministérielles» pour faire des économies, «dont celle chargée du service national universel» explique le quotidien Le Monde. Mais c’est pour le remplacer par un «service militaire volontaire» en 2026.
Pour son discours du 14 juillet dernier, Macron a parlé «d’acceptation du sacrifice, jusqu’au sacrifice ultime», un mot qu’il avait déjà employé ces derniers mois, comme s’il rêvait de sacrifier la jeunesse plutôt que de lui offrir un avenir désirable. Il a dit vouloir «donner à la jeunesse un nouveau cadre pour servir, selon d’autres modalités, au sein de nos armées» pour lui «offrir un débouché à cette formidable envie d’engagement». Comme si le rêve des jeunes était d’enfiler un uniforme et mourir pour des marchands d’armes.
Le quotidien Libération annonçait déjà, en avril dernier, la fin du SNU et son possible remplacement par «un service militaire volontaire». Exit donc le volet «éducation populaire» ou l’engagement contre les discriminations qui existaient encore dans le SNU, bonjour l’encasernement militarisé et l’intégration directe dans les contingents de l’armée.
Ce «service militaire rénové» vise à «proposer aux Français majeurs de recevoir une formation militaire socle pouvant déboucher sur un engagement». Selon le média Zone militaire, cette mesure représente «un coût évalué à 1,7 milliard d’euros par an» et «permettrait à 70.000 jeunes d’effectuer une période de six mois dans un environnement militaire». Un dispositif visant «à renforcer la culture de défense et à faciliter le recrutement». Un bel horizon.
Ce projet inquiétant est résumé par le nouveau Chef d’État Major des Armées, le général Schill, qui ne passe pas par quatre chemins : «J’ai besoin d’une masse importante, notamment compte tenu des risques de conflits plus importants. En tout cas, j’ai besoin de pouvoir mobiliser de la masse mais sans forcément l’avoir sous les drapeaux en permanence». Une sorte d’armée de réserve de jeunes endoctrinés qu’on peut envoyer au front en cas de besoin, mais qui coute moins cher que des soldats entretenus en permanence dans les casernes.
Cette décision s’inscrit dans le sillage de nombreuses mesures du même type. Le ministère de la Santé a envoyé une consigne datée du 18 juillet 2025 aux Agences Régionales de Santé pour que les hôpitaux se préparent à la guerre d’ici le mois de mars 2026. Le document évoque un possible «engagement majeur», et leur demande de se tenir prêt à accueillir des soldats blessés en cas de conflit armé généralisé en Europe. Les services de santé sont également priés de former les soignants «aux contraintes d’un temps de guerre marqué par la raréfaction des ressources, l’augmentation des besoins et la survenue d’éventuelles rétroactions sur notre territoire», ainsi qu’à la prise en charge des «troubles post-traumatiques».
Un «guide de survie» sera distribué par le gouvernement à la population dès cet automne. Intitulé «Tous résilients», il contiendra «une trentaine de pages et trois grands axes» pour «se préparer, se protéger, et s’engager». Il s’agit selon les autorités de «sensibiliser les Français, pour être réserviste dans l’armée, la police, chez les pompiers ou la sécurité civile». Autrement dit, embrigader la population et conditionner les esprits au pire.
Partout en Europe, les gouvernants pensent à réintroduire le service militaire. Le 10 mars, un sondage commandé par le quotidien Ouest-France contribuait à alimenter la propagande de guerre : 61% des Français seraient «favorables au rétablissement d’une forme de service militaire obligatoire». Quelques jours plus tôt la chaîne LCI, possédée par le milliardaire Bouygues, diffusait un autre sondage expliquant que «57% des jeunes» seraient «prêts à s’enrôler en cas de guerre».
En Allemagne, le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz annonce que son pays doit se préparer «au pire scénario» et envisage de remettre en place le service militaire. Alors qu’il était Premier ministre britannique, Rishi Sunak estimait que les jeunes de 18 ans pourraient choisir «entre un placement à temps plein de 12 mois dans les forces armées» ou «un week-end par mois pendant un an de volontariat au sein de leur communauté».
En Belgique également, le gouvernement de droite radicale envoie une lettre à tous les jeunes majeurs pour leur proposer un nouveau service militaire sur la base du volontariat, pour le moment. Le Premier ministre polonais veut carrément créer un programme pour que tous les hommes en Pologne suivent une formation militaire. Il s’agit selon lui de «préparer une formation militaire à grande échelle pour que chaque homme adulte en Pologne soit formé en cas de guerre».
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.