La présidence de la fac de Nantes envoie la police contre les étudiant·es et veut interdire les Assemblées Générales. Elle vient de fermer tout le campus suite à une action

Le fond de l’air est décidément bleu marine à Nantes. La ville, déjà endeuillée et outragée par une répression hors du commun depuis de longues années, est en état de siège policier depuis la rentrée. Les journées de mobilisation du 10 et du 18 septembre ont subi un niveau d’asphyxie policière encore jamais vu, avec des assauts agressifs contre chaque regroupement, chaque tentative de blocage, et même contre des cortèges syndicaux.
Le délire continue ces derniers jours sur le campus. Alors que l’année universitaire vient tout juste de débuter, une compagnie de CRS a été déployée à la fac le 18 septembre pour réprimer les étudiant·es en mouvement. C’est en soi gravissime. L’entrée de forces de l’ordre dans les facs était interdite depuis le Moyen-Âge, à la demande d’un Pape au 13ème siècle. Cela s’appelle la «franchise universitaire» : pas de gens d’armes dans les universités. C’est ce qui a permis, pendant des siècles, aux facs d’être des foyers préservés de liberté d’expression et de contestation.
Mais depuis 2018 cette protection a du plomb dans l’aile. Macron a fait voler en éclat cette tradition. Ces dernières années, de nombreuses universités sont régulièrement envahies par les forces de l’ordre, qui procèdent à des expulsions et des violences, ce qui était impensable dans l’après Mai 68. Et le procédé se généralise, puisque désormais, pour un jour de mobilisation nationale appelé par les syndicats, la présidence demande un déploiement policier.
Mais l’Université de Nantes veut aller plus loin. Une modification du règlement intérieur est annoncée pour le conseil d’administration du 17 octobre prochain. C’est une attaque frontale et sans précédent contre la liberté d’expression : une première modification veut interdire tout regroupement n’ayant pas été déclaré un mois auparavant. Ce qui signifie la fin de toute possibilité d’Assemblée Générale ou de réunion étudiante en cas de mouvement social, des moments qui, par définition, ne peuvent être planifiés aussi longtemps à l’avance. Une deuxième modification veut sanctionner «l’usage abusif de la liberté d’expression», notamment de «porter atteinte à la réputation de l’établissement».
Ces attaques s’inscrivent dans la continuité de mesures Maccarthystes dans les facs, contre «l’islamo-gauchisme» imaginaire créé par Cnews et repris par les Ministres de l’enseignement supérieur, puis contre le mouvement social pour les retraites en 2023, et contre les mobilisations pour la Palestine depuis deux ans.
Le 22 septembre, une Assemblée se réunissait à l’Université pour discuter de la situation actuelle. Et la présidence a appelé une armada de flics pour réprimer quelques dizaines d’étudiant·es qui discutaient au sein de la fac de droit. Autour de 19h, pas moins de 10 camions de CRS sont intervenus sur le campus, soit plus de policiers que d’étudiant·es.
Ce mardi 23 septembre, le scandale monte encore d’un cran. Une nouvelle Assemblée, réunie pour répondre à la provocation de la veille, décide d’envahir le Pôle étudiant. Une modalité classique : ce bâtiment, comme d’autres, a été occupé des dizaines de fois par des mouvements étudiants dans les années passées. Mais cette fois-ci, nouvelle intervention policière !
En représailles, la présidence a fait évacuer tous les cours, créant une pagaille généralisée dans toute la fac. Dans un communiqué envoyé peu après, la direction explique qu’elle a ordonné cette évacuation et la suspension de tous les cours pour la journée «à la demande de la Préfecture». C’est, là aussi, du jamais vu. Nous avons à Nantes un préfet qui ordonne d’attaquer les manifestations syndicales et qui décrète des fermetures d’université… dans une indifférence glaçante.
La présidente de l’Université se nomme Carine Bernault, elle est présentée comme «l’une des femmes les plus puissantes de l’Ouest» par Médiacités. Juriste, nommée en 2022 à la tête du cinquième pôle universitaire français, Carine Bernault est l’incarnation typique de cette élite intellectuelle macroniste, qui se pense progressiste mais qui applique dans les faits des méthodes dictatoriales.
Dans une interview touchante donnée à Ouest France en août 2024, Carine Bernault parlait de son «amour de la littérature» et dénonçait «les ravages de l’individualisme», la «masculinité toxique» ou racontait que «la démocratie n’est jamais acquise». Pas à une contradiction près, en avril dernier elle recevait l’obscur politicien nantais d’extrême droite Foulques Chombart de Lauwe. Ce dernier évoquait un échange «constructif» et annonçait avec fierté que la présidente de la fac envisageait d’installer, à sa demande, plus de caméras de surveillance sur le campus.
Si les différentes autorités nantaises poussent à ce point le curseur de la répression, c’est parce qu’elles profitent de la faiblesse de l’opposition. Depuis longtemps le gouvernement rêve de mettre au pas la ville de Nantes, notamment sa jeunesse. On peut supposer qu’il juge que le peu de résistance face à ses attaques répétées ces derniers mois, est l’occasion d’aller toujours plus loin. Sauf s’il trouve face à lui une réponse unie et déterminée.
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.