La taxe Zucman est-elle « d’extrême gauche » ?


Désintox de la dernière énormité du milliardaire trumpiste Bernard Arnault


Bernard Arnault, l'homme le plus riche de France qui considère que la taxe Zucman serait d'extrême gauche.

Alors qu’un débat sur la dette et le budget de l’État agite la France depuis des semaines, les médias mettent en avant le projet de «taxe Zucman», qui porte le nom de l’économiste qui en a lancé l’idée : Gabriel Zucman.

On est très loin d’un projet révolutionnaire, de l’égalité ou même du socialisme rose pâle : il s’agit d’une taxe de 2% pour les foyers fiscaux disposant de plus de 100 millions d’euros de patrimoine. Un grain de poussière qui ne concernerait qu’une poignée de familles richissimes. C’est à peine l’équivalent de l’ISF, cet impôt sur les grandes fortunes que Macron a aboli après son élection. La taxe Zucman c’est grosso modo, une mesure que pourrait prendre François Hollande sous Xanax.

Pourtant, l’idée énerve énormément Bernard Arnault. L’homme le plus riche de France a adressé une déclaration au journal anglais le Sunday Times le 20 septembre. Il y déclare que M. Zucman est «un militant d’extrême gauche. À ce titre, il met au service de son idéologie une pseudo-compétence universitaire qui, elle-même, fait largement débat». L’attaque ad hominem est frontale.

L’économiste a répondu poliment sur X : «Je n’ai jamais été militant dans aucun mouvement ni encarté dans aucun parti» et rappelle qu’il est «professeur des universités à l’École normale supérieure et à Berkeley». Pas vraiment des repères bolcheviques. Il explique que ses recherches lui ont permis de constater «que les milliardaires paient très peu d’impôt sur le revenu proportionnellement à leur revenu» et que cela est «établi de façon indépendante et objective par les travaux de l’Institut des Politiques Publiques en France».

On pourrait aussi ajouter que la richesse des 500 plus grandes fortunes françaises a progressé de 500% de 2010 à 2025, plus que nulle part ailleurs dans le monde. Que la fortune des milliardaires augmente de 6 à 8% par an, et qu’en prélever 2% ne leur enlèverait rien, cela ne ferait que ralentir – un peu – le pillage de la richesse commune par ces parasites. La taxe Zucman ne serait même pas un prélèvement sur d’éventuels investissements : les profits hallucinants réalisés par les grandes entreprises sont redistribués massivement aux actionnaires qui ne produisent rien. Même avec cette taxe de 2% par an, il faudrait des décennies pour revenir au niveau d’écart de richesses d’il y a 15 ans.

Très bien. Mais Gabriel Zucman n’a pas compris que nous sommes à l’ère de la post-vérité, et que Bernard Arnault est un militant trumpiste. Il se moque des faits et de la réalité : ce qui importe, c’est d’imposer un récit qui sert ses intérêts. Pour cela, il faut marteler que taxer, même minimalement, les fortunes les plus énormes, serait «d’extrême gauche». C’est une façon de tirer le spectre politique et économique toujours plus loin vers l’extrême droite et les idées ultra-libérales. Car si une micro-taxe est «d’extrême gauche», alors même un projet Keynesien est d’ultra-gauche, et une société communiste de turbo-méga-gauche. C’est une façon de marginaliser tout un pan des idées économiques et sociales.

En janvier dernier, Bernard Arnault avait des étoiles plein les yeux au retour d’un voyage dans les USA de Trump : «J’ai pu voir le vent d’optimisme qui régnait» aux États-Unis expliquait-il. C’était quelques jours après le salut nazi d’Elon Musk. «Quand on revient en France on s’apprête à augmenter les impôts, c’est à peine croyable ! Pour refroidir les énergies, on fait difficilement mieux. Il faudrait faire comme aux États-Unis et nommer quelqu’un pour slasher [sic] un peu la bureaucratie».

Bernard Arnault menaçait alors de délocaliser ses entreprises aux États-Unis parce qu’il y a trop d’impôts en France. En plus d’être trumpiste, on pourrait rappeler que le milliardaire paie moins d’impôts, proportionnellement, qu’un salarié français qui touche 1800€ par mois. C’est aussi un assisté, dès l’origine de son «aventure entrepreneuriale».

En 1984, il rachète un groupe d’industrie textile en faillite : Boussac. L’État français, alors dirigé par le PS, lui offre 750 millions de francs de subventions publiques, soit 114 millions d’euros, et efface 1 milliard de francs de dettes de l’entreprise, contre la promesse de «maintenir la survie du groupe en évitant son démantèlement». Arnault ne tient pas parole. Il démantèle le groupe, et ne conserve que la branche de luxe : Dior. La moitié des employés sont virés. Au départ, il n’avait misé que 40 millions de francs, il se retrouve à la tête d’un magot de 8 milliards. C’est grâce à cette fortune qu’il fera l’acquisition de LVMH lors de la crise financière d’octobre 1987.

Entre autres méfaits, Bernard Arnault a aussi engagé des barbouzes issus de la police et reconvertis dans le mercenariat pour espionner François Ruffin et son journal Fakir. Il a aussi mis des coups de pression à Macron après la dissolution pour que jamais une personnalité de gauche, même modérée, n’entre au gouvernement.

Tous ces faits d’armes sont rarement rappelés dans les médias dominants. En revanche nous pouvons, collectivement, rappeler à Bernard Arnault ce qu’est réellement «l’extrême gauche». Et ça risque de ne pas lui plaire, car il ne s’agit pas de minuscule taxes pour colmater le pillage patronal. Le capital étant du travail mort qui s’accumule, les travailleurs et travailleuses pourraient bien envie de le confisquer à ce milliardaire qui n’a jamais rien fait d’autre de ses mains que signer des contrats.

Depuis les origines, le syndicalisme, le marxisme et les courants libertaires sont d’accord sur quelques points essentiels : récupérer TOUTE la richesse des exploiteurs, mettre en commun les moyens de production, mettre fin au salariat et pourquoi pas, dans la foulée, abolir l’État et l’argent. Il serait temps de réaffirmer ces idées, qui mettaient d’accord des dizaines de millions de personnes jadis, et qui permettraient de tirer enfin la fenêtre d’Overton de notre côté.

AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.