Comment le capitalisme détruit la Santé publique : un hôpital mendie pour financer de nouveaux lits. Entre 2000 et 2020, 100.000 lits d’hôpitaux ont été fermés en France.

Comment en est-on arrivé là ?
Jusqu’au début des années 2000, l’OMS clamait que la France détenait le meilleur système de santé au monde. Mais petit à petit, le néolibéralisme a su détruire un système mis en place après la Seconde guerre mondiale qui permettait à chacun et chacune d’avoir accès à un service de santé de grande qualité, gratuitement et sans avoir à satisfaire l’appétit d’actionnaires. Aujourd’hui, les hôpitaux en sont réduits à faire l’aumône.
Ainsi, l’hôpital d’Évreux lance un “emprunt citoyen”. Le directeur de l’établissement parle d’un “investissement porteur de sens”. Pour cette clique de managers, en effet, l’hôpital est une entreprise comme les autres, et la seule langue qu’on doit y parler est celle du business. L’hôpital a besoin de pas moins de 100.000 euros pour aider à financer l’ouverture de 22 nouveaux lits. On apprend sur BFM que “ces prêts sont possibles dès un euro et ont une rémunération de 2,8% sur cet argent investi que l’hôpital rembourse progressivement pendant sept ans”.
Se faire de l’argent sur un hôpital public à genou, voilà donc la solution que nous proposent les chantres de la privatisation de l’hôpital. En décembre 2023 déjà, l’hôpital parisien George Pompidou lançait un appel aux dons sur les réseaux sociaux pour s’acheter… un scanner. «Nous faisons appel à votre générosité pour nous aider à finaliser l’acquisition du premier scanner à comptage photonique» publiait-il, accompagné d’un lien vers une cagnotte en ligne. Notre système de santé en est réduit à des cagnottes Leetchi.
Un peu d’histoire
En décembre 1945 est créée la Sécurité sociale. C’est un système de solidarité garanti par l’État, géré par des caisses en-dehors du marché. Cette conquête, colossale, a été arrachée par la Résistance antifasciste, alors que le patronat collabo était lourdement discrédité et que les réseaux communistes disposaient de dizaines de milliers d’armes. La bourgeoisie avait donc été obligée de faire des concessions. Mais la santé est un énorme marché que convoitent les capitalistes, qui vont passer les 80 années suivantes à tenter de le privatiser. C’est avec l’élection de Valéry Giscard d’Estaing que la droite va commencer à mettre un pied dans la porte : en 1979 est votée une loi permettant au ministre de la Santé de fermer des lits d’hôpitaux.
En 1983, c’est le Parti Socialiste qui lance le début des politiques d’austérité budgétaire, avec la mise en place d’enveloppes budgétaires fixées à l’avance pour chaque hôpital. C’est aussi le début des mutuelles complémentaires avec l’instauration du forfait journalier obligatoire : c’est la fin de la gratuité des soins assurée pour toutes et tous. En 1991, la loi Évin impose des restructurations. Les préfets peuvent à présent fermer des lits d’hôpitaux, et c’est le début d’une coopération public-privé, annonçant les privatisations futures. En 1995 la privatisation s’accélère, les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) sont créées. Les directeurs de ces agences peuvent attribuer les budgets, forcer des privatisations ou des fermetures d’hôpitaux. En 2000, le passage aux 35 heures, qui ne s’accompagne pas de recrutements dans les hôpitaux, conduit à une grave crise et à une intensification de la charge de travail des soignants et soignantes.
En 2007, le plan Hôpital 2007 du gouvernement Fillon acte le rêve des capitalistes : transformer l’hôpital en entreprise qui doit prouver sa rentabilité. Les hôpitaux sont tributaires de leurs performances pour se voir attribuer des moyens. Dans le cas où les moyens sont insuffisants, ils ont le choix entre la peste ou le choléra : réduire leur personnel, ou contracter un prêt auprès des banques. Les taux d’intérêt des hôpitaux explosent, certains sont proches de la banqueroute. L’État socialise certaines de leurs dettes, mais aucune remise en question d’un modèle qui va droit dans le mur n’est au programme, bien au contraire.
La loi HPST de 2009 (Hôpital, patients, santé et territoires) vient compléter et approfondir la transformation de l’hôpital en entreprise. C’est cette loi qui crée les ARS (Agences Régionales de Santé) en les dotant d’un pouvoir très important de contrôle. Ce sont elles qui définissent et mettent en œuvre les politiques de santé au niveau régional, et elles ont pour charge de veiller à ce que tout le système de santé soit efficient et le moins coûteux possible.
Entre 2000 et 2020, ce ne sont pas moins de 100.000 lits qui sont fermés sur le territoire. Poussés par des conditions de travail intenables, c’est une épidémie de suicides chez les soignant-es qui n’en peuvent plus. La pandémie de Covid en 2020 met en lumière l’ampleur du désastre, mais ici encore, point de remise en cause du système. Des solutions ubuesques et anecdotiques sont proposées par les députés LREM : faire un don de ses jours de congés aux soignant-es. Mais pas d’ouverture de lits, ni d’embauches massives, ni d’augmentations de salaires. Un crachat au visage des soignants, qui se mobilisent chaque année pour dénoncer le manque de moyens. Chaque année, la seule réponse du gouvernement consiste en des budgets d’austérité et une course au rendement.
Aujourd’hui, l’hôpital public est rongé jusqu’à l’os. Un os auquel continuent de s’attaquer les gouvernements successifs, jusqu’à ce que nous arrêtions ces fossoyeurs.
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