«Suspension» bidon de la réforme des retraites en échange d’un soutien du PS au gouvernement et à un plan de finance ultra-libéral

Il faut reconnaître au Parti Socialiste et aux dirigeants syndicaux un certain talent : celui de maintenir l’ordre, de désarmer les luttes sociales et ainsi de paver la voie au fascisme avec une efficacité impressionnante. Ces sinistres personnes sont plus efficaces que toutes les polices de France et tout leur armement pour éteindre les aspirations populaires. La preuve avec la séquence folle que nous traversons depuis le 10 septembre.
Ce mardi 14 octobre, une scène surréaliste a lieu à l’Assemblée Nationale. Sébastien Lecornu, Premier ministre putschiste, imposé pour la deuxième fois après sa démission éclair la semaine dernière, à la tête d’un gouvernement de combat, anti-social et réactionnaire, est applaudi et même acclamé par les députés du Parti Socialiste. Ce gouvernement est probablement sauvé, c’est un retournement total. Il y a encore quelques jours, il paraissait quasiment impossible qu’un politicien unanimement rejeté, au service d’un président détesté, en pleine crise de régime, puisse passer la semaine. Grâce au Parti Socialiste, le gouvernement Lecornu va sans doute pouvoir poursuivre la besogne infâme de violence et de dévastation en cours depuis des années.
En échange de ce soutien : un pacte, une magouille lamentable. Sébastien Lecornu a promis une «suspension» de la réforme des retraites imposée par 49.3 en 2023, contre l’avis de 90% des travailleurs et travailleuses, et face à des grèves de millions de personnes. Lors de son discours, le Premier ministre a jeté un petit coup d’œil en direction des bancs socialistes, qui se sont mis à applaudir, comme dans une pièce de théâtre préparée à l’avance. Il y a deux jours, Olivier Faure assurait pourtant qu’il n’y avait «aucun deal» avec les macronistes.
Cette «suspension» est une arnaque. D’abord parce qu’il ne s’agit pas d’une abrogation, mais juste d’une pause. Cette réforme injuste sera remise en route dès que la situation sera calmée. Ensuite, puisque cette suspension est temporaire, c’est une concession minimale : seule la génération née en 1964 gagne trois mois sur son départ en retraite. Et cela, on l’a dit, de façon temporaire. Autant dire que les plus jeunes ne gagnent absolument rien dans cette affaire.
Voilà le prix du soutien socialiste : un compromis ridicule pour qu’Olivier Faure et ses amis puissent déclarer dans les médias que Macron a fait un «compromis» grâce à eux. Sauf que ce faux recul masque un vrai plan de bataille ultra-libéral. Le projet de finance de Lecornu prévoit par exemple un gel des pensions de retraite et des prestations sociales en 2026. Il veut aussi défiscaliser les indemnités journalières versées aux personnes en affection longue durée. C’est-à-dire rendre imposables les arrêts maladie de personnes atteintes de sclérose en plaques, cancer, insuffisance rénale…
Le projet de finance comprend aussi le gel de l’indemnité journalière pour les personnes aidant des malades dépendant-es, le gel des prestations d’accueil d’enfants ou encore le gel de l’allocation en cas de décès d’un enfant. Mais aussi un plan de coupes de 5 milliards d’euros sur les communes et services publics locaux, une augmentation de TVA pour les auto-entrepreneurs et les artisans, le doublement des franchises sur les médicaments, les transports médicaux et certains soins, la division par deux des efforts sur les grandes entreprises et les plus riches par rapport au dernier budget, 13 milliards d’économies sur la Sécurité Sociale et 7 milliards d’économies sur la santé. C’est un plan quasiment identique à celui voulu par Bayrou au début de l’été, qui avait provoqué une immense vague de colère, et la création du mouvement «Bloquons tout».
Pour faire diversion, le projet prévoit une nouvelle taxe de 2% sur le patrimoine des holdings. Mais l’économiste Gabriel Zucman explique que cette loi «prend soin d’exonérer quasiment toute la fortune des holdings, vidant ainsi entièrement le dispositif de sa substance». Encore une arnaque pour faire passer la pilule.
Alors que même les macronistes quittent le navire en perdition, que deux anciens Premier ministre, Gabriel Attal et Édouard Philippe, appellent Macron à partir, que ses plus proches conseillers estiment qu’il est «dingue» et «de plus en plus autoritaire», le PS devient ainsi l’ultime bouée de sauvetage d’un système à l’agonie. Et va permettre à un gouvernement composé de Darmanin, Laurent Nunez et autres nuisibles, de faire couler le sang des pauvres.
Certains pensent que ce soutien socialiste est un «suicide politique». Il n’en est rien. Ce deal entre le PS et la macronie est une reconfiguration politique. Le PS compte occuper l’espace macroniste, prendre sa place. Hollande a créé le monstre Macron, son parti veut reprendre le terrain vacant laissé après son passage au pouvoir. Il faut s’attendre à une coalition composée des socialistes et des anciens macronistes, avec des personnalités comme Glucksmann et Attal à leur tête, pour incarner le nouveau camp de «centre-gauche» responsable face à la France Insoumise aux prochaines élections.
Tout cela n’est pas qu’une manœuvre ridicule, cela donne la nausée, car ce sont les millions de personnes pauvres, précaires, les apprentis qui meurent au travail, les malades qui agonisent dans les couloirs d’hôpitaux qui paient la facture de ces magouilles.
Mais à qui la faute ? Au PS évidemment, mais aussi au reste de la gauche qui a ressuscité ce parti. En 2022, le PS faisait moins de 2% aux élections présidentielles. Il fallait le laisser mourir. Au lieu de ça, les accords de la NUPES puis du NFP ont redonné de la vigueur à cet horrible force politique, coupable de tant de souffrances. Désormais, le PS a regagné un pouvoir de nuisance colossal, au point de pouvoir sauver un gouvernement.
La faute revient aussi aux directions syndicales qui ont saboté, avec brio il faut le reconnaître, le mouvement autonome et offensif du 10 septembre. C’est uniquement en détruisant l’élan social que ces manœuvres sont désormais possibles. Rien de tout cela n’aurait lieu s’il y avait des millions de personnes dans les rues pour réclamer la tête de Macron et de ses ministres. La faute nous revient aussi, à nous toutes et tous : pourquoi sommes-nous si sages, si discipliné-es ? Comme si nous attendions une résolution de la crise par les députés et les institutions. Comme si les responsables du chaos allaient nous en sortir.
Puisque la censure ne viendra pas de l’Assemblée, c’est une censure populaire, venue d’en bas, qu’il faut construire immédiatement, contre le gouvernement Lecornu et ses complices.
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