Le Parti Socialiste n’a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire

Les portraits des dirigeants successifs du Parti Socialiste : que des traîtres.

Jeudi 16 janvier 2025, le Parti Socialiste refusait de voter une motion de censure contre Bayrou, et apportait de fait son soutien à un gouvernement composé de ministres d’extrême droite et imposé en dépit des dernières élections. Ce choix politique, assumé par le PS, officialise la rupture de l’éphémère «Nouveau Front Populaire», qui porte décidément bien mal son nom.

Comme d’habitude, les électeurs de gauche ont hurlé à la «trahison» du Parti Socialiste, comme si c’était une surprise ou une nouveauté. À chaque nouveau coup de poignard des socialistes, tout le monde redécouvre naïvement la nature de ce parti. Pourtant, le PS a toujours été un ennemi des luttes sociales, et pas seulement depuis François Hollande. C’est juste son mode de fonctionnement normal depuis un siècle. Rétrospective.

Ralliement à la boucherie de 1914-18

En août 1914, sur le cadavre encore chaud de Jean Jaurès, figure antimilitariste, les socialistes qui auraient dû empêcher la guerre se rallient à l’«Union Sacrée». Ils renient en quelques heures toutes leurs promesses et propulsent ainsi des millions de prolétaires dans l’enfer des tranchées. C’est une hécatombe pour le mouvement ouvrier, qui s’en relèvera difficilement.

Trois ans plus tard, en Allemagne, ce sont aussi les socialistes qui éliminent la révolution spartakiste et font assassiner la révolutionnaire Rosa Luxembourg, ouvrant la voie à l’inexorable montée du nazisme. La Première guerre mondiale, validée par les socialistes qui auraient pu l’empêcher, enfantera les totalitarismes du 20ème siècle.

Le reniement de 1936

Le Front Populaire, le vrai, naît grâce à la base militante et vit par la base, dont les aspirations seront vite abandonnées. Ce Front, qui regroupe les partis de gauche, est créé en 1935 sous la pression des différents militant-es des organisations de gauche, qui manifestent et poussent leurs chefs à s’unir face à la menace fasciste.

En mai 1936, c’est la victoire électorale, le socialiste Léon Blum dirige le pays. Mais le Front Populaire traîne des pieds pour appliquer ses promesses. À nouveau, c’est sous la pression d’une immense grève générale qui paralyse le pays et occupe les usines que le gouvernement valide en juin les premières mesures sociales comme les congés payés. Mais dès l’été, les socialises et les communistes appellent les travailleurs à reprendre le travail avec le mot d’ordre «il faut savoir terminer une grève».

Le Front Populaire crée la loi de dissolution, une mesure qui devait permettre de dissoudre les groupes fascistes «anti-républicains». En fait, dès 1937, le gouvernement utilise cette loi d’exception contre le mouvements anti-colonialistes. Plus tard, cette même loi «de gauche» servira à liquider les groupes contestataires.

En février 1937, huit mois seulement après son arrivée au pouvoir, Léon Blum déclare déjà le «temps des pauses» dans les réformes sociales. La page du progrès est déjà tournée, retour à l’austérité. Le 16 mars 1937, une manifestation a lieu contre un meeting fasciste à Clichy : la police tire sur la foule. Il y a cinq morts, des centaines de blessés, dont des militants socialistes. L’espoir né en 1936 retombe rapidement. Le patronat français, qui était terrifié pendant les grèves, reprend la main, et les fascistes reprennent les rues. Nous sommes à la veille de la seconde guerre mondiale et de la collaboration.

La faute la plus impardonnable du Front Populaire est l’abandon de l’Espagne au franquistes. Alors qu’en 1936, suite au coup d’État militaire contre le gouvernement espagnol de gauche, c’est le moment ou jamais de barrer la route aux appétits fascistes coalisés de l’autre côté des Pyrénées, la gauche française regarde la République espagnole se faire massacrer par les troupes de Franco, soutenues par Hitler et Mussolini. La victoire franquiste ouvre la voie à l’offensive hitlérienne et à la barbarie mondiale. Pire encore, le Front Populaire va parquer dans des camps les milliers de réfugiés espagnols fuyant la guerre et la dictature. Des camps au conditions atroces, qui seront réutilisés sous l’Occupation par le régime de Vichy.

Après-guerre

Après la Libération, c’est une nouvelle occasion de progrès social qui est tuée par les socialistes. Le patronat qui a collaboré avec les nazis est discrédité, le Parti Communiste n’a jamais été aussi puissant et un gouvernement de centre-gauche gouverne la France.

En 1947, un mouvement de grève démarre à Boulogne-Billancourt, puis se répand dans toute la France, prenant un tour insurrectionnel. Plusieurs millions d’ouvriers se mettent en grève. Des lignes SNCF sont sabotées dans le Nord, des milliers de grévistes attaquent les CRS à Saint-Étienne. Le Ministre de l’Intérieur socialiste Jules Moch n’hésite pas à envoyer les parachutistes contre les grévistes. Les CRS, fraîchement créés, se forment encore au maintien de l’ordre.

L’année suivante une grève dans les mines rassemble plusieurs centaines de milliers de «gueules noires». Alors qu’en de nombreux endroits des compagnies de CRS sont mises en déroute, le même Jules Moch n’hésite pas à donner l’ordre d’ouvrir le feu sur les grévistes. Plusieurs ouvriers sont tués, l’armée investit les corons du Pas-de-Calais, les réunions sont interdites et les puits ré-ouverts par la force. Plusieurs milliers de grévistes sont emprisonnés et licenciés. Ce sont les socialistes qui organisent cette répression sanguinaire contre le prolétariat, en pleines pénuries suite à la guerre. C’est cette année là que naît le slogan «CRS SS».

Guerre d’Algérie

La guerre d’Algérie, et son cortège de massacres, de tortures et d’horreurs coloniales, est largement soutenue par les socialiste. En 1956, le président du Conseil se nomme Guy Mollet, et il est socialiste. Plutôt que d’engager des négociations de paix et d’indépendance, il durcit la répression française en Algérie, légalise les camps d’internement où sont parqués des centaines de milliers d’algériens et donne les pleins pouvoirs à l’armée qui mène des opérations contre-insurrectionnelles.

Durant la guerre d’Algérie François Mitterrand, qui est encore aujourd’hui la grande figure admirée du Parti Socialiste, est encore un politicien de droite. Il avait d’ailleurs milité chez les fascistes avant guerre et manifesté «contre les métèques» avec l’Action Française, avant d’être décoré par le régime de Vichy. Il restera d’ailleurs ami avec des pétainistes jusqu’à la fin de sa vie.

Mitterrand donc, est alors ministre de la Justice. C’est lui qui orchestre la répression des opposant-es politiques en France et en Algérie et renforce, par décret, l’état d’urgence déclaré en 1955. Des Centres d’Assignation à Résidence Surveillée sont mis en place pour interner les militants algériens. Mitterrand valide de sa main l’exécution d’indépendantistes et rappelle que «l’Algérie, c’est la France». Il couvre les exactions coloniales.

On se souvient des actes de torture de Jean-Marie Le Pen en Algérie, mais on oublie trop souvent qu’à l’époque, c’est Mitterrand qui donne les ordres. À l’époque, on trouve d’autres socialistes qui sont des défenseurs forcenés de l’Algérie française, par exemple Robert Lacoste.

La douche froide de 1981

Un nouvel immense espoir nait en 1981. Mitterrand a réussi à faire oublier son passé réactionnaire et s’est fait élire président, à la tête d’une alliance de gauche. Dès cette année, c’est Mitterrand qui crée les Centres de Rétention Administrative, gérés par la police, où sont enfermés les exilé-es, hommes, femmes, enfants, s’ils n’ont pas les bons papiers. C’est lui qui entérine dans la loi la «pénalisation de l’immigration irrégulière».

Sans surprise, le Parti Socialiste abandonne rapidement ses promesses sociales, avec le «tournant de la rigueur» dès 1983 : la France s’aligne sur la vague néolibérale qui emporte le monde. On n’a jamais autant privatisé et délocalisé d’entreprises que sous un gouvernement de gauche !

Les années 1980 sont celles des «années fric», celles de Thatcher et Reagan, durant lesquelles triomphe l’imaginaire capitaliste. C’est l’émergence de grands escrocs médiatiques comme Bernard Tapie, qui sera même nommé ministre par le PS, alors qu’il a réalisé sa fortune en licenciant des centaines d’ouvriers. C’est dans ces années qu’on invente l’expression «gauche caviar».

La présidence de Mitterrand sonne la fin des espoirs de changement social qui était nés en Mai 68. La décennie 1980 est une décennie nihiliste, consumériste, qui enfante la société sans horizon que nous connaissons. Mais c’est aussi le moment où un obscur parti fasciste prend son envol.

Président, François Mitterrand demande personnellement à la chaîne Antenne 2 de donner la parole à Jean-Marie Le Pen, que personne ne connaît. Son objectif est de faire monter le FN afin de «diviser» la droite, espérant ainsi gagner les élections. En 1981, le Front National compte moins de 300 adhérents et recueille 0,18% des suffrages. En 1988, Jean-Marie Le Pen fait 14,38% des voix. Le PS est doublement responsable de la montée du FN : en abandonnant les classes populaires et en générant une médiatisation artificielle du parti fasciste.

En 1985, le gouvernement de gauche organise également l’attentat du Rainbow Warrior, le navire de Greenpeace, dans le port d’Auckland en Nouvelle-Zélande, faisant un mort et plusieurs blessé-es. Cet acte de sabotage vise à empêcher Greenpeace de protester contre les essais nucléaires français dans le Pacifique. Mitterrand, en tant que président, a approuvé cette opération. Jadis anti-nucléaire et favorable au désarmement, le PS a d’ailleurs renié toutes ses promesses dans le domaine, en prolongeant la durée de vie des centrales nucléaires et en lançant de nouveaux projets.

Gauche plurielle

Après 10 années de pouvoir à droite, quand Lionel Jospin devient Premier Ministre en 1997, il privatise Air France, les autoroutes, France Telecom, le Crédit Lyonnais… C’est le gouvernement qui a le plus privatisé de l’histoire. Le ministre socialiste de l’Éducation, Claude Allègre, attaque les enseignant-es, démarre le processus de privatisation des universités et tente de créer un lien entre l’école et les entreprises, provoquant des grèves enseignantes et lycéennes. Allègre finira proche de l’extrême droite et figure de la négation du réchauffement climatique. Sa mort récente, le 4 janvier dernier, n’aura suscité que du mépris.

Jospin vote aussi des lois sécuritaires, en engage la France dans la guerre impérialiste lancée par les USA en Afghanistan. Atlantiste et militariste, le PS aurait certainement suivi les USA dans la guerre en Irak s’il avait été au pouvoir en 2003.

En 2002, sanctionné dans les urnes, Jospin est éliminé dès le premier tour des élections présidentielles. L’extrême gauche fait le plus haut score de son histoire : LO et la LCR, deux partis anticapitalistes, cumulent près de 11% des voix. Ce qui est totalement oublié, à cause du passage de Le Pen au second tour, qui inaugure la droitisation que nous connaissons. Jospin démissionne.

Le cauchemar du quinquennat Hollande

En 2012, on pense en avoir fini avec Nicolas Sarkozy et sa droite radicale. On n’attend pas grand chose de Hollande, mais on respire enfin. On se dit que ça ne peut pas être pire. Le PS a les pleins pouvoirs : la présidence, l’Assemblée, le Sénat, les grandes villes, les régions… Il ne pourra pas cacher ses reniements derrière de prétendues «concessions». Et pourtant !

François Hollande va faire pire que Sarkozy dans tous les domaines. Il nomme immédiatement un exilé fiscal comme Ministre du budget et Manuel Valls – qui représente une infime minorité de l’aile la plus à droite du PS – au poste clé de Ministre de l’Intérieur. Il votera les plus grands plans d’aide au patronat qu’on connaisse.

Le premier vrai geste politique du mandat Hollande ? Attaquer, en octobre 2012, le mouvement écologiste. Il envoie 1.500 militaires sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour imposer un aéroport de la multinationale Vinci. Un projet inutile et pharaonique, un caprice du maire de Nantes devenu Premier Ministre : le socialiste Jean-Marc Ayrault. Le plan de destruction échoue, mais au prix de centaines de blessé-es. Notre-Dame-des-Landes permet à la police de se militariser et de perfectionner ses méthodes de répression.

Deux ans plus tard, c’est à nouveau le PS qui tue un écologiste à Sivens : Rémi Fraisse, qui protestait contre un projet de barrage, reçoit une grenade explosive tirée par un gendarme au niveau de la nuque. Il est tué sur le coup. Les militaires récupèrent et dissimulent le corps. Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur socialiste, ment pour protéger ses hommes, puis fait interdire et réprimer les manifestations rendant hommage au défunt.

C’est le même Bernard Cazeneuve qui fera voter, en 2017, la «loi sur la présomption de légitime défense», demandée par l’extrême droite, qui permet aux policiers de tuer pour un «refus d’obtempérer».

En 2015, ce sont toujours les socialistes qui décrètent l’État d’urgence après les attentats de novembre, une mesure exceptionnellement grave, immédiatement utilisée pour réprimer et assigner à résidence des centaines de musulmans et d’écologistes. L’État d’urgence sera également employé pour interdire des manifestions au nom de l’antiterrorisme. Macron conservera les principales mesures dans le droit commun. Dans la foulée, le PS tente de faire passer une loi sur la déchéance de nationalité, doublant la droite sur son extrême droite.

Durant ce quinquennat, entre autres mesures abjectes, la Loi Travail en 2016, qui attaque les droits des salarié-es. Elle précarise encore davantage les travailleur-ses et réduit les droits syndicaux. Des manifestations massives contre le projet ont lieu, avec des occupations de place, des affrontements, des blocages. Ce puissant mouvement social sera réprimé avec férocité : plusieurs manifestant-es sont éborgné-es, des milliers sont arrêté-es. Et Hollande utilise le 49.3 pour faire passer cette loi en force.

Olivier Faure, le rebranding

Olivier Faure, le nouveau héros du PS, est présenté comme un homme neuf, vierge de tout soupçon, qui n’aurait rien à voir avec les errements du passé. Pourtant, il était déjà «conseiller spécial» de Hollande puis de Jean-Marc Ayrault en 2012. Olivier Faure a toujours été au cœur du dispositif socialiste qui a lancé les offensives que nous avons décrites.

En 2015, il estimait que les mesures «anti-terroristes» liberticides de Manuel Valls étaient un «choix de d’efficacité». En 2016, il soutenait la Loi Travail. La même année, selon Le Figaro, il envisageait «de se rallier à Emmanuel Macron dans la perspective de l’élection présidentielle de 2017». En 2018, il parle d’une «colonisation à l’envers» dans certains quartiers, pour désigner l’immigration. Une autre manière d’insinuer l’idée raciste de «grand remplacement». En avril 2018, le média Les Jours relève que 27,2% des votes d’Olivier Faure au Parlement sont «en accord avec En marche».

En mai 2021, Olivier Faure se rend à une manifestation d’extrême droite organisé par le syndicat policier Alliance. Il estime que la police doit avoir «un droit de regard» sur les décisions de justice. Autrement dit, il réclame l’instauration d’une dictature policière sans contre-pouvoirs. Le Pen n’avait pas osé aller aussi loin. Depuis, il a radouci son discours pour plaire à ses alliés de circonstance.

Et aujourd’hui ? Tirons la chasse

Ce qui reste du PS ne survit que par son existence parasitaire au sein de la gauche, et ce principalement à cause de la naïveté générale. En 2022, le PS avait quasiment disparu du paysage politique. Il était enfin temps d’acter la mort de ce parti qui a fait tant de mal.

Mais, désastre, le Parti Socialiste a été sorti de son coma profond par la France Insoumise, qui a eu la gentillesse de lui offrir des postes de députés dans le cadre d’un accord électoral : la NUPES. La France Insoumise pensait avoir besoin du PS car il tenait encore des grandes villes et certaines régions.

En 2024, après la dissolution, c’est encore pire : le PS se taille la part du lion et obtient plus de 60 députés grâce un accord ultra-avantageux. Cela lui assure un pouvoir de nuisance suffisant pour occuper le terrain médiatique, soutenir Macron en sous main, diffamer sans relâche la gauche. Et surtout, jouer son rôle historique, celui que le PS a rempli en 2017 comme en 2022 : empêcher toute possibilité d’un candidat de gauche au second tour, et éviter la victoire de l’extrême droite lors des prochaines présidentielles.

Après le refus socialiste de censurer Bayrou, la question que doivent se poser les fabuleux stratèges qui croient encore à un électoralisme de gauche, n’est plus de savoir comment sauver le PS, mais plutôt comment s’en débarrasser. L’histoire le démontre, c’est une condition minimale pour espérer avancer.

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Une réflexion au sujet de « Le Parti Socialiste n’a pas trahi, il est juste fidèle à son histoire »

  1. Le parti « socialiste » est tout à fait à s’allier avec le gouvernement Bayrou pour marcher derriere Hitler 2025, pardon ! Je voulais dire Trump

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