7 ans après le grand soulèvement de novembre 2018, le gilet jaune n’est pas passé de mode.

À l’époque, cette tenue était porté par des centaines de milliers de personnes en colère. Aujourd’hui, c’est une veste utilisée pour réaliser des braquage sans armes, ni haine, ni violence. Dans les deux cas, c’est la tenue passe-partout, celle du peuple, de la classe laborieuse. Paradoxalement elle est à la fois fluorescente et invisible dans l’espace public.
Un des signes de la droitisation de la France est l’affaiblissement du soutien et de l’enthousiasme à l’égard des détrousseurs de riches et de puissants. Les bandits célèbres comme Mandrin au 18ème siècle, Mesrine ou le gang des postiches il y a quelques décennies, faisaient vibrer la population. Nos fictions sont peuplées de personnages comme Arsène Lupin, Robin des bois ou les pirates, qui font rêver dès le plus jeune âge. À travers les siècles, il y avait une sympathie persistante pour les voleurs issus du peuple plutôt que pour les possédants. On riait des riches qui se faisaient piquer leurs lingots. Mais ce bon sens populaire semble s’effacer à mesure que le néolibéralisme triomphe.
Le 19 octobre, une bande commet un vol étonnant et spectaculaire au cœur de Paris : après avoir placé un engin de chantier sous un balcon, sans se faire remarquer et grâce à une absence de surveillance et une gestion calamiteuse du Louvre, une équipe dirigée par Abdoulaye N., surnommé «Doudou cross bitume», parvient à faucher en plein jour des bijoux impériaux au sein du musée le plus célèbre du monde.
Quoi de plus symbolique que des jeunes issus de quartiers populaires qui embarquent, sans la moindre violence, des couronnes serties de diamants et des breloques en or qui appartenaient à des tyrans ? Quoi de plus français qu’une couronne clinquante qui tombe dans un caniveau au moment de la fuite d’Arsène Lupin contemporains ? Symboliquement, tout y est. Pourtant, une véritable campagne médiatique a accablé les voleurs, et les chaînes d’infos ont invité les nostalgique de l’Empire pour pleurnicher sur ces bijoux un peu vulgaires, qui ont d’ailleurs été fabriqués à partir de diamants et de métaux précieux pillés dans des pays colonisés.
Le 12 novembre, à Roubaix, une équipe vêtue en gilets jaunes fait sauter à la dynamite un distributeur automatique de billet dans la façade d’un bureau de Poste. Un témoin de la scène, dit avoir vu «trois personnes» qu’il a prises pour «des techniciens» car ils portaient des gilets fluorescents, en train de «bricoler». Sur les images, on voit les hommes embarquer un gros sac blanc, visiblement lourd, après l’explosion. Aucun blessé n’est à déplorer, et l’équipe a veillé à ce que personne ne s’approche.
Les voleurs ont malheureusement été arrêtés par la BRI peu après. Dans un premier temps, le procureur a expliqué à la presse que «les malfaiteurs se sont emparés d’un sac de numéraire» et un policier expliquait : ils «sont bien au courant des méthodes de transfert d’argent». Puis les autorités ont donné une deuxième version : finalement, le sac embarqué ne contenait pas d’argent mais «des sachets de recyclage». Vraie info ou intox pour décourager d’éventuels autres braqueurs ?
Quoiqu’il en soit, dans les deux affaires, l’usage du gilet jaune est un révélateur de la lutte des classes. C’est la tenue du prolétariat : les braqueurs ont agi en journée, pendant les heures de travail, et ont ainsi pu réaliser leur action sans éveiller les soupçons. Ils ont endossé la tenue des anonymes, des intérimaires, des techniciens, que la plupart des gens ne remarquent même plus. Et en même temps, n’importe qui peut se procurer un gilet jaune.
Ainsi, le mépris de classe peut se transformer en avantage, en brèche ouverte dans notre période ultra-sécuritaire.
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