Il y a 70 ans, Rosa Parks déclare la guerre à la ségrégation raciale


Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, arrière-petite-fille d’esclave et militante au sein de l’Association nationale pour la promotion des personnes de couleur – NAACP – refuse de céder sa place à un blanc dans un bus, à Montgomery dans l’Alabama.


Le 1er décembre 1955, Rosa Parks refuse de céder sa place à un blanc dans un bus, à Montgomery dans l’Alabama.

Elle est immédiatement arrêtée pour son geste. Rosa Parks déclenche ainsi une série d’événements qui va radicalement changer la vie de sa communauté. À l‘époque, même si les noirs représentent 70% des usagers, les sièges des bus sont en majorité réservés aux blancs. Les noirs doivent passer devant le chauffeur pour récupérer leur ticket puis sortir du bus pour rejoindre les places qui leur sont réservées à l’arrière. De nombreux cas où le conducteur les insulte, quand il ne décide pas simplement de démarrer avant qu’ils aient eu le temps de rentrer, sont documentés. Afin de lutter contre cette situation, une organisation est créée : le Women’s Political Council. Pendant des années, ils militent sans succès. Mais le 1er décembre 1955, Rosa Parks fait tout basculer.

Abolition de l’esclavage et début de la ségrégation

En novembre 1850 Abraham Lincoln, opposant à la traite négrière, est élu président des États-Unis. Les 11 États confédérés du sud, dont l’économie repose en majorité sur l’esclavage, font sécession. Au prix d’une guerre qui déchira le pays, l’esclavage est enfin aboli. En 1865, après 4 ans de batailles meurtrières, l’espoir de toute une population d’obtenir les mêmes droits que les blancs est plus fort que jamais, mais il sera de courte durée.

Dès le vote du 13ème amendement de la Constitution qui supprime la traite négrière, les États du sud mettent en place les Codes noirs. Ces lois appliquées localement en fonction des États limitent la citoyenneté des noirs, allant jusqu’à les assimiler à des biens ou des animaux. En 1886, la Cour suprême reconnaît officiellement les lois ségrégationnistes. Les noirs sont alors totalement séparés des blancs, que ce soit dans les écoles, les toilettes, les hôpitaux ou encore les cimetières. Dans certains États ils doivent prêter serment sur une Bible différente de celles utilisée par les blancs. La cohabitation entre les deux populations est totalement prohibée. À cela s’ajoute des usages qui infantilisent les noirs comme l’interdiction d’être appelé «Monsieur» ou «Madame».

La naissance du Ku Klux Klan

Comme si la violence coercitive de l’État ne suffisait pas, la société civile blanche et protestante s’organise pour faire perdurer un racisme profondément ancré dans le pays. Dans les États du sud, des groupes paramilitaires se forment. 6 vétérans de la guerre de Sécession fonderont l’un des plus célèbres d’entre eux dès la fin de celle-ci, le Ku Klux Klan.

Le groupe suprémaciste blanc se réunit la nuit pour incendier églises, écoles, allant même jusqu’à l’assassinat pour faire perdurer la terreur au sein de la communauté noire. Symbole d’une nation fondée sur le sang des esclaves noirs et des peuples autochtones, le groupe est toujours actif en 2025 comme le montre sa distribution de tracts dans le Kentucky lors de l’élection de Trump en janvier.

Une militante de la première heure

Ce n’est pas un hasard si c’est l’acte de Rosa Parks qui est l’élément déclencheur. Née dans l’Alabama et arrière petite-fille d’esclave, dès son plus jeune âge elle est témoin de la violence raciste qui gangrène la société américaine, que ce soit du fait du Ku Klux Klan ou de l’État lui-même. À 19 ans, elle commence déjà à militer au sein de l’Association nationale pour la promotion des personnes de couleur au côté de son mari. Tour à tour, elle exerce les métiers de domestique, aide-soignante ou encore couturière. Même s’il n’est pas prémédité, c’est son parcours de vie et son éducation militante qui la pousseront à effectuer son geste ce fameux 1er décembre.

Si Rosa Parks n’est pas la première à effectuer un tel geste, ses conséquences ne seront pas les mêmes que d’habitude. La nouvelle de son arrestation va déclencher une vague d’indignation au sein des noirs de la ville. Trois jours plus tard, un jeune pasteur alors inconnu va organiser un boycott général des bus de la ville. Ce pasteur s’appelle Martin Luther King.

Très vite l’affaire devient mondiale et les associations militantes reçoivent de l’argent des quatre coins du monde. La solidarité au sein de la communauté va permettre de mettre en place un système de transport parallèle. Évidemment la répression va de pair et les chauffeurs qui participent sont arrêtés.

Finalement, au bout de 381 jours de boycott où les bus de la ville tournent à vide, l’État cède. Le 13 novembre 1956 la Cour suprême rend inconstitutionnelle la ségrégation dans les bus.

Une victoire collective

Longtemps dépeinte comme une pauvre femme à peine éduquée dont l’action relève du geste symbolique et désespéré, Rosa Parks est avant tout une militante qui avait décidé de lutter dès le plus jeune âge pour l’amélioration des conditions de vie des personnes noires. Si cette victoire est avant tout celle d’une communauté qui a su faire preuve de solidarité et d’inventivité pour combattre l’État raciste, profitons de ce jour pour rendre hommage à la femme qui a su déclencher l’étincelle qui embrasa la flamme du progrès.


70 ans plus tard, alors que le spectre du néofascisme plane sur les USA, son combat reste à prolonger.


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