Bienvenue dans un pays où dénoncer un génocide expose à des poursuites pour «apologie du terrorisme», et où organiser un concert avec un chanteur faisant l’apologie du génocide est autorisé par les autorités.

«Éliminer Gaza» et «ne pas laisser âme qui vive là-bas» : ce sont les souhaits d’un chanteur israélien nommé Eyal Golan quelques jours après le 7 octobre 2023. Ces propos génocidaires ont été répétés lors d’une interview télévisée à l’occasion d’un concert donné pour soutenir les soldats israéliens. Sur Instagram, Eyal Golan a aussi appelé à «brûler Gaza». Il a été soutenu par le ministre israélien fasciste Itmar Ben Gvir, qui estime que «Gaza est à nous [aux israéliens] pour l’éternité», qui a participé à des manifestations armées dans des quartiers palestinien et qui a distribué des armes aux colons israéliens pour tuer des civils.
Eyal Golan est âgé de 54 ans et est très populaire en Israël : il est suivi par 1 million de fans sur les réseaux sociaux. Il compte se produire au Dôme de Paris le 20 mai prochain dans le cadre d’un concert «caritatif» destiné à récolter des fonds au Magen David Adom, l’équivalent de la Croix Rouge en Israël.
Par ailleurs, ce charmant personnage est un escroc et un pédocriminel. En Israël, il a été poursuivi et condamné pour fraude fiscale, et il a également été arrêté en novembre 2013, avec d’autres hommes, pour des abus sexuels sur des mineures. L’affaire avait fait scandale en Israël, et bien que la justice n’ait pas condamné le chanteur «faute de preuve», il a été déprogrammé de concerts dans son propre pays après des mobilisations féministes. Pour ses appels répétés à exterminer les palestiniens, le procureur général d’Israël annoncé l’été dernier l’ouverture d’une enquête pour «incitation à la violence».
En France, la «provocation au génocide» est interdite par la loi et expose à une peine de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende. La loi prévoit même la réclusion criminelle à perpétuité si cette provocation est suivie d’effet… ce qui est le cas actuellement à Gaza.
Ce chanteur fasciste et agresseur sera-t-il déprogrammé ou arrêté lors de sa venue en France ? Pas du tout, les autorités comptent non seulement maintenir son concert, mais ont aussi évoqué la possibilité de le protéger par un dispositif de sécurité. Alors que des députés de La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale ont appelé à «l’interdiction immédiate» du concert d’Eyal Golan, l’événement est maintenu.
Ce n’est pas la première fois que l’État français soutient implicitement des initiatives pro-israéliennes violant le droit international. Le 9 mars dernier, «le plus grand événement immobilier israélien en France», portant le nom de «salon Icube» avait lieu dans les salons Hoche, un monument luxueux situé dans le très chic 8ème arrondissement de Paris. Il s’agissait de vendre des terres volées aux Palestiniens en Cisjordanie et de promouvoir l’achat de biens immobiliers en Israël, y compris dans des territoires palestiniens occupés. Un salon illégal avait donc pignon sur rue en plein Paris. L’État avait même déployé 12 cars de police pour protéger les Salons, et les forces de l’ordre avaient arrêté des manifestantes pro-Palestine, qui ont été placées en garde à vue.
En septembre 2024, Imane Maarifi, une soignante française qui revenait de Gaza où elle avait travaillé dans un hôpital, avait été placée en garde à vue suite à un appel passé au Salon Hoche. Celui-ci accueillait le précédent Salon de l’immobilier israélien. Elle avait téléphoné pour expliquer que faire l’apologie du vol de terres est contraire au droit international. Cela a été considéré comme une «menace» et elle a été placée en garde à vue.
Toujours dans ces salons, un grand gala de l’extrême droite israélienne était organisé en novembre 2024, afin de récolter des fonds pour la colonisation de la Cisjordanie et financer les soldats israéliens. Un gala qui prévoyait de recevoir en tant qu’invité de marque le ministre fasciste israélien Smotrich, l’un des principaux organisateurs du génocide en cours. Les autorités avaient décidé d’autoriser cette soirée et de réprimer la contre-manifestation. Mais face à la mobilisation croissante, le ministre Smotrich avait annulé son déplacement à Paris.
À l’inverse, contre les soutiens de la Palestine, la répression est implacable. Des poursuites pour «apologie du terrorisme» pleuvent sur des dizaines de personnes qui n’ont fait que défendre un peuple colonisé et menacé d’extermination. C’est le cas du syndicaliste cheminot Anasse Kazib, actuellement poursuivi, qui déplore : «Il y a une atteinte grave aux libertés démocratiques. Pour un tweet, on a monté une enquête diligentée par l’état major de la police nationale, avec 400 pages comme pour les terroristes… Où est donc l’esprit Charlie ? Le pays des droits de l’Homme ?»
L’eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan a subi 11h30 d’interrogatoire au commissariat pour les mêmes motifs. De même, le syndicaliste CGT Paul Delescaut a été arrêté chez lui et condamné à un an de prison avec sursis pour un tract pro-palestinien. Et ce ne sont que quelques exemples.
Dernier cas en date : un étudiant nommé Luiggi a été condamné il y a deux semaines à six mois de prison avec sursis probatoire pour avoir occupé, avec des dizaines d’autres jeunes, l’université de la Sorbonne en mai 2024 pour soutenir Gaza. À l’époque, des CRS avaient été envoyés dans l’amphithéâtre occupé et avaient arrêté 88 étudiant-es. Luiggi a été condamné pour l’exemple.
Dans la grande inversion en cours, tenir des propos génocidaires est encouragé, soutenir un peuple subissant un nettoyage ethnique est réprimé.
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