Les slogans ironiques contre le Ministre de l’Intérieur et les drapeaux palestiniens interdits

Vous préférez votre Retailleau à point ou saignant ? Le 12 juillet, deux nantais ont été arrêtés et placés en garde à vue pour une simple pancarte le long du tour de France. Les joyeux lurons ont eu l’impolitesse de brandir une pancarte avec le slogan rigolo : «Retailleau au Air Fryer», sur le passage du Tour de France, dans la ville de Laval.
Cette expression aurait pu être inventée par un caricaturiste de presse, car Bruno Retailleau a une vraie dimension comique. Petit apprenti fasciste gesticulant, au physique malingre et desséché, il semble déjà avoir fait un passage dans ce petit cuiseur à air chaud, qui a tendance à déshydrater les aliments. Mais en 2025, il n’y a plus de place pour la satire, et encore moins pour la critique de nos dirigeants. Il se trouve que lors de l’étape cycliste de Laval, Bruno Retailleau était présent, et il n’a pas apprécié la blague.
En cellule, les deux compères ont expliqué qu’ils ont « voulu plaisanter, admettant que c’était inadapté » selon Ouest-France. Les malheureux, ils ignorent que le rire au dépend des puissants est proscrit au pays des Droits de l’Homme. Et plutôt que de relâcher les deux interpelés, le procureur de Laval a annoncé une ordonnance pénale délictuelle pour outrage aggravé, accompagnée d’une amende.
L’organisation du Tour de France explique dans les médias qu’elle interdit «les messages jugés politiques ou offensants» et que des forces de l’ordre patrouillent avant le passage du peloton pour y veiller. Ce sont donc des milliers de kilomètres de courses qui sont privatisés et fliqués pour empêcher que la moindre expression critique ne puisse entrer dans le champ des caméras de télévision.
En effet, les drapeaux palestiniens en ont aussi fait les frais. Parmi les équipes de coureurs du Tour de France, il y a celle d’Israël Premier Tech, financée par un milliardaire proche de Benyamin Netanyahou. Et des petites actions ont lieu pour dénoncer cette présence. Le 5 juillet, des membres de l’Association France Palestine Solidarité qui voulaient brandir des drapeaux le long du tour «ont été nassé·es, contrôlé·es et fouillé·es. Des drapeaux rangés dans des sacs ont été saisis par des policiers en armes».
À Caen, le 9 juillet, d’autres membres de l’AFPS ont été gazé-es et jeté-es à terre. Une banderole a été lacérée de coups de couteau et détruite, des drapeaux palestiniens ont été volés explique le quotidien L’Humanité. À Flers, le 10 juillet, des militant-es portant des drapeaux palestiniens ont été interpellé-es. Les policiers ont reconnu qu’ils avaient reçu la consigne qu’aucun drapeau ou marque de soutien à la Palestine ne soit visible sur le parcours du Tour de France.
S’en prendre à Retailleau ou dénoncer Israël est donc particulièrement risqué. Le 13 mai dernier, lors d’une grève de la fonction publique à Grenoble, deux professeurs ont été arrêtés pour un slogan contre le ministre. Lors de ce défilé calme et bon enfant, les deux enseignants avaient inscrit sur une bâche en plastique : «9 mai, Paris : Retailleau ❤ les néonazis». Ils dénonçaient le soutien du Ministère de l’intérieur à la manifestation néo-nazie ayant eu lieu dans la capitale.
Ni une ni deux, les profs avaient été arrêtés par la police, qui leur a passé des menottes métalliques, «serrées très fort» nous expliquait l’un des enseignants, avant de les emmener en cellule pour «outrage à personne dépositaire de l’autorité publique». Dans la France de 2025, il est plus risqué d’être prof syndiqué ou de dénoncer le génocide à Gaza que d’être un nazi.
Ces pratiques autoritaires sont désormais monnaie courante. En avril 2022, pour son dernier discours avant les élections, Macron était dans la petite ville de Figeac. Des habitants et habitantes avaient déployé une banderole à leur balcon, sur la place où parlait le président : «Quand tout sera privé, on sera privé de tout». Intolérable.
Des policiers étaient montés dans l’appartement, avaient menacé de défoncer la porte et d’embarquer les habitant-es, avant d’arracher la banderole. Ils étaient resté, illégalement, dans le domicile pendant tout le discours.
Depuis 2017 les plaintes pour des outrages au président de la République se sont multipliées, alors qu’elles avaient quasiment disparu sous la Cinquième République. En 2020, pendant le confinement, plusieurs personnes ayant eu l’insolence de déployer des pancartes ou des banderoles avec le mot «macronavirus» avaient été poursuivies et parfois placées en garde à vue.
En 2021, Macron avait attaqué en justice un afficheur varois qui l’avait représenté en Adolf Hitler, ainsi que la gérante d’un escape game qui avait fini en garde à vue pour un jeu où il fallait de façon imaginaire «tuer Macron».
Lors des manifestations contre la réforme des retraites, la police avait multiplié les arrestations pour crimes de lèse-majesté : un homme de 77 ans pour une banderole «Macron, on t’emmerde» et une femme pour l’avoir traité «d’ordure» sur sa page Facebook. Le crime de lèse majesté contre le roi ou ses vassaux est remis au goût du jour.
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