Les autorités françaises poursuivront-elles les colons israéliens qualifiés de « terroristes » ?


Les franco-israéliens officiellement considérés comme terroristes et leurs relais en France bénéficieront-ils de l’impunité ?


Un colon israélien muni d'un fusil mitrailleur : désormais qualifié de terroriste par le gouvernement français, mais sera-t-il poursuivi ?

C’est un retourné acrobatique dans les arrêts de jeu. Après avoir criminalisé le soutien à la Palestine pendant des années, multiplié les arrestations de militants anti-colonialistes pour «apologie de terrorisme» et menacé de dissolution le collectif Urgence Palestine, le ministère des Affaires étrangères qualifie ce mardi 29 juillet «d’actes de terrorisme» les crimes des colons israéliens en Cisjordanie.

Cette nouvelle prise de position, qui contraste radicalement avec les précédentes, intervient après l’assassinat d’Awdah Muhammad Hathaleen, un palestinien qui a contribué au documentaire oscarisé No Other Land, par des Israéliens. Le village où a été tourné ce film, Masafer Yatta, a été rasé par l’armée coloniale dans le cadre d’une politique d’annexion illégale de la Cisjordanie.

Le macronisme est un habitué des virages à 180 degrés. Dans un « en même temps » indigeste, Macron glorifie Pétain et envoie le résistant Manouchian au Panthéon. Il se présente comme un «barrage» à l’extrême droite et gouverne avec le RN. Il parle des femmes comme «grande cause du quinquennat» puis nomme Darmanin et des catholiques traditionalistes au gouvernement. Les idées sont systématiquement dévaluées et les mots n’ont plus aucun sens, à tel point que plus personne n’y comprend rien.

Ainsi, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a prononcé un discours se voulant offensif aux Nations Unies, dénonçant «l’accélération de la colonisation en Cisjordanie» et «la marche funeste des colons extrémistes». Il a même dit : «De colline en colline, [ils] arrachent les oliviers, brûlent les récoltes et chassent l’arme au poing les Palestiniens de chez eux avec la complicité coupable des autorités israéliennes». Très bien, mais trop peu, trop tard et, surtout, en décalage complet avec les actes réels de la France.

Dans les faits, le gouvernement n’a jamais dévié de son «soutien inconditionnel» au fascisme israélien, et aucune sanction sérieuse n’a été prise. La France continue même de fournir des armes à Israël.

On le rappelle une nouvelle fois : la colonisation israélienne de la Cisjordanie est une violation du droit international, dénoncée très régulièrement par l’ONU, mais sans qu’aucune mesure réelle ne soit appliquée pour l’empêcher. En juillet 2025, des colons armés ont détruit les puits d’Ein Samiya, à Ramallah, au centre de la Cisjordanie, coupant totalement l’accès à l’eau pour des dizaines de villages palestiniens de la région. En mai, Israël donnait le feu vert à la construction de 22 nouvelles colonies en Cisjordanie. En mars 2024, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, annonçait la saisie de 800 hectares de terres en Cisjordanie pour y implanter de nouvelles colonies.

Entre autres crimes, en 2015, un bébé de 18 mois était mort brûlé vif dans l’incendie de sa maison, allumé par des colons qui avaient ensuite chanté et dansé. Régulièrement, des pogroms visent des village palestiniens : des colons armés viennent incendier des maisons et des voitures, et tuer au hasard des habitant-es pour les forcer à partir. Il y a encore quelques jours, la Knesset votait la colonisation complète de la Cisjordanie, pour faire disparaître entièrement ce qu’il reste de Palestine.

Les colons fascistes dénoncés par le gouvernement français ne sont pas une anomalie, ni des gens isolés. Ils sont une force politique majeure en Israël. En 1974, un parti est créé, le «Bloc de la foi» : celui-ci se base sur la Torah pour justifier le vol des terres aux palestiniens, au nom d’une interprétation littérale du judaïsme. Il rêvent de «Grand Israël» qui s’étendrait sur tout le Proche Orient, et qui obéirait à l’Ancien Testament. Rien ne différencie ces factions, dans leur vision du monde, de groupes comme Daesh.

En 50 ans, le mouvement des colons a pris une place énorme dans la société israélienne. Ils étaient 100.000 en 1992 et plus de 500.000 en 2022, avec des moyens, des armes, des partis, des relais… Les colons religieux d’extrême droite sont à présent les plus actifs dans le gouvernement de Netanyahou, et ses ministres ont personnellement distribué des milliers d’armes à leurs complices pour commettre leurs crimes.

Les mots sont importants, mais seuls les actes comptent. Si un ministre français qualifie ces colons de «terroristes», quelles seront les conséquences ? Les entreprises comme Carrefour, qui aide matériellement ce terrorisme colonial, seront-elles lourdement punies ? Les colons franco-israéliens seront-ils poursuivis par la justice antiterroriste ? Ces gens pourront-ils revenir en France comme si de rien n’était ?

Par ailleurs, il y a 4185 soldats de nationalité française déployés à Gaza. La France est la deuxième nationalité étrangère représentée dans l’armée israélienne, derrière les États-Unis. Une vidéo a par exemple montré un soldat hurlant en français dans un tank israélien : «on va les massacrer», avec en fond sonore la chanson de Stromae «Formidable» revisitée en «plus d’arabes». Un autre soldat franco-israélien avait posé avec des sous-vêtement de femmes palestiniennes, tuées ou chassées de leurs maisons. D’autres ont menacé, en vidéo, la France Insoumise armes à la main…

Ces gens peuvent-ils retourner tranquillement en France après avoir acquis l’expérience du feu ? Dans la mesure où ils ont commis des crimes contre l’humanité et sont des «terroristes» selon Jean-Noël Barrot, seront-ils traqués, comme l’ont été d’autres criminels internationaux, notamment nazis ou djihadistes par le passé ? Les relais français de ces terroristes, qu’on entend quotidiennement dans les médias, ceux qui parlent de « judée-samarie » pour qualifier la Cisjordanie, ceux qui justifient les crimes coloniaux, seront-ils inquiétés pour « apologie de terrorisme » ?

Enfin, va-t-on réhabiliter le mouvement propalestinien, qui lutte contre ce terrorisme colonial, et qui ne mérite donc en aucun cas l’acharnement répressif qui le vise ? Les poursuites «anti-terroristes» qui ont frappé des syndicalistes, hommes et femmes politiques ou simples militants pour la Palestine seront-elles toutes annulées avec des excuses publiques ?


Si ce gouvernement avait une once de cohérence et de dignité, ce serait le cas, mais on peut malheureusement en douter.


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