Chronique de l’enfer climatique


Effondrement des courants océaniques, catastrophe climatique au Pakistan et mégafeux en Europe : «Les pays du Nord dépensent pour les guerres, pas pour sauver le Sud du changement climatique»


Trois images pour illustrer l'enfer climatique : la fonte des glaces, les inondations au Pakistan et les mégafeux en Europe.

Le Pakistan en proie à une saison des pluies meurtrière

Au Pakistan, plus de 700 personnes ont déjà perdu la vie ces dernières semaines à cause de la mousson, que ce soit à cause des inondations ou des glissements de terrain, dans des zones parfois difficiles d’accès. Le World Weather Attribution explique que les précipitations ont augmenté de 15% entre mi-juin et mi-juillet 2025, à cause du réchauffement climatique.

Rafay Alam, avocat pakistanais spécialisé en droit de l’environnement, tire la sonnette d’alarme sur la responsabilité qu’ont les pays du Nord à financer massivement des aides pour les pays du Sud touchés par des catastrophes climatiques créées par le mode de production capitaliste qu’ils ont imposé. Il rappelle qu’en 2022, avec les moussons dantesques, un lac d’une centaine de kilomètres s’était créé au milieu du pays. «Aucun gouvernement au monde ne peut s’adapter à une telle situation» explique-t-il. «En 2010, lors de la COP de Cancún, au Mexique, 100 milliards de dollars ont été promis pour le financement de la lutte contre le changement climatique jusqu’en 2020. Nous sommes aujourd’hui en 2025 et moins de 15 des 100 milliards de dollars promis ont été effectivement versés».

Pourtant, dans le même temps, les pays d’Europe et les États-Unis débloquent des sommes massives pour leur armée et leurs guerres. Les États-Unis à eux-seuls ont envoyé 75 milliards à l’Ukraine et à Israël. De l’argent pour la guerre, oui. Pour sauver les populations des pays du Sud, non.

2025, année noire pour les méga feux en Europe

Depuis le début de l’année, près d’un million d’hectares sont partis en fumée en Europe. C’est environ 100 fois la surface de la ville de Paris, ou l’équivalent de plusieurs départements français. Il s’agit de l’année la plus destructrice des 20 dernières années. Après l’Italie, la Grèce, la France et même l’Écosse, ce sont l’Espagne et le Portugal qui sont en grande difficulté aujourd’hui. Les méga-feux y ont déjà anéanti plus de 560.000 hectares. Plus de 60 incendies simultanés sont recensés, et 6 personnes ont déjà perdu la vie.

«Nous vivons une situation d’incendies sans précédent» a déclaré Virginia Barcones, directrice générale de la Protection civile et des Urgences d’Espagne. Et la situation est toujours difficilement contrôlable pour les milliers de pompiers mobilisés.

La menace d’un effondrement des courants océaniques, cataclysme pour le climat

L’AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation) est un immense courant atlantique transportant de l’eau chaude circulant en surface depuis les tropiques vers le nord de l’océan Atlantique. Dans le même temps, de l’eau froide circule en profondeur dans l’autre sens. Ce phénomène cyclique, qui existe depuis des temps immémoriaux, permet de répartir la chaleur reçue du soleil et permet à l’Europe de connaître des hivers cléments par rapport à l’Amérique du Nord, avec pourtant des latitudes similaires. Sans l’effet adoucissant du Gulf Stream, Nantes qui se trouve à la même latitude que Montréal et pourrait connaître le même climat – environ -30°C l’hiver.

Le 14 août dernier, The Economist publiait un article intitulé : «l’interruption des courants océaniques pourrait geler l’Europe». Derrière ce scenario catastrophe, le blockbuster américain Le jour d’après deviendrait une réalité. Et c’est bien le système de production capitaliste qui nous précipite dans ce jour d’après. Les rejets massifs de gaz à effets de serre lié à la civilisation industrielle réchauffent l’atmosphère et entraînent une accélération de la fonte des glaces arctiques.

Cette fonte est à l’origine du ralentissement des courant en ajoutant plus d’eau douce aux océans, «l’eau douce étant plus légère que l’eau salée, elle aura moins tendance à descendre et donc à rejoindre les courants froids qui font circuler l’eau vers les tropiques». Le bouleversement de ces courants atlantiques constituerait un point de rupture. Si tel était le cas, le climat tel que nous le connaissons disjoncterait de manière irréversible avec des conséquences imprévisibles.

En Europe, les températures pourraient tomber à -20°C à Bruxelles, à -50°C à Oslo. Les précipitations pourraient chuter drastiquement dans certaines zones. Pour l’Angleterre, c’est 80% de sa surface arable qui ne serait plus cultivable sans irrigation. Le cold blob, cette zone froide au dessus de l’Atlantique, pourrait s’étendre, allant jusqu’à menacer l’agriculture et donc la sécurité alimentaire de toute l’Europe du Nord-Ouest. Plutôt que de parler de «réchauffement» climatique, il faut parler d’un chaos climatique global, avec une modification radicale des équilibres existants, avec des zones qui pourraient devenir arides, d’autres plus humides, et certaines plus froides.

Ainsi, en Afrique, la zone tropicale humide pourrait être repoussée vers le Sud, avec des conséquences dramatiques pour les pays au sud du Sahara, mais aussi de l’autre côté de l’Atlantique pour l’Amazonie.

La fin du monde plutôt que la fin du capitalisme

Le 6ème rapport du GIEC de 2023 indique «un niveau de confiance moyen dans le fait que la circulation méridienne de retournement atlantique ne s’effondrera pas avant 2100». Néanmoins, des études plus récentes suggèrent que «le Giec a sous-estimé ce risque et que le franchissement de ce point de basculement est une possibilité sérieuse dès les prochaines décennies». Si un certain seuil de température était dépassé, cela pourrait même aller très vite.

S’il s’agissait d’une menace terroriste ou d’une pandémie, celle-ci serait prise avec le plus extrême sérieux. S’il s’agissait d’une menace de guerre, des milliards d’euros seraient débloqués, les Français appelés à mobiliser leur épargne. Mais comme il ne s’agit « que » d’une menace d’effondrement climatique, rien ne se passe. La fin du monde, plutôt que la fin du capitalisme.

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