Le gouvernement le plus court de l’histoire : vers une dissolution ?


Macron ne peut pas gouverner avec son socle minoritaire, il veut écraser la gauche mais il n’assume pas encore ouvertement de gouverner avec le RN : l’hypothèse d’une dissolution pour obtenir une majorité d’extrême droite


Macron ne peut pas gouverner avec son socle minoritaire, il veut écraser la gauche mais il n'assume pas encore de gouverner avec le RN

La journée du dimanche 5 octobre s’est terminée comme une sinistre farce. Celle du lundi 6 démarre par la phase terminale d’une crise de régime. Hier soir, Sébastien Lecornu, macroniste de la première heure, militariste forcené et issu des rangs sarkozystes annonçait, après trois semaines d’attente, son nouveau gouvernement : on prend les mêmes et on recommence. La quasi-totalité des ministres du gouvernement Bayrou était reconduits, avec quelques retours inattendus, comme l’épatant Bruno Le Maire surnommé «le renflement brun» : le pire Ministre de l’économie de l’histoire chargé de prendre la tête de l’armée française.

Cette annonce imposait une nouvelle fois la coalition macroniste-LR en dépit du bon sens. C’était une provocation sans issue. Rappelons-le : le camp macroniste a perdu les élections législatives de 2022 et n’a jamais eu de majorité, il a lourdement perdu les élections européennes de 2024. Macron a organisé une dissolution de l’Assemblée en 2024, que son camp a à nouveau perdu. Et depuis un an, deux Premiers ministres sont tombés suite à des motions de censure. Malgré tout cela, Macron fait comme si le réel n’existait pas, et nomme exactement les mêmes têtes, en sachant parfaitement que cela ne passera pas. Dans quel but ?

Ce lundi 6 octobre, la France est donc à nouveau sans gouvernement. Sébastien Lecornu vient d’annoncer sa démission, immédiatement acceptée par le président. C’est le gouvernement le plus court de l’histoire : il a tenu une nuit. L’éphémère Premier ministre a prononcé un discours, où il dénonce les partis qui «continuent d’adopter une posture comme s’ils avaient tous la majorité absolue à l’Assemblée nationale» et regrette que «la composition du gouvernement n’a pas été fluide et a donné lieu au réveil de quelques appétits partisans, parfois non sans lien, (…) avec la future élection présidentielle».

Traduction : ses camarades de LR et en particulier Bruno Retailleau ont réclamé encore plus de pouvoir alors qu’ils font péniblement 5% des voix aux élections, pour imposer leur programme avant les présidentielles. Bruno Retailleau adopte une ligne néofasciste depuis sa nomination, en attaquant «l’État de droit», en multipliant les déclarations racistes, et même en entrant en confrontation interne avec Macron, par exemple sur la Palestine. Il a été reconduit à l’Intérieur, mais il en attendait encore plus.

En juin 2024, le pari de Macron était clair : dissoudre l’Assemblée Nationale dans l’espoir d’obtenir une victoire du RN, et ainsi de terminer son mandat en cohabitation avec l’extrême droite. Ce qui lui aurait permis d’accélérer sa politique autoritaire, ultra-libérale et pro-guerre. On le sait, son pari a échoué : la coalition du Nouveau Front Populaire est arrivée en tête. Cependant, il a toujours été impensable pour Macron de nommer la gauche, même la plus tiède, dans son gouvernement. Hors de question de céder un centimètre sur les questions sociales, pas même de proposer une taxe, même minuscule, sur la fortune de ses amis ultra-riches. C’est donc ce dogmatisme et ce non respect de résultats électoraux qui provoque la crise de régime en cours. Macron ne peut pas gouverner avec son minuscule socle, il veut écraser la gauche, mais il n’assume pas encore ouvertement de gouverner avec le RN. Il est désormais dos au mur.

Déjà, l’extrême droite réclame une dissolution, et on voit mal comment Macron pourrait la lui refuser. Il n’a pas d’autres choix, à moins de basculer dans un régime d’exception. Ou simplement de respecter le résultat des élections de 2024, mais on l’a vu, c’est exclu. Il est donc probable que dans les heures ou les jours à venir, le président dissolve l’Assemblée et convoque de nouvelles élections en urgence. Cela impliquerait trois semaines de campagne électorale horrible, avec des médias des milliardaires plus agressifs et diffamateurs que jamais contre la France Insoumise, une répression à un niveau maximal, et une omniprésence de l’extrême droite à l’écran.

Cette fois-ci, le désir de Macron d’une victoire du RN pourrait bien devenir réalité. En effet, le PS répète depuis des semaines sur tous les plateaux télé qu’il ne passera jamais d’accord électoral avec la FI. Sans coalition de gauche, le RN a de fortes chances d’augmenter son nombre de députés et d’arriver en tête. Ainsi, le président pourrait nommer un gouvernement d’extrême droite, au nom du «respect de la volonté populaire».

Face à ce scénario catastrophe, la lutte est plus que jamais nécessaire. La séquence ouverte par le mouvement «Bloquons tout» a effrayé le gouvernement. Souvenez-vous : avant le 10 septembre, tout le pays retenait son souffle, le pouvoir était terrifié, et Bayrou avait même renoncé à son poste de Premier ministre pour tenter de calmer la colère générale.

Un mois a passé. Les directions syndicales ont récupéré l’agenda social et ont neutralisé le mouvement, une police ultra-violente a fait le reste. Maintenant que la situation est redevenue « sous contrôle », Macron recommence donc ses petites manœuvres tactiques. Seul un puissant mouvement parti de la base, incontrôlable, et proposant un horizon désirable à la population, peut encore empêcher le désastre annoncé. Macron doit tomber, et le régime avec lui.

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