Esprit Charlie : répression pour un commentaire sur Macron et une banderole contre Bardella


À La Rochelle, un homme a été placé en garde à vue pour «apologie du terrorisme» à cause d’un commentaire humoristique sur Macron. À Nîmes, deux femmes enfermées pendant 21 heures pour une banderole «Bardella casse-toi». La liberté d’expression clouée au pilori.


En haut, un clavier d'ordinateur pour illustrer le commentaire envoyé sur Macron.
En bas : la banderole "Bardella casse-toi" déployée dans les arènes de Nîmes.

La garde à vue est définie comme «une mesure privative de liberté prise lors d’une enquête judiciaire à l’encontre d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction». Elle n’est normalement prévue que pour des faits pouvant être sanctionnés d’une peine de prison.

En France en 2025, la garde à vue est surtout une arme d’intimidation et de maintien de l’ordre. En voilà deux exemples récents.

Un commentaire internet ironique comme apologie du terrorisme

Mardi 4 novembre, Emmanuel Macron était à La Rochelle pour les assises économiques de la mer. Cette venue était annoncée sur le site d’information INF-info.fr, et un homme de 45 ans, cuisinier au chômage et sous curatelle renforcée, y a mis un commentaire facétieux : «Trop tard pour préparer un attentat évidemment». Le commentaire est évidemment humoristique, et dans une démocratie fonctionnelle ne porterait pas à conséquence. Mais dans la France d’Emmanuel Macron, cela vous vaut un placement en garde à vue pour «apologie du terrorisme».

Lors de sa garde à vue, «l’homme a reconnu les faits, les minimisant en affirmant qu’il s’agissait d’une simple blague pour créer le buzz, fait sans raison sous l’effet de l’alcool. Il a reconnu avoir un problème d’alcoolisme» explique le procureur Arnaud Laraize. Il écope d’une composition pénale, ainsi que d’un stage de citoyenneté.

Cette instrumentalisation de l’apologie du terrorisme est devenue la norme, et cette dernière a d’ailleurs été créée dans le but de pouvoir criminaliser toute contestation du pouvoir. Sans définition juridique claire, elle est un fourre-tout permettant de harceler les soutiens du peuple palestinien, les écologistes ou toute personne s’élevant contre le pouvoir.

Les pratiques autoritaires sont désormais monnaie courante. Depuis 2017 les plaintes pour des outrage au président de la République se sont multipliées, alors qu’elles avaient quasiment disparu sous la Cinquième République. En 2020, pendant le confinement, plusieurs personnes ayant eu l’insolence de déployer des pancartes ou des banderoles avec le mot «macronavirus» avaient été poursuivies et parfois placées en garde à vue.

En 2021, Macron avait attaqué en justice un afficheur varois qui l’avait représenté en Adolf Hitler, ainsi que la gérante d’un escape game qui avait fini en garde à vue pour un jeu où il fallait de façon imaginaire «tuer Macron».

En 2022, une étudiante de 18 ans interpelle Macron à Gaillac : «Vous mettez à la tête de l’État des hommes accusés de viols et de violences sur les femmes. Pourquoi ?» Son ton est posé, calme. Macron répond comme d’habitude avec mépris. «Non, vous ne comprenez pas», et parle de présomption d’innocence. Le lendemain, des gendarmes débarquent dans le lycée de Laura. «J’étais en cours d’espagnol quand autour de 11h30, la proviseure adjointe est venue me chercher pour parler». Les militaires l’attendent. Ils l’interrogent. Lui disent que ce qu’elle a fait «n’est pas à faire». Intimider des étudiantes, voilà le rôle des militaires.

Lors des manifestations contre la réforme des retraites, la police avait multiplié les arrestations pour crimes de lèse-majesté : un homme de 77 ans pour une banderole «Macron, on t’emmerde» et une femme pour l’avoir traité «d’ordure» sur sa page Facebook.

21 heures de garde à vue pour une banderole anti-Bardella

Le 2 novembre, Bardella se rend à Nîmes pour dédicacer son torchon. Deux femmes déploient une banderole sur laquelle est inscrite «Bardella casse-toi», un message bien innocent, «pour montrer qu’on n’est pas d’accord avec les idées et les valeurs de Jordan Bardella, pour essayer de faire un peu de bruit».

Mais la banderole leur vaut une arrestation et 21 heures de garde à vue, pour organisation d’une manifestation non déclarée. «Une manifestation à deux pendant quatre minutes dans les arènes, je n’appelle pas ça une manifestation» explique l’une d’elles. Et en effet, la tentative d’intimidation est flagrante. Leur avocat Abdelghani Merah explique que le but de la police était simplement de «mettre rapidement un terme à l’action de ma cliente et de son amie. À mon sens, les placer en garde à vue, c’était avoir la certitude qu’elles ne reviendraient pas sur place».

La procureure de Nîmes, elle, a annoncé que le dossier était entre les mains du parquet. Les jeunes femmes affirment ne pas se soumettre à cette tentative d’intimidation, et qu’elles n’hésiteront pas à recommencer.

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