Les institutions et les médias au service de l’extrême droite : nouvel épisode

En moins d’une semaine, Jordan Bardella, le candidat d’extrême droite soutenu par les médias des milliardaires, a reçu de la farine et un œuf. Le début d’une recette de pâte à crêpe ou de tarte, selon les goûts, sur la tête d’un dirigeant néofasciste. Cela a bien fait rire tout le monde, mais la répression démentielle qui vise les cuisiniers anti-RN est beaucoup moins drôle.
Samedi, un paysan à la retraite, âgé de 74 ans, a donc été arrêté pour son attentat culinaire. Il n’est sorti que lundi, après trois jours de privation de liberté ! La justice prétend qu’il fallait le maintenir en garde à vue pour «pour établir avec exactitude les faits mais surtout ce qui a pu se passer avant les faits» et «enquêter sur ses motivations». La bonne blague. En vérité, il s’agissait d’intimider et de briser cet homme en le maintenant enfermé le plus longtemps possible.
Jamais ni les policiers ayant commis les crimes les plus atroces ni les politiciens les plus corrompus ne subissent un tel traitement. Mais ce n’est pas tout : la classe politique, les médias et même le gouvernement ont volé au secours de Jordan Bardella. Les chaînes d’info en continu ont martelé qu’il s’agissait d’une «agression», et le ministre de l’intérieur en personne a condamné «très fermement» les faits. Ce monsieur trouve plus grave de jeter un œuf que des images de gendarmes envoyant des grenades explosives en tir tendu vers des écologistes, en s’exclamant «je ne compte même plus tous ceux qu’on a éborgné», «il faut les tuer» ou «un vrai kiff».
La Justice a donc volé au secours du néofasciste : le procureur a carrément réclamé le placement en détention provisoire du lanceur d’œuf. Envoyer un retraité derrière les barreaux pour avoir fait une blague potache contre l’extrême droite ! À quand une loi pour séparer le RN de l’État ?
Heureusement, lundi soir, un juge des libertés et de la détention a décidé qu’il pourrait sortir. Mais le lanceur d’œuf est quand même jugé ce mardi en comparution immédiate, la procédure la plus violente et expéditive qui existe. On peut dire que la justice pousse le curseur au maximum de ce qu’elle peut légalement mettre en place suite à un acte aussi anodin.
Face à cette lâcheté institutionnelle, ce courageux retraité assume son geste, et a exprimé lors des interrogatoires son «opposition à l’extrême droite». Et cet homme est un amateur d’omelettes, puisque dans la même ville de Moissac, il avait déjà écrasé un œuf sur le crâne de Zemmour lors de la campagne présidentielle de 2022. Ce n’est pas tout, le septuagénaire avait jeté des œufs sur un bus de campagne de Marine Le Pen. La Bande Dessinée Les vieux fourneaux n’a qu’à bien se tenir. Cette petite commune du Tarn et Garonne va-t-elle finir par effrayer l’extrême droite ?
Derrière le traitement honteux réservé à un retraité n’aimant pas le fascisme, il apparaît de manière évidente un énième deux poids deux mesures. Sarkozy, véritable mafieux, inculpé et condamné dans de nombreuses affaires gravissimes, a bénéficié d’un soutien total de l’appareil médiatique et d’une clémence inédite de la justice. Malgré une condamnation à 5 ans de prison ferme, il a été libéré au bout de 20 jours, après un séjour en cellule VIP hyper confortable. Marine Le Pen, condamnée à une peine d’inéligibilité dans une vaste affaire de détournement de fonds publics, a elle aussi été soutenue par les éditorialistes de plateaux télé, qui se sont époumonés contre sa condamnation, présentée comme «anti-démocratique».
Quant à Bardella, visiblement son corps est sacré et vaut plus que celui du commun des mortels. Les enfarinages, entartages et jets d’œufs visant les politiciens sont d’ailleurs monnaie courante depuis des décennies. Macron avait reçu un œuf en 2017, Hollande de la farine en 2012, Pécresse avait été visée par une poudre rose… La liste est longue. S’il fallait enfermer et condamner en comparution immédiate tous les plaisantins, le célèbre entarteur Noël Gaudin aurait fini sa vie en prison.
Pour saisir à quel point les institutions ont choisi leur camp, prenons un autre cas d’enfarinage. En juin 2021, Jean-Luc Mélenchon se trouve dans une manifestation contre l’extrême droite à Paris. Contrairement à la plupart des personnalités politiques, il ne se déplace pas avec une armée de gros bras et de policiers. Ce jour-là un youtubeur d’extrême droite nommé Tilou M. s’approche et l’asperge de farine, tout en filmant la scène. À l’époque, les images circulent, et les réactions vont de l’indifférence à l’hilarité. L’extrême droite qui se roule par terre à propos de Bardella ces derniers jours se félicitait alors sur les réseaux sociaux.
À l’époque, pas d’arrestation ni de garde à vue pour Tilou M. Pas de comparution immédiate. Et d’ailleurs, Mélenchon n’a même pas porté plainte, considérant qu’un jet de farine n’est pas une violence, alors que Bardella se victimise comme s’il avait fait face à un attentat. Enfin, lors du procès qui a eu lieu plusieurs mois plus tard, l’enfarineur d’extrême droite a été «dispensé de peine» par la justice.
Le papy résistant de Moissac a déjà subi une répression infiniment plus dure, avant même d’être jugé.
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