Le bras droit de Bardella était membre d’un groupuscule férocement antisémite


Quand les héritiers du nazisme bénéficient d’une amnésie médiatique alors que la gauche est traînée dans la boue


François Paradol, Alain Soral faisant une quenelle au mémorial de la Shoah, et Bardella posant avec Jean-Marie Le Pen.

Depuis plusieurs années maintenant, la France Insoumise, le plus puissant mouvement de gauche en France, subit des campagnes de diffamations ordurières en flux continu. Il est accusé d’être islamo-gauchiste, violent, sectaire, mais surtout : antisémite. La menace principale pour les juifs et juives de France ne viendrait pas de l’extrême droite mais de la gauche. En réalité, les faiseurs d’opinion ne pardonnent pas à la France Insoumise son soutien à la Palestine, et imposent de façon aussi méthodique que monstrueuse ce mensonge répété des milliers de fois.

Désormais, il sort quasiment un nouveau livre tous les mois pour dire que la FI serait islamiste et antisémite. C’est devenu un créneau éditorial à part entière, un vrai secteur économique. Une commission d’enquête parlementaire a été créée contre la France Insoumise, évidemment sans rien démontrer. Il n’y a pas une semaine sans une polémique médiatique indigne contre le mouvement.

Dans le même temps l’extrême droite, celle qui marche dans les pas de Pétain, des déportations et de l’antisémitisme séculaire, bénéficie d’une réhabilitation totale. Il a suffi que le RN apporte son soutien inconditionnel à Israël pour recevoir instantanément l’onction des réseaux de Netanyahou en France, et pour bénéficier d’une amnésie médiatique sur son histoire. Pourtant, il suffit de gratter le vernis pour découvrir un antisémitisme maladif, viscéral, jusqu’au sommet du Rassemblement National.

Médiapart vient publier, le 13 décembre, une enquête sur les liens entre le RN et le groupuscule Égalité et Réconciliation, dirigé par Alain Soral. Aujourd’hui marginalisé, Égalité et Réconciliation avait le vent en poupe au début des années 2010 : s’inspirant du fascisme historique, le groupe prônait la «gauche du travail et la droite des valeurs». Une formule un peu bidon, traduite plus clairement par Alain Soral lui-même : un «social-nationalisme». Un parti tout simplement nazi, donc.

Égalité et Réconciliation diffusait un discours démagogue contre la «finance», volontairement ordurier pour faire proche du peuple, d’une misogynie absolue, mais aussi violemment antisémite. La «réconciliation» vue par Soral, c’était l’unité des personnes déclassées – classes populaires blanches et habitants des banlieues – au sein du nationalisme français, et contre les juifs «déracinés» accusés de tous les maux.

Une matrice idéologique très proche des fascismes des années 1930. La maison d’édition d’Égalité et Réconciliation a d’ailleurs republié Mein Kampf, mais aussi une Anthologie des discours d’Adolf Hitler, Le Testament politique du Führer, un ouvrage de Mussolini, ou un livre de l’auteur réactionnaire et antisémite Barrès. Sur le site, on trouve même un «pack» ouvertement nazi, appelé de manière ironique : «Les Heures les plus sombres de notre histoire», regroupant les livres d’Hitler, de Josef Goebbels et de Hjalmar Schacht, deux ministres du Troisième Reich. Pour être encore plus clair, Alain Soral est allé faire une quenelle sur le mémorial de la Shoah à Berlin, et était proche de Robert Faurisson, le plus grand négationniste français.

Avec Égalité et Réconciliation, aucun doute, on est bien dans le vieil antisémitisme traditionnel européen, celui qui a conduit aux pogroms et au génocide. Un antisémitisme que Soral a remis à la mode, en instrumentalisant la cause palestinienne pour attirer à lui de nouveaux publics. Quand Jean-Marie Le Pen était encore à la tête du FN, Soral en était le conseiller officieux, et son groupe bénéficiait d’importants relais médiatiques et financiers.

Marine Le Pen aussi était l’amie personnelle d’Alain Soral, et avait été filmée en train de chanter un karaoké avec lui en 2006. En 2008, le néofasciste faisait campagne à Hénin-Beaumont quand elle était candidate. Mais une fois Marine Le Pen arrivée à la tête du parti, Alain Soral est devenu gênant. Il été éloigné, le parti a changé de nom, et le RN a prêté allégeance à l’État d’Israël, comme le reste de l’extrême droite européenne, pour «dédiaboliser» son image. Pour autant, ce revirement n’était que tactique, et ne modifie en rien l’ADN du parti.

La preuve : Médiapart a eu accès à la base de donnée des adhérents d’Égalité et Réconciliation. Et on trouve dans cette liste… François Paradol. Il s’agit du directeur de cabinet de Jordan Bardella à la tête du parti. Le plus proche conseiller du président du RN est donc un ancien membre du groupuscule proche du néo-nazisme. Bardella et Paradol se sont rencontrés en 2012 ou 2013, donc à l’époque où la popularité d’Alain Soral était au sommet. En 2023, Jordan Bardella continuait d’affirmer que «Jean-Marie Le Pen n’était pas antisémite» alors qu’il a été condamné six fois pour des propos révisionnistes et anti-juifs.

Quant à Égalité et Réconciliation, même si ce mouvement est beaucoup plus faible qu’avant, il organise encore des camps d’été et n’a pas dévié idéologiquement. Lors de ce rendez-vous annuel en 2023, un guitariste y était filmé en train de chanter sur l’air de «Couleur menthe à l’eau» : «Elle disait qu’ils faisaient des savons avec ses colocs, c’était vraiment une mytho la grand-mère Birkenau, avec son faux numéro tatoué sur la peau».

Avant cela, le directeur de campagne officieux de Bardella se nommait Philippe Vardon. Ce dernier vient lui aussi des rangs néo-nazis, et chantait «Nous sommes la zyklon army, l’armée des skinheads» dans sa jeunesse, au sein d’un groupe de rock d’extrême droite. Ce dernier a désormais quitté le RN pour rejoindre le clan Zemmour.

Autre exemple : le cadre du RN et maire de Fréjus David Rachline publiait le 9 octobre une photo d’un dîner en compagnie de Frédéric Chatillon et Logan Djian. Ces deux hommes viennent du Groupe Union Défense, groupe néo-nazi violent. David Rachline a été démis de ses fonctions suite à cette publication, alors qu’il est lui aussi très proche de Bardella, et qu’il avait déjà tenu des propos antisémites par le passé.

Tout cela est d’une grande hypocrisie. Le clan de Marine Le Pen tente de donner le change à chaque nouvelle révélation, mais c’est tout l’édifice RN qui suinte le nazisme et l’antisémitisme. Châtillon travaille depuis des années pour la famille Le Pen, et a même été au cœur de ses campagnes électorales, en plus d’avoir été conseiller Marine Le Pen en personne.

On ne le répétera jamais assez : le Front National a été créé le 5 octobre 1972, lors d’une réunion privée réunissant 70 personnes. Son symbole ? Une flamme tricolore copiée sur le logo du MSI, un mouvement de nostalgiques de Mussolini en Italie. Parmi ses fondateurs, Pierre Bousquet, ancien de la division SS Charlemagne, fidèle parmi les fidèles à Hitler, qui a défendu Berlin jusqu’au bout. Roger Holeindre, de l’OAS, Organisation Armée Secrète, groupe terroriste qui voulait maintenir l’Algérie française, qui a tué près de 3000 personnes et tenté d’assassiner De Gaulle. Figurent aussi Alain Robert, du groupe fasciste Occident ou François Brigneau, ancien collaborateur zélé. On trouve encore François Duprat, «Nationaliste révolutionnaire» ancien du groupe fasciste Ordre nouveau et négationniste forcené. Et bien sûr Jean-Marie Le Pen, ayant pratiqué la torture en Algérie et révisionniste notoire.

Au moment de la campagne législative de 2024, des dizaines de candidats du RN racistes et antisémites avaient été repérés. Par exemple une candidate à Caen qui posait tout sourire, sur les réseaux sociaux, avec une casquette à croix gammée de l’armée de l’air nazie. Elle n’avait même pas fait campagne, mais avait tout de même réalisé le score, énorme, de 19,95% au premier tour. Les médias faisaient le travail de com’ pour le RN.

À l’époque Médiapart, Le Monde et Libération avaient comptabilisé plus de 45 candidats ayant tenu publiquement des positions de nature fasciste. Mais les chaînes d’information en continu ont bien fait leur travail de normalisation de l’extrême droite et préfèrent sauter sur la France Insoumise dès qu’elle bouge un ongle.

Inversement, les réseaux pro-israéliens n’ont aucun mal à s’allier avec d’authentiques antisémites, tant qu’ils soutiennent leur État colonial. Il en va ainsi d’Elon Musk et de son salut nazi, qui a été adoubé par Netanyahou en personne, de Viktor Orban, le dirigeant hongrois qui laisse des défilés ouvertement nazis se dérouler à Budapest, et de bien d’autres personnalités et mouvements réactionnaires. En France, les réseaux sionistes ne cachent plus leur soutien assumé à l’extrême droite, et désirent sa victoire.

L’instrumentalisation de l’antisémitisme est arrivé à un stade d’absurdité tel que les héritiers de la résistance sont davantage accusés que ceux des SS. En faisant totalement perdre leur sens aux mots, plus personne ne pourra croire en rien, ce qui permet au pire d’advenir.

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