Interdiction de manif ? Un peu d’histoire.
Décidément, ce gouvernement socialiste aura jusqu’au bout exhumé l’héritage macabre de la guerre d’Algérie. Après avoir remis au goût du jour l’état d’urgence, tout droit sorti du plus profond des années 1950, et son cortège de perquisitions, d’assignations à résidence et de plein-pouvoir à la police, le gouvernement annonce aujourd’hui vouloir interdire la grande manifestation syndicale du 23 juin.
Interdire une manifestation contre la «loi travail». Qu’est-ce-que ça veut dire ? À quand remonte une pareille interdiction ?
Ce gouvernement aura battu tous les records d’abjection, mais il faut remonter au 8 février 1962 pour retrouver un événement similaire. À l’époque, la France gouvernée par la droite est secouée par les troubles de la guerre d’Algérie. L’OAS, un groupe fasciste qui pratique la lutte armée, multiplie les attentats et les assassinats, notamment contre les militants de gauche. En parallèle, des généraux d’extrême droite tentent un putsch à Alger en 1961.
Au début de l’année 1962, les fascistes mitraillent le siège du PCF et font exploser plusieurs locaux appartenant à des organisations de gauche. Des attentats visent de nombreuses personnalités, une fillette est gravement mutilée par une explosion. Les syndicats décident d’organiser une grande manifestation «pour la paix et contre le fascisme». Le préfet de l’époque s’appelle Maurice Papon. Quelque mois plus tôt, le 17 octobre 1961, il a fait assassiner des centaines d’algériens qui manifestaient pour leurs droits en plein Paris.
La manifestation du 8 février 1962 est donc interdite par le gouvernement, en vertu de l’état d’urgence. Les forces syndicales bravent l’interdiction. La préfecture aligne 2000 policiers et gendarmes pour disperser le rassemblement et empêcher la manifestation. Dans la pénombre de ce soir de février, les différents cortèges ne parviennent à se réunir pour défiler. Les manifestants sont attaqués par la police. Un des cortèges est chargé au niveau de la station de métro Charonne. Les policiers passent à tabac les manifestants qui s’entassent paniqués dans la bouche de métro. Les flics s’emparent des grilles en fonte placés autour des arbres pour les jeter sur la foule compacte massée dans les escaliers du métro. 9 morts. Des centaines de blessés. Parmi les manifestant assassinés, une nantaise de 24 ans : Anne Godeau.
Le massacre de Charonne est l’un des pires épisodes de répression policière de ces 60 dernières années. Bien sur, rien n’est comparable entre le 23 juin 2016 et la manifestation interdite du 8 février 1962. À l’époque, en pleine Guerre Froide, la France menait un conflit colonial, et se trouvait enfermée dans une spirale de tensions extrêmes. Aujourd’hui, il ne s’agit que d’un mouvement social. Le gouvernement espère seulement écraser une bonne fois pour toute une vaste révolte qui le met en difficulté. L’histoire ne se répété pas, les socialistes la transforment simplement en tragi-comédie minable. Du reste, le PS a déjà tenté de faire annuler des manifestations en soutien à la Palestine en 2014, le rassemblement d’opposants à la COP 21 l’automne dernier, et a préparé l’interdiction de manifestation parisienne en empêchant ces dernières semaines plusieurs défilés à Nantes et Rennes.
Comble de la parodie, même la droite extrême trouve que les socialistes vont trop loin. On entend cette vieille crapule de Nicolas Sarzkozy déclarer qu’il ne croit pas «que ce soit raisonnable qu’un gouvernement républicain décide dans un pays qui est le notre, d’interdire les manifestations», et son ancien conseiller Henri Guaino d’ajouter «qu’interdire les manifestations, c’est une très mauvaise façon de gouverner. Je vois bien la surenchère sécuritaire à droite comme à gauche».
Voici donc venu le temps de la crise de régime. Plus personne ne fait illusion. Le pouvoir ne tient qu’à un fil.
À nous de faire tomber le gouvernement dans les semaines et les mois à venir.
Commençons par désobéir massivement dans les rues. Prochaine manifestation à Nantes mardi 28 juin.