À propos de la mascarade du 26 juin


Le scénario était écrit d’avance par le gouvernement. Nous en connaissions tous la conclusion : la victoire du «oui» à l’aéroport au terme d’une consultation biaisée. Après ce mauvais épisode du référendum, quelques éléments de réflexions.


1- Historique

Sur le plan historique, la «consultation démocratique» intervient plusieurs années après l’attaque policière, bien moins démocratique, de l’automne 2012. À l’époque, des centaines de policiers avaient envahi la ZAD par surprise, inondant le bocage de gaz, de grenades et de tractopelles. Rappelons-nous : l’invasion policière de Notre-Dame-des-Lande était la première décision importante prise par François Hollande, président de gauche fraîchement élu. Frapper d’abord, consulter ensuite, voilà donc la logique des socialistes. Le vote est donc l’ultime recours pour essayer d’imposer un projet poussiéreux des années 1970, déclaré «d’utilité publique» par un préfet qui travaille aujourd’hui pour la multinationale Vinci. Il faut donc comprendre ce référendum pour ce qu’il est : le prolongement direct des offensives policières contre les occupants de la ZAD.

2- Électoral

Sur le plan électoral, un peu plus d’un votant sur deux a glissé un bulletin «oui» dans l’urne. La moitié des inscrits se sont abstenus. La «large majorité» décrite partout dans les médias représente donc autour d’un habitant sur 4 en âge de voter en Loire-Atlantique. Cette fabrication d’une majorité factice rappelle les précédentes échéances électorales, marquées par une abstention record, qui voyaient des partis s’imposer avec à peine 10% des inscrits.

Du reste, le projet d’aéroport est soutenu par l’ensemble des forces économiques – MEDEF, Chambre de Commerce et d’Industrie – et politiques – du PS à la droite dure en passant par le PCF. La région a même financé à coups de centaines de milliers d’euros d’argent public sa propagande pro-aéroport. La vraie surprise n’est pas tant que les suffrages en faveur de l’aéroport soient légèrement majoritaires, mais que des centaines de milliers d’habitants de Loire-Atlantique se soient prononcés contre le projet, malgré l’intense campagne médiatique menée depuis des années, malgré les mensonges, la désinformation, la peur.

3- Géographique

Sur le plan géographique, la commune du Pellerin, où devait s’implanter une centrale nucléaire dans les années 1970 a largement voté contre le projet d’aéroport. Mémoire des luttes. Déjà à l’époque, le projet nucléaire était déclaré «d’utilité publique». Déjà à l’époque, l’ensemble du spectre politique soutenait le projet. Déjà à l’époque, une résistance acharnée des habitants avait mis le gouvernement en échec.

La question de l’aéroport peut être regardée sur trois niveaux dans l’espace : au niveau local, les communes proches du projet d’aéroport votent massivement «non». Au niveau national, toutes les enquêtes penchent pour un rejet massif du projet depuis des années. L’État a donc soigneusement sélectionné le seul périmètre ou le «oui» pouvait l’emporter : l’échelle départementale. Médiocre exercice d’épicier.

Enfin, il est amusant de constater que plus une commune est privilégiée et éloignée de Notre-Dame-des-landes, plus le projet d’aéroport remporte de suffrages. Ainsi, les villes plus riches du département – comme la Baule, Pornichet ou Sautron – soutiennent toutes massivement le projet.

Nantes fait exception : l’égalité y est parfaite. La ville coupée en deux. Ce sont bien deux mondes qui se font face. D’un côté celui des retraités richissimes en villégiature sur la côte, de l’autre, celles et ceux qui s’organisent contre le désastre capitaliste que les premiers leur ont légué. Il est bien évident que le vote ne réglera pas ce contentieux. Ni ici, ni ailleurs.

4- Politique

Nous en finirons par un peu de politique. En 2005, un référendum national sur le projet néo-libéral de constitution européenne est rejeté massivement dans les urnes par une large majorité de français. Naturellement, les élus s’empressent de piétiner ce vote et imposent le texte sans consultation. Dix ans plus tard, un gouvernement de gauche impose un loi ultra-libérale – et rejetée par une majorité des français – à coups de flash-ball et de 49.3. Comble de l’ironie, ce sont précisément ces mêmes décideurs qui aujourd’hui pérorent dans les médias pour «faire appliquer la décision du peuple» et construire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Les gens de pouvoir ont l’art d’allier l’obscénité au mensonge.

Cette consultation aura le mérite de révéler la véritable nature de la démocratie occidentale contemporaine : un numéro d’illusionniste. Ce vote ne doit servir qu’à neutraliser les espoirs, les désirs, les luttes – isoler par l’isoloir – et parallèlement à légitimer des décisions destructrices, globalement détestés. Ceux qui nous gouvernent ne se maintiennent au pouvoir que par ces rituels réguliers, généralement guidés par la peur et le chantage.


Le spectacle électoral étant terminé, il nous reste à nous occuper des choses sérieuses : cultiver, tisser des complicités, attaquer le pouvoir, protéger nos espaces. Résister.


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