«La manifestation du capitalisme dans nos vies, c’est la tristesse»

Vendredi 10 mars dans la nuit. Une vie s’envole sur les rails de la gare Saint Lazare à Paris. Édouard, 42 ans, cheminot et délégué du personnel, s’est suicidé sur son propre lieu de travail. Depuis des années, il subissait des pressions de ses petits chefs qui voulaient briser son engagement syndical, en multipliant les sanctions, les intimidations, les menaces de mutation. Ses collègues parlent d’un «management par la terreur». «S’il avait voulu se foutre en l’air pour des raisons personnelles et pas professionnelles, il ne l’aurait jamais fait dans sa gare» explique un cheminot, qui évoque «l’acharnement de la direction» et «la répression syndicale».

Trois jours plus tôt, mardi 7 mars. Une infirmière de l’hôpital Cochin à Paris se suicide sur son lieu de travail. Elle aussi victime de pressions. Le jeudi 2 mars à Argenteuil, une autre infirmière avait tenté de mettre fin à ses jours après une convocation disciplinaire de sa hiérarchie. Avec des médicaments cette fois. Les infirmiers qui manifestent à la suite de ces drames rappellent la liste interminable des suicides : au moins cinq infirmiers cet été au CHU de Toulouse, au Havre, à Saint-Calais, près du Mans, et à Reims. Et la défenestration dans la nuit du 5 au 6 février, d’un infirmier à l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris, où un cardiologue s’était déjà jeté dans le vide un an plus tôt.

Le travail tue. De façon directe. Lors des milliers d’accidents du travail qui ont lieu chaque année en France, provoquant la mort de 500 personnes, essentiellement dans le bâtiment. Ou indirecte. Le management par la peur, la pression des petits chefs, la course au rendement, la logique économique appliquée à la santé, l’éducation, le rail pulvérisent des vies. Et quand le travail ne provoque pas de dépression, on peut regretter tout ce temps bien souvent gaspillé dans des jobs inutiles. Des vies perdues à la gagner.

Ces morts s’accumulent dans le silence, alors que les favoris de la campagne présidentielle qui portent des costumes qui valent un an de salaire comptent bien accentuer le saccage social en cours, et n’ont que la surenchère sécuritaire à la bouche.

Ni président, ni patron, ni petit chef : soyons ingouvernables.


Sources :

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