Après plusieurs mois d’attaques aussi violentes que simultanées sur tous les plans – sociaux et sécuritaires – menés par le nouveau gouvernement, ce début d’automne doit sonner la fin de la récréation pour Macron. Et la reprise tant attendue des hostilités commence par la journée de grèves et de manifestations du mardi 12 septembre.
À Nantes les initiatives démarrent dès l’aube, par une action de blocage économique à l’aéroport de Nantes, des opérations escargots aux entrées de la ville et des tentatives de blocus dans quelques lycées, malheureusement avortées. Ce n’est que partie remise ! À partir de midi, dans le centre ville, les rythmes d’une batucada entièrement rose résonnent sur la place du Bouffay. Infatigables compagnes de la manifestation, les percussions ne s’arrêteront que plusieurs heures plus tard, en début de soirée, au milieu des nuages lacrymogènes.
Puis apparaît le long de la ligne de tram, à l’arrêt commerce, un engin incongru, roulant, pliable et démontable, amené par plusieurs manifestants : une «zbeulinette» fraîchement construite, chargée d’aider et d’approvisionner matériellement les différents fronts des futures luttes sociales : piquets de grèves, manifestations, blocages… C’est de cet engin que surgissent d’excellents repas chauds qui sont servis autour d’un banquet animé par les différentes composantes du Front Social, alors que des morceaux de piano sont improvisés sur place. La foule enfle sur les lieux du départ de la manifestation.
14h30. Un cortège jeune se forme et grossit progressivement derrière plusieurs banderoles renforcées : «la jeunesse est de retour pour vous jouer un mauvais tour», «destituons Macron», «construire l’autonomie» et «patate de forain». Pris en étau au milieu de camions syndicaux, le cortège de tête se déploie avant le départ. Immense, compact. Il rassemblera jusqu’à 2000 personnes pendant le défilé et sèmera des tags par dizaines. La jeunesse de Nantes est au rendez-vous. Peu de casse ce 12 septembre, mais une démonstration de force contenue et un sentiment de retrouvailles. En milieu de parcours, une banderole syndicale revient se greffer devant le cortège. Chasubles rouges et k-ways noirs défilent côte à côte, et parfois, reprennent les mêmes slogans.
Cette pluralité désarçonne plus d’une fois l’important dispositif de répression. Devant la préfecture, les CRS semblent hésiter à attaquer au canon à eau cet ensemble hétérogène et solidaire, alors qu’ils reçoivent fumigènes et invectives. Les murs de l’édifice policier sont constellés d’impacts de peinture sous les acclamations. Le défilé passe ensuite devant la fête foraine de septembre, étonnamment déserte. Les forains de passage à Nantes sont-ils allés prêter main forte aux blocages parisiens menés le matin même ? Quoiqu’il en soit, les slogans de solidarité résonnent le long du cours Saint-Pierre. La manifestation paraît avoir encore grossi quand elle se déverse devant le château des Ducs, avant d’aller rejoindre Hôtel Dieu. Au total, nous sommes 15 ou peut-être 20.000 dans la rue.
La banderole syndicale se replie, mais l’envie de continuer semble une évidence. La quasi-totalité du défilé continue pour un deuxième tour, prenant à revers le dispositif des gendarmes. La BAC, en position d’attaque, bat en retraite en voyant la masse qui suit le cortège de tête pour continuer après le parcours officiel. Mais à Bouffay, c’est la provocation de trop. Quelques vaillant-es tentent de s’approcher de la horde vêtue de noir qui menace la foule avec ses matraques, ses lanceurs et ses grenades. C’est l’affrontement. Détonations en série. Plusieurs blessé-es. Un Mac Donald’s est saccagé entre deux salves de lacrymogène.
Le cortège se reforme à peine quand il est à nouveau chargé. La police semble utiliser généreusement ses stocks de grenades en prévision des nouvelles commandes effectuées par le gouvernement Macron. Une street médic’ est enlevée sans raison et traînée au sol par la BAC. Face à la violence d’État, la foule semble toujours aussi hétérogène et unie, quoique parfois démunie pour empêcher les arrestations. Devant le square Daviais, c’est un groupe emmené par la batucada rose qui tente même de repousser la BAC en fanfare. Mais ici aussi, les chiens sont chargés de mettre fin à la journée. Un canon à eau entre en scène au milieu du gaz quand les dernier-es manifestant-es sont repoussé-es vers le sud de la ville. La BAC continuera la chasse au jeune dans les rues de Bouffay plus tard dans la soirée, sous l’œil incrédule des barmans de la place. L’assemblée de lutte prévue à 18h est reportée par la force des choses.
À Nantes comme ailleurs, cette manifestation semble avoir largement dépassé les attentes en terme numérique, avec plusieurs centaines de milliers de personnes dans la rue, soit plus de monde qu’en mars 2016, quelques jours seulement après la rentrée. Malgré les différents chantages politiques, la précarité grandissante et le Spectacle qui cherche à atomiser les résistances, l’arrogance du nouveau pouvoir semble avoir allumé une colère sourde, difficile à éteindre. En terme politique, le retour d’un cortège de tête puissant, plus vaste qu’auparavant, et son articulation avec le reste du défilé laisse entrevoir des perspectives enthousiasmantes pour la suite du mouvement. Reste à approfondir l’offensive contre les ordonnances de Macron dans les jours à venir, et en particulier les 20 et 21 septembre prochains.
Bilan provisoire de la répression : au moins 9 interpellations, de nombreux/nombreuses blessé-es par des tirs de Flash-Ball. Les personnes venues soutenir les interpellé-es nassées le soir devant le commissariat.