Le 31 décembre dernier, le compte Youtube de la Ville de Nantes publiait en ligne les meilleurs vœux de Johanna Rolland à ses administré-es pour l’année à venir. Alors que 2018 commence, nous en avons profité pour retourner ses vœux à la maire de Nantes par média interposé. Attention qu’elle appréciera, nous l’espérons.
«En 2018, je vous invite à réinventer Nantes ensemble»
S’il est une invitation que la maire de Nantes n’aura pas manqué de rappeler cette année, c’est bien celle de «réinventer» la ville ensemble. Une invective à se bouger, à faire bouillonner nos petits cerveaux ensemble, à prendre part à la vie de la cité, à la jouer collectif «face à la montée de l’individualisme». Mais nous savons que le dialogue citoyen n’est qu’un leurre, un moyen de gérer la critique, de la concentrer dans un cadre donné et de pouvoir ainsi reléguer au rang de nihilistes ceux et celles qui ne voudraient pas co-construire. Plus personne ne se fourvoie d’ailleurs à traîner ses guêtres dans ces sinistres réunions citoyennes. Quiconque est déjà allé au casino n’aura pas manqué de noter les ressemblances : on se prête au jeu sans trop y croire, et on rentre chez soi fauché-e. La démocratie participative possède sa novlangue – incarnée dans le dialogue citoyen, l’économie sociale et solidaire et autres écoquartiers –, elle produit un cadre de pensée où ne peut s’y construire qu’une version amoindrie de la vie, un monde où chacun.e est le chef-fe de projet de sa petite auto-entreprise-vie. Pourtant, d’aussi loin que l’on regarde, aucune ville à réaménager à l’horizon, aucune métropole à penser collectivement, nulle part à habiter ; rien à «réinventer ensemble» en somme.
«2018 sera l’année de la culture, de la transformation et de la création»
Si les métropoles du XXIème siècle ont bien compris une chose, c’est qu’elles ne pourront gérer toute leur population sur un mode répressif. La politique culturelle est le bras désarmé du pouvoir, celui face auquel nous ne sortons toujours pas de revolver. La culture ne peut souffrir d’aucune critique. Qui peut s’affirmer être contre elle, à part ces nihilistes qui ne veulent déjà pas co-construire ? Mais nous savons pertinemment que la culture tient la bride, pacifie les centres urbains à grands coups de happenings, de performances, de street-art pour attirer le gogo en quête de sensations fortes. L’idée ne date pourtant pas d’hier mais il faut reconnaître qu’une telle ruse force l’admiration : soustraire aux uniformes et aux matraques une ligne verte et un éléphant mécanique, en voilà une pirouette !
«Chaque jour, je vois, je sens, des raisons d’espérer»
Un complice remarquait justement il y a presque trente ans qu’«il n’y a pas lieu de craindre ou d’espérer, mais de chercher de nouvelles armes». Il nous faut maintenant reconnaître nos complices, trouver des allié-es, rassembler nos forces. Il n’y a aucun lendemain qui chante à attendre, juste du présent à construire ensemble face au désastre qui nous encercle depuis trop longtemps. Nous faisons déjà l’expérience sensible du communisme au travers de fragments, avec au fond de nous le désir de les voir se multiplier à l’infini. Déjà des espaces-temps s’amoncellent ici et là, prêts à s’épaissir. À nous de prendre conscience de ces mondes, à nous de les faire perdurer. Un mouvement puissant, imperceptible car terriblement diffus, prend forme dans chaque tag du centre-ville, dans chaque maison inoccupée ouverte au pied-de-biche, dans chaque amitié véritablement vécue, dans chaque devenir révolutionnaire qui échappe aux éditos de Ouest-France et aux discours de la municipalité. Pour l’heure, les seules lignes que nous traceront seront des lignes de fuites.