L’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes s’inscrit dans une longue histoire de luttes contre les grands projets d’aménagement autour de Nantes, depuis les années 1970. Avant la victoire de la Zone À Défendre, deux projets de centrales nucléaires ont été abandonnés autour de Nantes, suite à d’importantes mobilisations.

1976. Alors que le gouvernement accélère sa politique énergétique productiviste, les décideurs choisissent d’implanter une centrale nucléaire au Pellerin, une commune située le long de la Loire, à seulement 25 kilomètres de Nantes ! Une aberration. Immédiatement, des manifestations et des actions sont organisées. 3000 personnes défilent dans le petit village de l’estuaire en octobre. Les élus ruraux s’opposent au projet. L’année suivante, un rassemblement festif sur la zone regroupe 10.000 personnes. L’enquête publique démarre dans un climat d’hostilité totale. Elle est minutieusement sabotée par les habitants. Le sous-préfet et les CRS sont arrosés de purin par des paysans devant la mairie du Pellerin. Le registre d’enquête est subtilisé à Couëron et brûlé sur la Place du marché : une quarantaine de manifestants envahissent la mairie et, après avoir neutralisé les deux gendarmes présents, coupent avec une cisaille la chaîne qui retient les registres pour les incendier en public. Les arrestations de paysans provoquent d’importantes manifestations devant le tribunal de Nantes. Une militante de l’époque raconte : «les agriculteurs arrosaient les forces de l’ordre avec du lisier, les troupeaux de vaches étaient lancés contre la force publique. Après la destruction des registres d’enquête à Bouée, quatre personnes restèrent treize jours en prison.» Des liens se tissent avec la lutte anti-nucléaire particulièrement déterminée de Plogoff, dans le Finistère. Le 7 juillet 1977 est une journée de barricades et d’affrontement violents dans le village du Pellerin. Les conseils municipaux démissionnent à l’automne 1978, en guise de protestation. 5 000 personnes marchent du Pellerin à Nantes le 28 octobre. 7000 personnes manifestent le 17 décembre tandis qu’une opération ville morte paralyse les villages concernés le 19 décembre. L’année suivante, plusieurs manifestations réunissent à nouveau des milliers de personnes à Nantes et au Pellerin, avec parfois des affrontements sérieux.
Mitterand est élu en 1981 et abandonne le projet pour calmer les mobilisations. Mais les socialistes trahissent toujours. L’année suivante, le projet de centrale réapparaît un peu plus loin, dans la commune du Carnet, à 40 kilomètres de Nantes !
Des manifestations émeutières ont lieu tous les dimanches, dès février 1982. Le 8 février 1983, le syndicat CGT de la construction se déplace pour poser symboliquement la « première pierre de la centrale ». Des étudiants nantais viennent déposer, dans la foulée, la première pierre du « monument aux futurs irradiés ». Les années passent, la centrale s’enlise. Chirac relance le projet en 1987. La cohabitation ralentit l’avancée des procédures. Finalement, le mouvement d’opposition revient en force en 1996, avec une marche de 4000 personnes sur le site. En janvier 1997, 6000 personnes défilent à Nantes. Une autre manifestation réunit 8000 personnes en mars. Entre temps, le préfet avait essayé de lancer les travaux et des affrontements ont eu lieu sur la zone. En mars, les véhicules de chantier sont bloqués dans un chemin étroit par une grosse souche d’arbre ; leurs pneus sont dégonflés ou crevés par une cinquantaine d’opposants prévenus par téléphone. Les sondages des sols sont interrompus après que des militants anti-nucléaires aient renversé un abri de chantier et jeté du matériel dans la Loire. En mai, la maison qui sert de siège au mouvement est incendiée. 1er juin 1997 : plus de 30.000 personnes forment une chaîne humaine entre Paimboeuf et Le Pellerin.
Le PS remporte les élections législatives quelques jours plus tard, et abandonne finalement, définitivement, l’idée d’implanter une centrale nucléaire en Loire-Atlantique. Sans ces 20 ans de lutte acharnée, Nantes vivrait aujourd’hui dans l’ombre de la menace atomique, avec une centrale à quelques kilomètres seulement de la ville. Si la Bretagne est globalement protégée du nucléaire, nous le devons aux milliers de personnes qui se sont opposées physiquement, dans la durée, aux projets fous des décideurs.
Notre-Dame-des-Landes est donc, après le Pellerin et le Carnet, la troisième grande victoire contre les projets d’aménagement destructeurs dans le département. Les réseaux et les complicités construits dans les luttes anti-nucléaire ont largement contribué à réactiver un imaginaire et des pratiques de lutte qui ont permis à la lutte anti-aéroport de l’emporter.
Faisons vivre ces victoires. La mémoire de ces résistances doit s’écrire au présent !
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