Samedi 14 avril à Nantes, la manifestation contre les expulsions de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes rassemble plus de 12 000 personnes. Le cortège se heurte à un barrage policier devant le Château des Ducs, et recule sous les gaz. Une violence policière délirante se déchaine pendant des heures. Les jours suivants, les journaux ne parlent que de la « colère » des commerçants contre les « casseurs », en interrogeant toujours la même poignée de propriétaires de grandes enseignes, proches de la droite dure. La maire, Johanna Rolland, se précipite à leur chevet, devant la presse. Pourtant, de nombreux autres commerçants du centre-ville sont exaspérés par les violences récurrentes commises par la police. Parmi eux, plusieurs bars nantais ont eu affaires aux forces du désordre. Notre enquête.
Vers 17h A., le patron du Hopopop Café, allée du Port Maillard, voit le cortège se faire gazer. Quelques manifestants rentrent dans le bar, des citrons sont mis a disposition pour les premiers soins. A. reste dehors tandis qu’un cordon de CRS se déploie le long de son bar. Il essuie quelques insultes de CRS qui lui ordonnent de rentrer dans le bar et le menacent clairement. « J’ai dit à leur chef que j’étais le patron, ils se sont calmés ». Il assiste également à une violente interpellation. Un homme a vélo, foulard sur le visage pour se protéger des gaz, tente de traverser le cordon. Il est mis au sol, frappé et arrêté. « Son vélo est toujours ici d’ailleurs », raconte-t-il deux jours plus tard.
Quand on lui demande ce qu’il pense de ses événements il est clair : « ça n’avait aucun sens. Ils ont gazé tout le monde sans laisser de porte de sortie. En mode punition quoi ! » Il rajoute : « la préfète représente l’État, et ce jour là tous les droits ont été bafoués. Pour quelqu’un qu’on a embauché pour éteindre un incendie c’est quand même con de rajouter de l’huile sur le feu. Elle pourrait se brûler… »
Un peu plus loin, le cortège est nassé non loin du « TB bar – Night L ». Élodie, une employée de l’enseigne, est supposée commencer son service mais ne parvient pas à passer le barrage policier. Au bar, clients et serveurs se sont calfeutrés à l’intérieur pour se protéger des gaz et de la lance à eau. « Au moins ils nous ont lavé les vitres » rigole Mathieu « ils ont aussi retourné la terrasse mais l’ont un peu arrangée après ». Élodie et Mathieu précisent que au moins cette fois, les CRS n’ont pas frappé de serveur. En effet, lors qu’une autre manifestation, un serveur qui ramassait les verres vides en terrasse s’était fait matraquer (note : le CRS c’est excusé après avoir réalisé que le serveur ne faisait que son travail).
Un peu plus tard la manifestation commence à se disperser. A l’arrêt de tram Commerce, les CRS repoussent des manifestants invisibles, car très peu nombreux, vers la Médiathèque. La patronne du bar Le Chat Noir est postée devant son bar où les clients ont été rapatriés à l’intérieur. « La lacrymo est passée par dessous la porte vitrée, les clients suffoquaient à l’intérieur. Si j’avais un mot à dire à la préfète ça serait : »Pourquoi ? Pourquoi gazer une rue vide ? » »
Vers 19h, le cordon des CRS a atteint la place de la Bourse. Julien, patron du Y.O.U Bar, voit ses clients se faire gazer et éjecter de leurs tables. La scène est filmée et elle est sans équivoque. On y voit les CRS se déployer devant le bar, juste devant une femme et sa poussette, puis gazer et piétiner la terrasse (les 2 vidéos sont postées sur le compte Facebook du bar, le Y.O.U). Certains clients fuient et seront gazés quelques dizaines de mètres plus loin. Julien compte porter plainte pour alerter sur la gestion du maintien de l’ordre à Nantes. Comme la patronne du Chat Noir, c’est pour lui l’incompréhension : « J’attends également des excuses de la part de Nicole Klein ».
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.
Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.