Il y a 50 ans : la fin de Mai 68 à Nantes


Juin 1968 : les syndicats remettent la France au travail. Les CRS répriment celles et ceux qui résistent. Un pied arraché à Nantes.


Il y a exactement 50 ans, la date du 13 juin 1968 constitue, en quelque sorte, la fin du Mai 68 nantais. En effet, la reprise du travail est votée dans l’usine Sud Aviation, à l’initiative de la CGT. Cette entreprise était un symbole, c’était la première usine occupée en France, un mois plus tôt. La grève prend également fin dans d’autres usines de la ville.

Le même jour, une grande manifestation «pour les revendications et contre la répression», prévue le soir dans le centre-ville, est interdite par le préfet. Le gouvernement exige le retour à l’ordre et augmente sa violence. Les syndicats décident de rester enfermés dans la Bourse du travail, alors que quelques centaines de personnes, essentiellement jeunes, occupent la Place Royale. Des affrontements avec les CRS éclatent presque immédiatement. Ce sont les charges policières les plus violentes du printemps, lancées par des forces de l’ordre revenues de Paris, qui ont «ordre de disperser l’attroupement et d’arrêter un maximum de personnes». Selon les témoignages, les CRS «appréhendent tous les jeunes qui passent» par la place du Commerce. Il y a un «nombre incalculable de CRS» qui «frappent toutes les personnes sans distinction», y compris des passants, des dames, et un professeur du lycée Livet. Des grenades offensives sont lancées à partir de 23h30, en plus des gaz lacrymogènes.

Un manifestant a le pied arraché par une grenade. Une macabre résonance avec les événements récents de Notre-Dame-des-Landes. Il aura la jambe amputée. C’est la plus grave blessure du mouvement nantais. 116 personnes sont arrêtées. Les enragés et la jeunesse révoltée ne s’en relèveront pas.

Cette très forte répression, combinée aux appels à cesser la grève, s’inscrit dans un contexte plus général. Sur le plan national, le même jour, plusieurs organisations révolutionnaires sont dissoutes par le gouvernement, qui amnistie dans le même temps des dirigeants de l’extrême droite colonialiste. Le 10 juin, un lycéen avait trouvé la mort, noyé dans la Seine, lors d’affrontements avec la police à Meulan. Le lendemain, à Sochaux, deux grévistes avait été tués pendant une émeute ouvrière. L’un abattu d’une balle tirée par un CRS, l’autre par une grenade offensive. Ce jour là, il y avait encore 1 million de grévistes. Un nombre qui va baisser rapidement tout au long du mois de juin.

Plus tôt, le 1er juin, le PCF avait appelé à retrouver un «climat d’ordre et de tranquillité publique», et la CGT avait décidé de ne pas rejoindre une manifestation étudiante à Paris, estimant qu’elle «comportait des dangers évidents de provocation». Dans toutes les entreprises, des bureaucrates répètent aux ouvriers qu’il faut «savoir terminer une grève».

La conclusion de ce mouvement qui a failli renverser l’ordre des choses laisse donc un goût amer. Mais la plus grande grève de l’histoire de France vient d’avoir lieu, et elle bouleverse durablement le jeu politique et social. La déflagration du mois de Mai mettra des décennies à être absorbée par le capitalisme.

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