Des arbres coupés, des plots de bétons, et la résistance dans les rues de Marseille
Les rues de Marseille sont en effervescence depuis une semaine. La mairie de droite cherche à anéantir une place populaire du centre-ville : La Plaine. Cette place est un lieu de flânerie, où l’on peut traîner tard le soir, se poser, faire la fête gratuitement, où les enfants jouent dans la rue, où des populations «indésirables» se côtoient. Elle accueille aussi depuis des décennies, plusieurs fois par semaine, un marché où toutes les origines se rencontrent. Bref, un espace vivant qui échappe encore à la «valorisation» et aux logiques de rationalisation de l’espace qui ont transformé toutes les grandes villes en temples de la consommation.
La mairie entend y faire place nette, en coupant les arbres et en installant un marché haut de gamme, entouré de commerces réservés aux cadres. En un mot, gentrifier le quartier, expulser les pauvres et les indésirables, faire monter les loyers et empêcher les marseillais d’y traîner. D’occuper la ville.
Un amoureux de la cité Phocéenne écrit :
«La valorisation opère donc directement comme maintien de l’ordre – comme un shopping mall où tout l’espace est pensé de manière à ce qu’aucune activité autre que l’achat ne soit possible. Elle se charge de discipliner un corps vivant et toujours fuyant, rétif à la notion même de “population”. Pour faire de cette ville une marchandise globale à détailler morceau par morceau, une mise aux normes s’impose. Et la Plaine est un gros morceau, et aussi longtemps qu’existe ce marché si populacier, avec ses bruits et ses odeurs, tant qu’existent ces fameux “usages déviants” sur la place, il sera difficile de valoriser le quartier.»
Pour imposer ces travaux, la mairie a fait déployer des dizaines de CRS, poser des plots de béton armé qui bloquent les accès à la place, et couper les arbres immédiatement. Table rase : urbanisme et répression. Le plus vite possible. Les habitants et habitantes du quartier résistent avec acharnement. Tous les jours, barricades ou défilés contre salves de gaz lacrymogène. Mardi soir, un incendie a pris sur la place, touchant du matériel de chantier. Deux jours plus tôt, 1000 personnes manifestaient. Le combat promet d’être long et difficile.
Et à Nantes ? Notre ville, plus petite et moins tumultueuse que Marseille, fut jadis un grand port avec des quartiers populaires dans le centre-ville et une forte présence ouvrière. 30 ans de désindustrialisation et de grands travaux ont profondément transformé la ville. Aujourd’hui, la police et les caméras sont omniprésentes, des logements haut de gamme sortent de terre, des surfaces commerciales colonisent l’espace. Mais il reste quelques enclaves, comme le Marché de la Petite Hollande, qui regroupe tous les samedis des nantais et des nantaises de toutes origines, souvent venus des périphéries. Juste à côté, le square Daviais, qui a été occupé par des centaines d’exilés pendant tout l’été, fut l’épicentre des contestations locales. C’est tout cet espace populaire en plein cœur de la ville que la mairie de Nantes entend prochainement «valoriser», en installant une grande esplanade aseptisée, des surfaces commerciales, qui menacent le marché populaire et l’espace vert. Un autre square, Fleuriot, à côté de la Place du Commerce, a déjà été entièrement détruit et ses arbres coupés pour construire une grande surface. Un projet semblable à celui mis en œuvre à Marseille. Pour l’instant, la municipalité garde secrètement les contours du grand projet qui touchera la Place de la Petite Hollande et le square Daviais. Mais il faut, comme à Marseille, se préparer à une initiative rapide et sidérante, contre un des derniers espaces de rencontre et de mixité en ville.
Dans la ville méditerranéenne, une grande manifestation aura lieu samedi pour défendre la Plaine, et les actions se multiplient.
Pour comprendre ce qui se passe à Marseille : https://lundi.am/Le-vol-noir-des-corbeaux-sur-la-Plaine…
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