Sur l’arrestation de Gaspard Glanz et le journalisme contemporain

Une arrestation violente, par plusieurs policiers armés. 48 heures d’enfermement. Un déferrement au tribunal. Un procès pour outrage. Et, surtout, une interdiction de paraître à Paris tous les samedis, jusqu’en octobre.
C’est le sort qu’a connu le reporter Gaspard Glanz. Une situation banale pour des milliers de Gilets Jaunes. Sauf qu’elle touche un journaliste indépendant qui travaille au cœur des mobilisations sociales depuis des années, et montre, depuis les cortèges, les violences policières et l’ambiance des luttes. Qui montre aussi, sur d’autres fronts, le sort réservé aux réfugiés, ou l’occupation de la ZAD.
Quoiqu’on pense de son travail parfois jugé sensationnaliste, Gaspard Glanz a joué un rôle dans la médiatisation des armes de la police, dans l’affaire Benalla, ou encore pour documenter les expulsions de réfugiés à Calais. Pour l’ensemble de ce travail, Gaspard Glanz est fiché. Les médias racontent qu’il est «fiché S par trois services de renseignement en raison des sujets qu’il couvre». Aujourd’hui, un journaliste est surveillé par la police politique et fiché dans le cadre de l’anti-terrorisme en raison des «sujets qu’il couvre».
En plus des désormais classiques violences commises contre les manifestants, la police a l’autorisation de s’attaquer aux journalistes qui dérangent. Plusieurs reporters indépendants ont été arrêtés, molestés, visés par des tirs samedi dernier. Même ultra-minoritaires, les rares canaux d’informations allant à l’encontre du discours officiel sont pris pour cibles. En enfermant ce journaliste, en lui interdisant d’aller à Paris les jours de manifestation, la Justice ne se cache même plus d’appliquer une sanction politique. En ce sens, «l’affaire Gaspard Glanz» est exemplaire. Elle est pédagogique. À travers cette arrestation, l’État s’adresse à tous les journalistes qui seraient tentés de s’écarter de la vérité officielle, ou de filmer des violences policières.
De la même manière que tous les Gilets Jaunes savent depuis des mois qu’ils exposent leurs corps et leur liberté à chaque manifestation, tous les journalistes sauront à présent qu’ils s’exposent à des arrestations s’ils déplaisent au pouvoir.
Ces derniers mois, un Parti médiatique, composé de Chiens de Garde, est apparu au grand jour, plus violent que jamais. Négation systématique des violences policières, même face aux images les plus terribles. Injures hebdomadaires contre les Gilets Jaunes. Diffamations régulières contre les manifestants. Diffusion, mot pour mot, de la communication gouvernementale. L’éditorialiste Yves Calvi réclamait, il y a peu, qu’on ouvre des stades pour enfermer les Gilets Jaunes, comme dans le Chili de Pinochet. Le Figaro exigeait «l’état d’urgence» pour interdire les manifestations. Un journaliste de France Culture insulte régulièrement les opposants au gouvernement. D’autres se plaisent à qualifier les manifestants de «vermines» ou de «factieux». Plus récemment, l’incendie de Notre-Dame était utilisé sans pudeur pour s’en prendre aux Gilets Jaunes. Sur BFM, le plateau réclamait à l’unisson qu’on «arrête de martyriser Paris», et évoquait une ville «endeuillée» autant par l’incendie que par les Gilets Jaunes.
C’est une évidence : ce Parti Médiatique est prêt à accompagner et à légitimer l’installation d’une dictature. Ces chiens de garde, toujours si réactifs quand il s’agit de défendre n’importe quel journaliste à l’étranger, font preuve d’une absence totale de corporatisme quand leur propres collègues sont tabassés sur le sol français. Le Parti Médiatique s’est acharné, sur les réseaux sociaux, contre Gaspard Glanz alors qu’il était encore en cellule : en le qualifiant de «black bloc», en «dénonçant» ses engagements supposés. Il fallait diffuser l’idée que les arrestations ne frappent pas de «vrais» journalistes. De la même manière que les mutilations policières ne toucheraient pas de «vrais» manifestants.
Les mots sont renversés. Dans la novlangue du régime, le titre de journaliste ne s’applique qu’aux chiens de garde du régime en place. Les vrais reporters, eux, sont fichés S.
Il est dont urgent de diffuser nos propres médias.
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