11 Mai – Retour sur la manifestation nantaise


8000 manifestants. Cortège pluriel et joyeux. Le préfet dicte son scénario répressif


Tout commence il y a un mois. Le 7 avril, la police inonde la fête foraine de gaz lacrymogène. Des enfants suffoquent, des passants sont pris de malaise : un scandale de plus. Le même jour des Gilets Jaunes sont bloqués dans une impasse, frappés et humiliés par les forces de l’ordre. Quelques jours plus tard, toujours à Nantes, des Gilets Jaunes sont arrêtés et jetés en cellule alors qu’ils peignaient une banderole. Des appels émergent pour réagir à ces abus de pouvoir répétés : l’idée d’une grande manifestation à Nantes, le 11 mai, circule.

Acte 26 des Gilets Jaunes : Nantes est l’une des capitales de la contestation. La mobilisation n’est pas nationale, il y a des manifestation dans de nombreuses villes. Mais des Gilets Jaunes affluent de tout l’Ouest pour cette date importante. Les jours précédents, les autorités ont tout fait pour terroriser et empêcher l’événement, en inventant des «centaines d’ultras» qui allaient saccager la ville avec des armes. Il est interdit de manifester dans tout le centre-ville. Le préfet annonce un dispositif de répression «jamais vu». Il sera d’une violence inouïe.

Des contrôles ont lieu partout à Nantes, sur les routes et dans les gares dès le vendredi. Des centaines de fouilles sont organisées. Le centre-ville est militarisé. Autour de 1000 forces de l’ordre sont mobilisées. Des agents de la BRI, cagoulés, font une descente dans un bar pour fouiller les clients. Plusieurs personnes, visiblement suivies, sont arrêtées avant midi.

Le préfet choisit d’entrée de jeu l’épreuve de force : la Place Bretagne, où était fixé le point de départ, est interdite d’accès par une compagnie de CRS. Une vraie provocation. La tactique de la peur fonctionne, car les premiers manifestants se retrouvent, contraints, à la croisée des trams. Le piège se met en place.

La mobilisation est très importante. Des milliers de personnes sont présentes dès 13h et le cortège n’arrêtera pas de grossir. Sur le Cours des 50 Otages, la foule est compacte, sur toute la largeur de l’artère. Elle est hétérogène, multicolore, animée. Il y a des déguisements, de la musique, des fumées colorées, de belles banderoles… Au moins 8000 personnes, dans une bonne ambiance.

Mais les autorités décident de faire monter la tension. Plusieurs lignes de gendarmes enserrent le cortège. Un hélicoptère vole à très basse altitude. Alors que la manifestation est calme, quelques grenades lacrymogènes seront tirées sur le Cours Saint-Pierre. Devant le Château, sous un grand soleil, c’est la foule des grands jours. Il est à peine 15h et le défilé est déjà revenu à son point de départ, après avoir fait un tour sur les deux seules artères autorisées. La violence d’État se déchaîne alors. La foule, compressée à la croisée des trams, reçoit un déluge ininterrompu de grenades lacrymogènes. Le Préfet a donné l’ordre de faire exploser la manifestation. Les premières charges ont lieu. Il est impossible pour les manifestants d’avancer, ni de reculer. Il y a de nombreux tirs. Un journaliste de CNews tombe, touché par une balle en caoutchouc aux parties génitales. L’ambiance se tend. On entend résonner «Révolution, Révolution» !

C’est le mauvais scénario écrit par la préfecture. Un scénario qui s’est répété trop souvent depuis six mois : un défilé verrouillé sur deux grands axes déserts, suivi d’une grande nasse noyée dans les gaz après une marche trop courte. Les médias commencent à passer en boucle les images des «incidents» à Nantes.

Des milliers de Gilets Jaunes sont alors repoussés, comme prévu par le préfet, vers la Loire. Sur la Place Gloriette, quelques affrontements ont lieu. Petit à petit, le gros du cortège est repoussé vers l’ouest. Sur le Quai de la Fosse, des centaines de gendarmes pourchassent les manifestants en tirant des grenades. Des agences d’intérim sont brisées au passage. C’est dans cette confusion, alors que des lacrymogènes tombent au milieu de véhicules en mouvement, qu’un automobiliste s’énerve. Sa femme et son enfant ont du sortir de la voiture à cause des gaz. Il avance vers les gendarmes, puis s’arrête. Trois militaires braquent leurs armes à feu vers le véhicule et les manifestants, qui sont alors juste à côté. Un gendarme jette une grenade. Heureusement, la tension retombe et les armes sont rangées.

La chasse à l’homme continue après Gare Maritime, loin du centre-ville. Des dizaines de vitres de la Chambre de Commerce et d’Industrie, siège du patronat nantais, et de l’école privée de management Audencia sont défoncées. Mais aussi des voitures de luxe et des agences immobilières. Le gros des dégâts a lieu lors de cette manifestation sauvage, qui continuera jusque dans le quartier Mellinet, en course poursuite dans les petites rues.

Pendant ce temps, des centaines de Gilets Jaunes tentent de tenir la rue dans le centre. Un départ en manifestation sauvage à Bouffay est empêché. Un sitting est chargé avec un canon à eau et du gaz. Le scénario se reproduit : la foule qui se réunit à peine est à nouveau repoussée vers le fleuve. Des nasses ont lieu aux abords du mémorial de l’esclavage. Des manifestants sont gazés sur le pont Anne de Bretagne, ce qui est particulièrement dangereux. Autour de 19h la police quadrille toutes les rues, la manifestation est terminée. 26 personnes sont en Garde à Vue.

Ce 11 mai aura été la plus forte mobilisation des Gilets Jaunes à Nantes. Cette belle manifestation, plurielle et joyeuse a été anéantie par la répression. Les Gilets Jaunes n’ont su déjouer les pièges tendus par les autorités qu’en fin de journée. Avec au moins 8000 personnes à Nantes, presque autant à Lyon, et des milliers de personnes à Toulouse, Lille ou Montpellier, le mouvement fait preuve d’une ténacité hors norme. Mais les médias s’empressent de l’occulter et relaient avec gourmandise les dernières fake news gouvernementale. Visiblement, tant que les quartiers riches de la capitale ne sont pas dévastés, l’élite ne craint rien.

À suivre !

AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.