Quand le président des riches récupère la mémoire d’un jeune Résistant
Il s’appelait Henri Fertet, il est mort à 16 ans. Lycéen, il avait rejoint la Résistance dans les rangs des Francs Tireurs Partisans. Il faisait partie du «groupe Guy Môquet» qui portait le nom d’un autre jeune antifasciste assassiné par les nazis en 1941. Pour des faits de résistance – sabotages, tirs sur un commissaire allemand –, Henri Fertet avait été arrêté, enfermé, torturé. Et exécuté en septembre 1943.
Henri Fertet et Guy Môquet sont morts à 16 ans parce qu’ils se sont battus contre l’injustice, la barbarie, l’arbitraire : le fascisme. Par leurs actions, ils ont contribué à mettre à terre l’occupant nazi.
Le 5 juin, il y a deux jours, c’est la lettre du jeune Henri Fertet qui a été reprise – et tronquée – par Macron lors des commémorations du Débarquement. Comme Sarkozy, qui avait utilisé en 2007 la mort du jeune communiste Guy Môquet, Macron s’empare de la mémoire de la Résistance. Une réappropriation cynique.
Il y a quelques années, le vice-président du MEDEF, à la tête du patronat, déclarait : «il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du CNR». À la Libération, les antifascistes du Conseil National de la Résistance, regroupant les différentes sensibilités qui avaient lutté contre l’occupant nazi, avaient compris qu’il fallait garantir le partage des richesses pour éviter un retour du totalitarisme. À l’époque, les patrons étaient lourdement discrédités car très impliqués dans la collaboration, et les maquis communistes armés étaient alors nombreux. La Résistance imposait donc un programme de progrès social baptisé «Les jours heureux» : une presse émancipée des puissance financières, la sécurité sociale pour tous, l’accès à la culture… Tout cela dans une France ruinée et dévastée !
Ces immenses conquêtes sociales, dont tout le monde profite encore aujourd’hui, grâce au courage de quelques uns, sont attaquées depuis trente ans par les gouvernements successifs. Le gouvernement de Macron s’est fixé pour objectif de porter le coup de grâce à ce programme des Résistants : en attaquant le système de santé, les retraites, les droits sociaux qui restent…
En plus de ses références appuyées au pétainisme et au royalisme ces derniers mois, Macron s’en prend, ici et maintenant, à ce qui a été gagné dans le sang par les résistants. Ce gouvernement est bien plus proche de Vichy que d’Henri Fertet. Macron, comme Sarkozy, sont des incarnations absolues de l’anti-Résistance.
Où seraient les lycéens Henri Fertet ou Guy Môquet s’ils vivaient dans la France de 2019 ? Certainement pas du côté du pouvoir. Ils auraient peut-être été éborgnés devant leurs lycées, ou arrêtés par la police de Macron. Uniquement pour avoir défendu leurs idées. Plusieurs adolescents de 16 ans, comme Henri Fertet, ont été défigurés par la violence d’État il y a quelques semaines seulement. Ne l’oublions pas !
«Résister est un verbe qui se conjugue au présent» disait Lucie Aubrac.
Ajout : À propos du fait que Macron n’ait pas lu la lettre en entier
C’est vrai, la lettre lue par Macron est tronquée, Henri Fertet était issu d’un milieu chrétien, visiblement plutôt de gauche pour l’époque. Par ailleurs, ce lycéen a combattu avec les FTP, des Résistants communistes. Les passages qui font référence à sa croyance n’ont pas été lus lors de la cérémonie.
Insister énormément sur les quelques références religieuses de la lettre a du sens sur le plan de l’exactitude historique, mais ça ne parait vraiment pas le plus important dans cette opération. Il s’agit d’abord d’une opération de récupération politique de la Résistance par un gouvernement qui en détruit tous les héritages. C’est cela qu’il faut dénoncer en premier lieu.