Au Mexique comme ailleurs : contre les violences sexistes et les violences d’État


«Ils ne me protègent pas, ils me violent»


Lundi 12 août à Mexico, des centaines de femmes descendent dans la rue et défilent jusqu’à l’immeuble du procureur général de la ville. La colère est forte, les manifestantes recouvrent la façade de slogans et détruisent les portes du bâtiment de la sécurité publique pour pénétrer à l’intérieur. Le mobilier vole, les messages fleurissent sur les murs. Lorsque le ministre de Sécurité de la ville, Jesus Orta, sort à son tour dans la rue pour appeler au calme, les femmes répliquent en lui jetant de la poudre rose au visage. Les raisons de leur révolte sont gravissimes, garder son calme est impossible et n’a aucun sens. Les photos et vidéos de cette journée font le tour des réseaux. Et la colère continue de monter. Le vendredi 16 août elles sont des milliers de femmes, mères de famille, étudiantes, à sortir dans la rue bien décidées à se faire entendre. Des panneaux publicitaires sont brisés et le cortège se dirige vers un poste de police qu’elles prennent pour cible, se confrontant aux agents avec détermination. Leur cri : «No me cuidan, me violan» : «Ils ne prennent pas soin de moi, ils me violent». Le message est clair.

Cette fureur fait suite aux viols commis par des policiers sur des jeunes femmes de 17 et 16 ans. La première, violée par quatre policiers dans une voiture de patrouille à Azcapotzlco début août. Une autre, le lendemain, dans un musée du centre ville. Toutes les deux violées par des policiers. Seulement un d’entre eux est arrêté, les autres sont libres. Les femmes décident de réclamer justice, de dénoncer toutes les violences et ces crimes restés impunis. La maire de Mexico Claudia Sheinbaum, première femme élue à la tête de cette ville, ne soutient pas ces manifestantes et qualifie ce rassemblement de «provocation». Demander que justice soit faite n’a absolument rien d’une provocation, mais le pouvoir est toujours du côté de la police.

Les violences policières infligées aux femmes sont pourtant bien connues au Mexique puisqu’en 2016 Amnesty International avait révélé les abus sexuels très courant de la part des forces de sécurité sur des femmes incarcérées. Dans leur enquête, sur 100 femmes, 72 expliquaient avoir été agressées sexuellement lors de leur arrestation ou interrogatoire, tandis que 33 avaient été violées. Une terrible habitude donc. À l’époque le ministre de l’intérieur avait tout de suite stoppé l’enquête en interdisant les membres de l’organisation de parler aux détenues et de se rendre dans les prisons. Et évidemment de très nombreuses plaintes sont restées sans suite.

Au Mexique neuf femmes sont tuées chaque jour. En moyenne 40% disent avoir subi des violences sexuelles, 96% rien qu’à Mexico ! La justice n’est pas du côté des femmes, le pouvoir non plus. Un exemple criant : cette affaire d’une adolescente de 14 ans violée en 2016 qui s’était vue refuser le droit d’avorter car le juge avait requalifié le viol en «relations sexuelles avec une mineure». Et donc considéré qu’il s’agissait d’une relation consentie. Ces situations fréquentes ont poussé une femme à faire justice elle-même à Ciudad Juarez – ville tristement connue pour son nombre record de féminicides. Surnommée «Diane la chasseresse mexicaine», elle avait en 2013 tué deux conducteurs de bus. Dans un mail elle expliquait son geste : «Les autres femmes et moi, nous souffrons, mais nous ne pouvons pas rester silencieuses. (…) Nous sommes plusieurs à avoir été violées par les conducteurs lorsque nous nous rendions dans les maquiladoras, pour faire nos horaires de nuit (…). Je suis l’instrument de vengeance de ces femmes».

Ne pas rester silencieuses. Réclamer justice ou la faire soi même quand celle ci ne suit pas. En France, les violences faites aux femmes ne diminuent pas et les exemples de plaintes classées sans suite sont également très nombreuses. Hélène, 28 ans, avait porté plainte avant d’être assassinée en mars 2017 par son ex conjoint. Gülçin, mère de quatre enfants, poignardée en pleine rue par son mari avait déposé cinq plaintes, s’était rendue fréquemment au commissariat et avait écrit une lettre au procureur. Tous ses appels à l’aide avaient été ignorés. C’est une justice à deux vitesses quand on constate l’importance des moyens engagés pour arrêter et enfermer les habitants et habitantes de banlieue, les Gilets Jaunes et autres militants et militantes.

Que dire de tous les dispositifs policiers hallucinants mis en place pour réprimer les opposants au G7 à Biarritz ? Pendant ce temps un père de famille tue sa femme sur le chemin du retour des vacances, faisant de ce féminicide le 93ème de cette année, un rythme plus élevé que 2018.

Partout dans le monde le pouvoir politique et judiciaire ne sera jamais de notre côté, à nous de le prendre.


Soutien à toutes les femmes au Mexique et ailleurs qui luttent contre ces violences !


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