Chat Noir : la préfecture accuse un établissement de «servir de refuge» aux manifestants
Vous avez été nombreux et nombreuses à nous écrire pour nous demander des informations sur la fermeture du bar Le Chat Noir par la préfecture. On fait le point.
Le 12 décembre dernier, alors que les manifestations contre la casse des retraites se succèdent et rassemblent de plus en plus de monde à Nantes, le bar Le Chat Noir, situé en plein cœur de la ville est brutalement fermé sur décision du préfet. Pour les habitués du lieu, c’est la stupeur. Les hypothèses se multiplient, les appels à soutien circulent. La préfecture diffuse alors un communiqué de presse rempli de langue de bois, annonçant que l’établissement est fermé un mois pour «des troubles récurrents liés à la fréquentation» du bar et «des troubles sonores». Dont acte.
Hier, mardi 23 décembre, la patronne du bar donnait une conférence de presse, après avoir contesté la fermeture auprès du Tribunal Administratif. Il s’avère que la décision du préfet est beaucoup plus politique que ne le laissait entendre le communiqué diffusé plus tôt. En fait, les autorités reprochent au bar d’être un «refuge» de manifestants. Plus précisément, la police prétend qu’un manifestant aurait «jeté un fumigène» depuis la terrasse de ce bar, le 14 septembre dernier, lors d’une mobilisation de Gilets Jaunes.
Trois problèmes :
- Il n’y avait pas de terrasse devant le Chat Noir ce jour là, pour cause de travaux, comme en attestent des vidéos.
- En-dehors de la parole de la police nantaise – à laquelle on ne peut accorder aucune confiance – absolument rien ne prouve ces faits.
- Enfin, quand bien même les faits seraient avérés, rien n’indique qu’un manifestant ayant «lancé un fumigène» depuis cet endroit très fréquenté du centre-ville soit client du bar. Ce n’est de toute façon pas le rôle de serveurs de bar d’exclure cette personne si elle était cliente.
Bref, tout est d’une mauvaise foi accablante. Mais la justice décide malgré tout de maintenir la fermeture pour un mois. Résultat, l’établissement perd un gros mois en terme de chiffre d’affaire et trois salariés sont laissés sur le carreau, sans même pouvoir percevoir de dédommagements.
Le collectif «Culture Bar Bar», qui fédère de très nombreux bistrots nantais, dit n’avoir «jamais vu ça» depuis sa création. D’autres associations et syndicats de bars sont également estomaqués par la décision du préfet et signent un communiqué commun de soutien. Le texte est assez timoré, puisqu’il oublie de préciser que beaucoup d’autres établissements nantais subissent des violences inqualifiables de la police depuis des années.
Par exemple, le 14 avril 2018, le YOU bar, situé Place de la Bourse, avait été littéralement attaqué par des CRS qui avaient gazé et frappé tous les clients présents sur la terrasse, sans aucun motif. Le patron avait porté plainte, sans suite. Plus récemment, plusieurs terrasses étaient gazées par des CRS ou des unités de la BAC dans le centre-ville. Un palet de lacrymogène avait même atterri à l’intérieur d’un kebab. Le bar le Chat Noir lui-même est régulièrement visé par des grenades, parfois explosives, en fin de manifestation. Enfin, il n’est pas rare que des policiers fassent des descentes en amont ou en fin de manifestation dans quelques bars «suspectés» d’accueillir des militants. Bref, c’est un État policier qui se déchaîne depuis des mois et qui mériterait sans doute une réponse beaucoup plus vigoureuse du milieu bar nantais.
Vous l’avez compris, le préfet de Nantes fait fermer un bar qui ne lui convient pas, car fréquenté par une clientèle soupçonnée d’être militante. Nous en sommes là. Cette affaire est grave, mais pas isolée. Le préfet de Nantes, Claude d’Harcourt se comporte, depuis son arrivée, comme un petit tyran local. Manifestations interdites, fête de la musique attaquée, provoquant la mort de Steve, hommage au jeune nantais réprimé avec une violence inouïe… Et donc à présent, la fermeture administrative d’un lieu qui le dérange. Jusqu’où ira-t-il ?
Le Chat Noir rouvrira le 12 janvier prochain.
D’ici là vous pouvez écrire votre soutien sur le Facebook du bar ou participer à leur cagnotte
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