Valentin B. est accusé d’avoir incendié La Rotonde, ce restaurant où le président Emmanuel Macron est venu fêter son accession au second tour de l’élection présidentielle.
Incarcéré à la prison de la Santé, voici sa première lettre publique :
On étouffe ! On étouffe !
Laissez-nous respirer, laissez-nous être, laissez-nous vivre ! Libres ! Dignes ! Debout !
Quand la douleur se heurte au mépris et au cynisme. Quand l’autoritarisme prend le masque de la démocratie, alors, oui, il peut monter le coup de colère, elle peut venir l’envie d’effacer, même pour un instant, ce sourire serein et moqueur du visage de cette élite auto-proclamée qui détruit tout et de griffer le masque de tyran qui les inspire.
Ils crachent sur le peuple et piétinent nos droits dans le silence feutré des salons de velours rouge.
A ces « élites », que désormais seule la violence d’État et les propagandes éditoriales/publicitaires protègent, pour tous ceux qui souffrent par votre faute, je veux dire ceci :
Sachez que nous ne baisserons pas les yeux, nous n’aurons pas honte devant vos injonctions aux condamnations morales et que nous continuerons de rêver, que nous continuerons de lutter, car notre cause est belle, car notre cause est juste, car nous portons en nous l’invincible espoir d’un monde meilleur, où brille la lumière de la liberté.
Tous ceux qui « condamnent la violence » sans jamais en interroger les causes, ces éditorialistes, ces petites moralistes d’état, tous ceux qui obéissent au clergé médiatique et s’offusquent entre gens de bonne compagnie traitent l’action symbolique d’« attaque contre la démocratie ».
« Mais où va-t-on ? », « Mais ce n’est pas comme ça que l’on exprime sa colère en démocratie ». Démocratie. Démocratie ?
Mais laquelle ?
Nous sommes au contraire un cri d’amour pour la démocratie, qui ne demande qu’à naître. Enfin ! Car la démocratie est aujourd’hui confisquée par une petite mafia qui se distribue tous les pouvoirs et manipule les consciences.
Oui, un cri de révolte lancé à la face de ceux qui se pensent au dessus des lois, au dessus des gens, prisonniers qu’ils sont de leur petit monde de compromissions et de corruption.
Un cri. Un cri pour tenter de les réveiller.
Enfin !
Puisse la fumé noire qui monte des rues de Paris, le samedi, le jour et parfois la nuit, leur remonter jusqu’au narines et peut-être leur rappeler que partout dans ce pays des gens souffrent en silence et ne parviennent plus à vivre.
Puisse le feu de la colère qu’ils ont allumé eux-même éblouir leurs yeux aveugles, si possible, et purifier leur âme corrompue… et pourquoi pas leur rappeler que l’on ne répond pas à la colère légitime d’un peuple par la violence et la mutilation de masse en toute impunité.
Ah oui ! Voilà les véritables attaques contre la démocratie. Sanglantes !
Qui sera jugé pour ces crimes de sang ?
Et par quelle justice ?
Où se cachent le(s) responsable(s) ?
Où faut-il venir le(s) chercher ?
Non, non, quand la violence disproportionnée et illégitime est utilisée systématiquement pour écraser le peuple souverain, il ne faut pas s’étonner que le ton de la résistance se durcisse un peu, non ?
État, « élites », je veux dire encore un mot, quand même.
Si notre violence est toujours proportionnée, symbolique, mesurée, la votre est criminelle :
c’est bien notre sang que vous avez sur les mains !
Et aucune assurance ne remboursera le prix du sang versé.
Dans ce combat, des gens honnêtes et droits engagent leur vie pour la dignité de toutes les autres.
Et vous ? Que faites-vous ?
Vous qui condamnez la main qui jette l’allumette, drapés que vous êtes dans votre petite morale bon marché, ignorants que vous êtes de l’histoire des luttes et des révolutions, vous qui vous tenez pour toujours du côté des maîtres, des esclavagistes, des tyrans, des petits marquis poudrés, vous qui vous indignez de la perte provisoire de l’un de vos repères à huitres, vous restez muets, et aveugles – et lâches ! – devant la misère, la violence sociale et la répression sanglante que votre monde inflige à des gens vertueux, courageux, qui se battent pour la liberté et pour le droit de tous à vivre dignement.
Oui, juste dignement !
Ne serait-ce pas la solution pour que cessent tout violences ?
Dignement.
Nous sommes un cri.
Un cri dans la nuit. Un cri d’amour, un cri pour la vie. Un cri vibrant d’espérance.
Un cri : nous ne sommes plus à genoux devant vous. Nous vous voyons. Nous n’avons plus peur.
À tous ceux qui se battent pour leurs droits, qui souffrent dans leur chair mais qui se tiennent debout, qui paient cher leur soif de justice, je dis :
merci.
Nous sommes le futur.
source : https://lundi.am/On-etouffe-On-etouffe