«La France, pays des lumières, ça n’est pas les États-Unis. La police française ça n’est pas la police américaine, ne confondez pas tout. N’évoquez pas la liberté de parole pour prêter soutien à cette fresque, faisant le parallèle entre Monsieur Traoré et monsieur Floyd, en parlant de violences policières. Cette fresque est tout simplement insupportable. Pourquoi ? Parce qu’elle entretient un amalgame pernicieux […] Le mot policier n’a rien à voir à côté de ceux de racisme et de violences, car nos policiers luttent à chaque heure, chaque jour, chaque nuit, contre les violences, contre le racisme. Ils luttent aussi contre le terrorisme. […] Oui, à juste titre, le préfet a demandé au maire de Stains de revenir sur cette fresque qui porte la haine.»
C’est la citation hallucinante, du premier flic de France Christophe Castaner, mardi 30 juin, devant le Parlement. Il évoque en ces termes la fresque en hommage à Adama Traoré et George Floyd, réalisée dans la ville de Stains. Cette sortie est gravissime à plus d’un titre :
- C’est une attaque frontale contre la liberté d’expression. Le gouvernement se permet de décider si une peinture est «insupportable» ou non. Retour 100 ans en arrière. Le gouvernement Macron veut faire censurer une simple fresque en hommage à des morts. La situation est préoccupante. Marine Le Pen n’aurait pas fait pire. Demander « justice » se transformer en « fresque qui porte la haine ». Tout est renversé.
- Non seulement les violences policières sont couvertes par la justice, mais les plus hautes autorités du «Pays des Lumières» cherchent à effacer les œuvres qui les dénoncent. Cette surenchère dictatoriale fait suite à plusieurs années de procès contre des rappeurs qui dénonçaient la répression. L’État français est donc aujourd’hui plus autoritaire qu’au temps de Brassens, de Léo Ferré, ou du Charlie Hebdo des années 1970 époque à laquelle on pouvait diffuser des dessins et des chants fortement anti-police en toute liberté.
- Le ministre assène que la police «lutte chaque jour contre le racisme». Un mensonge éhonté, alors que plusieurs enquêtes de presse ont prouvé que des milliers de policiers profèrent des injures racistes, et s’adonnent à des comportements discriminants en toute impunité. Alors même que des policiers de Rouen, parmi d’autres, affirment qu’ils achètent des armes pour se «préparer à la guerre raciale». Alors même que plus d’un policier sur deux vote Le Pen. Ce retournement de la réalité est orwellien.
- Il prétend que la police française serait exemplaire comparé à la police américaine. C’est factuellement faux. La police française est, de loin, la plus militarisée d’Europe. Elle tue avec des techniques rigoureusement identiques que celles utilisées aux États-Unis : des techniques d’étouffement. La situation française est même par certains aspects pire, puisqu’aux USA il arrive que des policiers meurtriers soient inculpés et emprisonnés – c’est le cas pour George Floyd –, ce qui n’arrive jamais en France. Cette dissonance cognitive est un insupportable crachat sur les victimes françaises.
- Le gouvernement en place est un gouvernement de droite extrême, ouvertement liberticide. Dans la bouche de Trump, la déclaration faite par Castaner provoquerait un énième tollé mondial.
Le fait qu’un ministre se sente obligé de monter au créneau pour faire censurer une peinture montre la grande fébrilité et donc la faiblesse du pouvoir en place. La meilleure réponse serait de multiplier, partout en France, des fresques dénonçant les violences d’État.
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