Le nouveau ministre de l’Intérieur n’est pas seulement un individu accusé de viol, ni un homme qui reconnaît avoir fait du chantage sexuel en profitant de sa position de pouvoir. Le nouveau ministre de l’intérieur est aussi un politicien arriviste, qui reprend les mots et les idées de l’extrême droite. Voici ce que Darmanin déclarait dans le Figaro hier :
«Nous assistons à une crise de l’autorité. Il faut stopper l’ensauvagement d’une certaine partie de la société. Il faut réaffirmer l’autorité de l’État, et ne rien laisser passer». «Ensauvagement». Un mot forgé et diffusé par l’extrême droite la plus dure. Explications :
UN HÉRITAGE COLONIAL
Les notions de «barbare» et de «sauvage» renvoient à l’histoire de la colonisation. Il y existerait des «sauvages» qu’il faudrait «civiliser» par la force. C’est cette justification qui est utilisée par les puissances impérialistes pour aller conquérir et dépouiller de nombreux pays au 19e et au 20è siècle. En parlant d’ensauvagement de la France, Darmanin importe cette rhétorique coloniale sur le territoire, avec l’idée d’une guerre contre une partie de la population. D’ailleurs, Darmanin cible les populations musulmanes dans son entretien. Il déclare notamment «l’Islamisme, voilà l’ennemi» et évoque une «infiltration» de la société.
UN EMPRUNT DIRECT À L’EXTRÊME DROITE
L’idée d’un «ensauvagement» a été popularisée par l’écrivain fasciste Laurent Obertone. Un propagandiste, auteur d’ouvrages intitulés «La France Orange Mécanique», «Guérilla» et «Le temps des barbares». Dans ses ouvrages, il propage ses obsessions racistes et sécuritaires et annonce un conflit racial imminent. Il appelle à la répression armée et la violence d’État la plus sanglante pour écraser les «ennemis de l’intérieur», parle de «grand remplacement» et de «choc des civilisations». Laurent Obertone est encensé par Marine Le Pen, Louis Alliot et le reste de l’extrême droite. L’auteur est proche de certains réseaux policiers. Sur sa page Facebook : de nombreuses photos de ses ouvrages accompagnés d’insignes de police, de CRS, de gendarmes, de d’armes de poing, de fusils, de grenades. La police rêve avec Obertone de guerre civile, de putsch, de massacre de gauchistes et de banlieusards. Le ministre de l’Intérieur du gouvernement Macron reprend donc directement le concept central d’un individu qui rêve d’un «grand soir» fasciste et policier.
UN CLIN D’ŒIL AUX SYNDICATS DE POLICE
En montrant les muscles, Darmanin fait un clin d’œil à ses agents, il leur montre leur soutien et affirme son autorité. Après l’interview donnée au Figaro, le syndicat policier Synergie s’est par exemple félicité de cette «reprise de sa sémantique» par le ministre.
UN MENSONGE
Des «apaches» de la Belle Époque aux «blousons noirs» des 30 Glorieuses, jusqu’aux violences urbaines actuelles, l’idée d’une violence en augmentation est un grand classique de la droite et de l’extrême droite. Au niveau des chiffres, le nombre d’homicides est plus bas qu’en l’an 2000, et beaucoup moins élevé qu’en 1990. Globalement, il n’a jamais cessé de baisser depuis les années 1980. Au niveau européen, avec 1,16 homicides volontaires pour 100.000 habitants en 2018, le taux français arrive en 11e position. En revanche, la France connaît un très net «ensauvagement» de sa police, qui est la plus armée d’Europe et qui tue une vingtaine de personnes par an, en blesse gravement des centaines d’autres, sans jamais être sanctionnée. Évidemment, tous les crimes sont insoutenables, et les chiffres ne suffiront jamais à quantifier les souffrances indélébiles ressenties par les victimes. Mais ces souffrances ne peuvent et ne doivent pas être instrumentalisées par des politiciens autoritaires et corrompus qui ne cherchent qu’à accentuer la répression et consolider leur pouvoir.