La justice gagne du temps et « doute » de la responsabilité policière
«Il est important quand un jeune homme décède en marge d’une intervention policière que toute la lumière soit faite sur les circonstances matérielles des faits».
C’est la déclaration du procureur chargé d’enquêter sur la noyade de Steve le soir de la fête de la musique 2019. Une déclaration faite le 6 octobre 2020. 1 an et 3 mois après les faits. Cette phrase est prononcée lors d’une «reconstitution» organisée par les autorités judiciaires sur le quai Wilson, où s’était déroulé le drame. Les mots ont un sens : Steve n’est pas décédé «en marge» d’une intervention. La formulation du procureur est volontairement orientée. Steve n’était pas «en marge», il faisait partie des centaines de jeunes qui fêtaient la musique sur ce quai ce soir-là. Des centaines de jeunes qui, comme lui, auraient pu tomber dans l’eau lors de la charge. 14 étaient tombés dans la Loire, lui n’est jamais remonté.
Il ne s’agissait pas hier d’une vraie reconstitution, avec le criminel présumé sur les lieux et une répétition de la scène. Non, il s’agissait d’une «reconstitution technique». Sinon, il aurait fallu organiser l’événement de nuit, en projetant des nuages de gaz toxique et des grenades explosives contre une foule paniquée. Une telle reconstitution aurait, à coup sûr, démontré le caractère criminel de la charge policière. «Il ne s’agit pas de reconstituer la free-party au cours de laquelle les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes» selon la presse, mais de savoir «quand Steve Maïa Caniço est-il tombé à l’eau».
L’enjeu de cette procédure est donc de remettre à nouveau en doute les circonstances du drame, de laisser, plus d’un an après, planer un doute. Insinuer que Steve se serait noyé tout seul. «Pour le moment, la justice n’est pas certaine que Steve Maïa Caniço soit tombé dans la Loire lors de la charge controversée des policiers», peut-on lire. «Il a très bien pu tomber avant ou après l’intervention des forces de l’ordre» selon le procureur. Tout est fait pour éluder la responsabilité policière.
Procédé macabre : les experts ont utilisé «un mannequin et plusieurs téléphones portables». Pour mesurer «de quelle hauteur Steve Maïa Caniço a chuté, et comment son téléphone a réagi une fois immergé dans l’eau, ils ont «jeté à l’eau à trois reprises, à trois endroits différents» les mannequins. Des «experts en téléphonie» étaient là pour «voir comment le téléphone borne». On apprend à cette occasion que, depuis 1 an et 3 mois, le téléphone du défunt n’a pas pu être allumé ni exploité, et que seulement maintenant, la justice tente «avec le fabricant chinois de restaurer le téléphone potable de Steve»… Alors qu’il suffit de quelques heures pour géolocaliser n’importe quel téléphone de manifestant lors d’enquêtes menées par la police politique.
La presse reprend les euphémismes judiciaires : «À quel moment Steve Maia Caniço a-t-il chuté dans la Loire ? Et, si possible, de localiser précisément, sur le quai de la Loire, l’endroit où Steve Maia Caniço a chuté». La justice tente de gagner du temps. Et si les experts prouvent définitivement la présence de Steve sur les lieux de la charge, il est probable que ce sera l’absence de barrière sur le quai qui sera mise en cause. Tout est fait pour masquer la responsabilité principale, écrasante, celle qui crève les yeux : la violence de la police.
Une source de la presse dominante : https://www.francebleu.fr/…/nantes-reconstitution-technique…