Il y a quelques jours, le groupe TF1 diffusait un reportage “appel d’urgences” sur les manifestations, dans lequel la ville de Rennes était qualifiée de “bastion de la contestation sociale”. Ce 28 novembre, Rennes n’a pas dérogé à ce titre.
À l’appel du Club de Presse de la Bretagne, 10.000 personnes se sont rassemblées place de la République. À 11h45, après quelques courtes prises de paroles, le cortège s’élance dans la lumière d’un fumigène, impatient de faire du bruit au cœur de la capitale Bretonne contre l’État sécuritaire. De nombreux collectifs sont présents, des pancartes, des banderoles, une fanfare… : la manifestation est diverse, déterminée et animée. Des slogans se font entendre haut et fort comme “Tout le monde déteste la police” suivi du classique “La police déteste tout le monde”, “Macron nous fait la guerre, et sa police aussi, mais on reste deter pour bloquer le pays !”. Une sono met l’ambiance. Des manifestant-es se sont déguisé-es en caméras de surveillance.
Comme d’habitude, les forces de l’ordre ont quadrillé l’accès aux artères commerçantes du centre historique : les rues d’Orléans, de Rohan et Jean Jaurès sont thrombosées de CRS, de gendarmes mobiles et de camions de police. Arrivé-es place de Bretagne, quelques manifestant-es tentent de mener le cortège vers le centre-ville, en l’absence de barrage policier, mais sont peu suivi-es : le gros de la manifestation a déjà suivi la tête de cortège.
Le trajet déclaré est désespérément court. Après avoir dépassé le boulevard de la liberté, le cortège principal s’éloigne du centre-ville et s’arrête place Charles de Gaulle, après seulement 1200m de manifestation ! Mais la manifestation de milliers de personnes est tellement étendue que des centaines de personnes sont arrêtées au carrefour précédent. Elles ne tardent pas à faire redémarrer un cortège vers la rue Maréchal Joffre pour continuer cette manifestation initialement trop fugace.
Plein d’entrain et chantant avec détermination contre les violences policières (“Babacar, Rémi et Adama, on n’oublie pas, on pardonne pas !”), les manifestant-es reviennent place de la République. Après un rapide tour des quais où fleurissent enfin quelques tags, permettant l’arrivée des retardataires de la place Charles de Gaulle, la colère monte d’un cran et des centaines de manifestant-es tentent de remonter vers la mairie. Ils sont rapidement refoulés par la police, à grand renforts de gaz lacrymogène, en plein milieu des passants venus faire leurs courses de Noël.
Logiquement, des projectiles fusent vers les forces de l’ordre. Progressivement, une ambiance insurrectionnelle s’installe. Des barricades commencent à être érigées avec des poubelles enflammées et des barrières de chantier. Les panneaux publicitaires sont arrachés, les vitres des abribus brisées. La police réplique par grenades lacrymogènes. De nombreux tirs de LBD sont entendus. Plusieurs manifestant-es sont touché-es, une personne sera évacuée à l’hôpital.
La contestation se poursuit pendant plusieurs heures dans une énergie collective et solidaire. L’asphalte est dépavé. Des projectiles divers (peinture, bouteilles…) sont lancés sur la police qui concentre toute la rage actuelle. Plusieurs feux d’artifices sont également envoyés en leur direction dans l’exaltation de la foule. Quelques fleurs égayent les barricades. Des habitants, ébahis, observent la scène depuis leurs appartements avant de rapidement se réfugier à l’intérieur devant l’irrespirabilité de l’air empli de gaz. Les forces de l’ordre réussissent même à plusieurs reprises, à envoyer des grenades sur les balcons des particuliers ou sur le palais du commerce. Au milieu de la route, des dizaines de personnes dansent au son de “tout le monde nique la BAC”.
Les caméras de la place de la république sont mises hors service unes à unes. L’une d’elle sera totalement pulvérisée par un projectile, tandis que pour une autre, située à plusieurs mètres de hauteur, un manifestant réussira malgré tout, en grimpant au poteau, à la recouvrir de peinture. Pensée émue pour les policiers du centre de supervision urbains qui ont dû voir plus que flou sur leurs écrans.
Un peu plus tard, un conteneur de chantier sur roues est incendié et lancé sur une ligne de CRS. Atmosphère de guerre surréaliste alors qu’à quelques dizaines de mètres derrière les cordons de police, des gens continuent tranquillement leurs achats, détachés de l’actualité et dans un esprit consumériste étrange.
À l’arrivée du canon à eau, probablement amené en catastrophe pour aider une police complètement dépassée, les manifestant-es refluent sans panique vers la rue Marchal Joffre, non sans lancer quelques projectiles dans leur recul. Tout aussi déterminé et collectif, les acclamations résonnent énergiquement dans la rue : “on part ensemble, on reste ensemble” ou le rituel “tout le monde déteste la police”.
Après un rapide retour à République toujours misérablement noyée dans l’eau et le gaz par la police, quelques dizaines de personnes s’engagent dans les rues au sud de la place. Une cinquantaine de personnes s’avance dans la rue Vasselot en chantant joyeusement contre l’État policier.
Cependant, la CDI (Compagnie Départementale d’Intervention, des brutes dénués de tout sens de la retenue), se colle rapidement derrière le petit cortège. Soudainement, plusieurs camions de cette même compagnie pilent à la sortie de la rue, devant les manifestants et plusieurs policiers se ruent sur les manifestant.es piégé.es dans la rue. Panique totale des commerçants et leurs clients qui se réfugient à l’intérieur des boutiques dans l’affolement général. Certain-es manifestant-es réussissent à s’échapper de la ruelle, d’autres sont coincé-es dans une entrée d’immeuble. Ils en sortiront après un rapide contrôle de la CDI.
Si cet épisode sonne la fin de la manifestation pour une partie des manifestant-es, de nombreux autres gardent leur détermination. Rassemblé-es dans la rue adjacente – car l’esprit de solidarité de cette journée s’est ici traduit par l’attente des manifestant-es de celles et ceux subissant le contrôle -, ils encerclent les 3 camions de CDI qui doivent rapidement quitter les lieux, sous les huées et sans avoir pu interpeller personne. Les manifestant-es crient victoire, dans l’euphorie générale, et repartent vers la Place de la République.
Il y règne une ambiance apocalyptique. Les passants qui n’ont pas vu la place depuis la fin de matinée marchent d’un air abasourdis au milieu des pavés et autres objets jonchant le sol. D’autre trébuchent dans les barrières, dans des sons métalliques aux quatre coins du lieu.
La nuit commence à tomber et, moins en moins nombreux-ses, les manifestant-es quittent progressivement le secteur. Quelques dizaines d’irréductibles restent sur place mais la police, devenant en surnombre, reprends le terrain. Un officiel ordonne dans son haut parleur de quitter les lieux à plusieurs reprises, d’un air las et agacé. En guise de réponse, certain-es manifestant-es s’assoient tranquillement, comportement qu’on pourrait traduire par “fuck”. Les forces de l’ordre finissent par les repousser par la force, en formant une ligne, tel un rouleau compresseur. Même les habitant-es sont forcé-es de repartir.
Une dizaine de personnes auraient été arrêtées, la plupart en toute fin de manifestation. Bien que le cortège n’ait pas pu se rendre dans les artères les plus commerçantes, c’était malgré tout un rapport de force réussi, à la hauteur de la gravité de la situation politique actuelle. Bravo et soutien aux Rennais-es !
Et à Nantes ? Malgré des banderoles de compétition, une affluence massive et un gros cortège de tête, le dispositif policier considérable, surdimensionné, met un frein a une offensivité d’ampleur. Mais ce n’est que partie remise ! D’autres manifestations auront lieu prochainement et les nantais-es restent mobilisé-es.
Images : Nantes Révoltée, Rennes DTR, Jérémie Verchere, Emmanuel Brossier (TaranisNews), presse locale
Vidéo : Nantes Révoltée
Si vous avez des infos sur les personnes interpellées : Défense Collective Rennes
✊ RETOUR SUR LA MARCHE DES LIBERTÉS À RENNES ✊ ✊Une foule immense s’est réunie samedi dernier place de la République, à 11h, pour la manifestation déposée en préfecture. L’ambiance est festive, le cortège déterminé….
Publiée par Defense collective