Une grille «amovible» sert de fortification au Palais de Justice. Une autre est en projet pour la Préfecture.
Que peuvent donc craindre nos institutions si légitimes et démocratiques ? À Nantes, les lieux de pouvoir se barricadent, visiblement par peur de la population. Le tribunal a installé à prix d’or des «grilles amovibles» partout autour du bâtiment, et la Préfecture s’apprête à investir dans un grillage géant. Explications :
Tribunal fortifié
Une verrue architecturale surplombe la Loire : un bloc noir avec des piliers noirs et un intérieur noir. Une prison ? Le vaisseau de Dark Vador ? Non, c’est le tribunal de Nantes, installé à cet endroit depuis l’an 2000. Ce bâtiment particulièrement anxiogène, et qui tombe déjà en ruines à cause des malfaçons, est l’œuvre de l’architecte Jean Nouvel, qui voulait montrer la «sévérité de la justice» à travers son architecture.
C’est donc dans ces murs que la justice de classe et les peines les plus expéditives sont distribuées depuis 20 ans. À partir de 2015, ce Palais de Justice installe un «tout nouveau dispositif de sécurité» unique à notre connaissance : lorsqu’une personne s’approchait du bâtiment la nuit, des projecteurs lumineux s’allumaient et «une voix robotique qui se déclenchait» pour avertir que les services de police étaient contactés… Le dispositif était installé pour «limiter les risques de vandalisme». Il est vrai que la baie vitrée avait été cassée peut avant, et le bâtiment repeint de couleur rouge sur toute sa longueur !
Mais «le ministère de la Justice souhaitait aussi doter le monumental bâtiment de défenses à la hauteur des assauts dont il est parfois l’objet» écrivait la presse locale. «La décision a donc été prise d’installer des grilles en bas du parvis, côté Loire, pour empêcher les indélicats de s’approcher du bâtiment». Des dizaines de milliers d’euros, des mois de travaux, des pilotis et une immense grille noire plus tard : voilà le bâtiment sensé incarner la Justice à Nantes bunkérisé, avec des agents de sécurité qui ouvrent et ferment cette barricade «amovible».
Préfecture bunkerisée
La Préfecture de Nantes est déjà hautement protégée : sa façade historique n’est plus accessible depuis des années, les forces de l’ordre empêchant toute manifestation d’imaginer s’en approcher. Mais la haute muraille qui longe l’Erdre, protégée par des canons à eau, est régulièrement taguée. L’État a donc décidé de muscler encore plus la «protection» de l’édifice. Un appel d’offre émis par la préfecture le 19 novembre dernier, prévoit de raser l’ensemble de la balustrade en pierre qui borde actuellement la cour du bâtiment : cette balustrade, pourtant située à plus de 2 mètres de haut, est jugée trop faible.
Il est vrai qu’un morceau s’est déjà détaché lors de manifestations de Gilets Jaunes, et que des échelles ont même été amenées au plus fort du mouvement pour assaillir l’édifice. Le préfet ne lésine pas sur les moyens : il veut une grille en fer forgé de 65 mètres de long sur deux mètres de haut sur l’ensemble de la cour face à l’Erdre. Qu’en disent les défenseurs du patrimoine ? Le chantier, d’un montant supérieur à 100.000 euros, devrait débuter en février 2021.
Est-ce le signe d’une année 2021 que les autorités pressentent agitée ? Sans doute. Quoiqu’il en soit, à Nantes, le pouvoir se réfugie dans des bunkers.
Sources :