Le quadrupède robotisé fait aboyer les vrais chiens et pleurer les enfants sur la Place Graslin, à Nantes le 9 décembre. Il faut dire que cet automate jaune qui imite un sorte de labrador haut sur patte, et sautille en s’approchant des passants a de quoi effrayer. Il s’agit du robot « SPOT » conçu par l’entreprise américaine Boston Dynamics. Depuis quelques mois, ce robot est commercialisé largement, et l’entreprise qui le fabrique a noué un partenariat avec une « start-up » nantaise du numérique.
La boite qui fait défiler ce robot dans le centre-ville de Nantes s’appelle « intuitive Robots ». L’entreprise « conçoit et intègre des solutions logicielles intelligentes pour différents robots ». Intuitive Robots a signé un partenariat avec Boston Dynamics pour assurer la commercialisation du « robot chien » sur le marché européen, ainsi que « l’intégration matérielle et logicielle pour adapter les capacités du robot au besoins des clients », peut-on lire sur un site de Nantes Métropole.
Mais à quoi peut bien servir ce chien électronique doté de caméras, de détecteurs de mouvements et commandé à distance ? Un simple jouet ? Un gadget marketing pour montrer que « Nantes est une ville innovante » ? Pas seulement, ces robots auront des implications très concrètes dans nos vies. « Le robot Spot permet de réaliser des missions d’inspection, de détection ou de collecte de données, notamment dans des environnements déstructurés, difficiles d’accès ou dangereux pour les humains » expliquent ses concepteurs, qui veulent le déployer largement « dans le courant de 2021 ». Demain donc.
La première mission du robot chien est donc la surveillance et la « reconnaissance » en terrain hostile. L’armée américaine teste d’ors et déjà de tels robots pour des « missions de renseignement, de surveillance, d’inspection, de cartographie et de communication ». Quel utilité dans les villes ? On peut imaginer rapidement, dans un contexte de surveillance de masse et de « ville connectée » où tous les déplacements doivent être tracés, ces chiens robots dotés de caméras avec reconnaissance faciale par exemple. L’équivalent des drones, mais au sol.
Autre utilisation déjà réalisée : le robot chien qui flique la population en cas de pandémie. Au mois de mai dernier, cet automate patrouillait dans un parc de Singapour pour faire « respecter la distanciation sociale ». Le chien jaune diffusait un message sur les « gestes barrières » et interdisait aux humains de s’approcher, puisqu’il est doté d’une caméra capable d’évaluer le nombre de visiteurs dans le parc et la distance entre les personnes. Effrayant.
Dernier exemple d’utilisation concrète d’un tel outil, en France cette fois : le robot au service de l’industrie nucléaire. L’Andra – l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs – qui fabrique une poubelle de déchets nucléaires gigantesque dans l’Est de la France, a été la première à vouloir s’appuyer sur les capacités de ce robot dont elle finance le développement. Pour son projet controversé d’enfouissement souterrain de déchets nucléaires, le robot sera envoyé dans les galeries pour superviser les travaux. Le chien a d’ailleurs été utilisé sur le site de Tchernobyl.
Surveillance, guerre, industrie nucléaire … « l’innovation » capitaliste en période de durcissement autoritaire et de crises généralisées n’augure rien de rassurant.
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