Une affaire gravissime qui n’a presque pas été traitée dans les médias. Voici l’enquête de la journaliste indépendante Sihame Assbague :
«Debora a 23 ans.
En décembre dernier, quelques jours après avoir été violemment interpellée par la police dans le 95, elle a accouché d’un bébé mort-né. Pour elle, cela ne fait aucun doute : il y a un « lien direct » entre les violences subies et la perte de son enfant. Elle a porté plainte et la justice a ouvert une enquête.
Les faits, que je vais résumer ici, remontent au 10 décembre 2020. Debora était avec sa cousine, Céline, et une amie commune. Elles s’apprêtaient à quitter le centre commercial Arc-en-Ciel de Garges-lès-Gonesse quand elles ont été contrôlées pour non-port du masque. La situation a dégénéré quand l’une des policières a cru, à tort, avoir été insultée par les jeunes femmes. Le ton est rapidement monté. Céline s’est retrouvée au sol, plaquée par l’un des agents. Elle raconte qu’elle n’arrivait plus à respirer, qu’un policier appuyait sur son dos et sur sa tête.
Comme d’autres personnes (alertées par les cris), Debora a tenté de se rapprocher d’elle pour que les agents la lâchent.
C’est là que Debora a été violemment plaquée contre le mur par une policière. À trois reprises. La jeune femme — qui mesure 1,55 m et pèse 45 kg en temps normal — était alors à 4,5 mois de grossesse. « J’ai dit et répété que j’étais enceinte mais elle a continué » raconte Débora « et elle m’a sortie dehors et m’a secouée plusieurs fois encore ».
Les deux cousines sont alors placées en garde à vue pour « outrage ». Céline y passera la nuit. Débora elle, en raison de son état, est autorisée à rentrer chez elle. C’est à son domicile qu’elle ressentira les premières douleurs, au ventre, et les premières pertes de sang. Elle sera hospitalisée, en urgence, le surlendemain. Elle y reste alitée 10 jours. Les médecins lui disent de ne « pas nourrir trop d’espoirs », que la « poche du bébé est descendue dans le vagin » et qu’il y a donc peu de chance.
Elle apprend que c’est une fille, la prénomme Djamila, et prie.
Mais le 21 décembre, le cœur du bébé s’arrête de battre. Debora accouche d’un enfant mort-né. La pudeur l’empêche de dire à quel point elle est touchée mais ses proches le voient. « Elle est psychologiquement très atteinte, ça a été très dur, très violent » explique l’une de ses amies.
Pour Debora, cela ne fait aucun doute : c’est la violence de l’interpellation qui a provoqué la perte de son bébé. « Ma grossesse se passait très bien jusque-là » explique-t-elle, « 5 jours avant les faits, j’ai vu mon gynécologue et il m’a dit que tout allait bien. J’ai commencé à avoir mal après le contrôle. »
Pour l’avocat de Débora, Me Brengarth, « les éléments médicaux, les témoignages et la chronologie des faits poussent effectivement à considérer qu’il existe un lien de causalité entre l’intervention policière et la perte du bébé ». Debora a donc porté plainte pour « mutilation permanente ».
De leur côté, les policiers ont également porté plainte… pour « outrage ». Céline et Débora seront jugées en juillet 2021.
Quant à la brigadière mise en cause, elle « conteste formellement » ces accusations… Une « violence » de plus pour Débora qui devrait enterrer son bébé cette semaine.
Une information judiciaire a été ouverte.
On pense fort à elle, à Céline, à leurs proches et à toutes les autres victimes de violences policières.»
Une cagnotte a été ouverte en soutien à la famille : https://www.cotizup.com/pour-debora