Livreurs nantais : déjà une semaine de lutte


Ils se mobilisent contre l’arrêté municipal interdisant la circulation des scooters des livreurs dans les zones piétonnes et pour des conditions de travail dignes


Un arrêté municipal interdit la circulation des scooters thermiques (en bref la majorité des scooters) dans les zones piétonnes du centre ville de Nantes depuis le lundi 8 mars. Cet arrêté répond à une demande de «tranquillité» des riverain.e.s : nuisances sonores, pollution, insécurité routière… les rues piétonnes du centre-ville seraient devenues une jungle où les livreurs ne feraient que gêner. Il est pourtant évident que les livreurs en question ne font qu’une chose : travailler. Et la mairie “socialiste” préfère les attaquer, eux, plutôt que les plate-formes qui les exploitent. S’attaquer aux personnes les plus précaires afin de préserver la tranquillité bourgeoise du centre-ville : drôle de conception d’une politique de gauche. D’autant plus que ces mêmes riverain.e.s forment souvent le fond de commerce de la vente à emporter : consommer en voulant nier l’exploitation et la précarité qui en découlent !

Les livreurs appellent donc leurs collègues ainsi que les restaurateurs et restauratrices (dont c’est le seul moyen de rester ouvert en cette période) à les soutenir contre cet arrêté et le harcèlement policier qui en découle, mais aussi plus largement pour avoir des conditions de travail dignes, une rémunération correcte, la prise en charge par les plateformes des blessés dans le cadre des accidents du travail, et plus généralement contre la précarité qu’ils subissent.

En Espagne la lutte a payé, puisque les livreurs sont maintenant considérés comme salariés, leur donnant ainsi droit à une protection sociale. La ministre du Travail Yolanda Diaz précise que « des milliers de travailleurs et de travailleuses seront des employés, les entreprises cotiseront pour eux, et ils auront le droit à toute la protection sociale qu’ils n’ont pas aujourd’hui ». L’Espagne est le premier pays d’Europe a avoir mis en place cette législation.

Les luttes des livreurs commencent à gronder aussi ailleurs en France.

À Nantes un premier rassemblement avait lieu le lundi 8 mars à 10h sur l’esplanade des machines, suivi à 18h d’une marche dans le centre-ville pour rencontrer leurs collègues et les restaurateurs nantais.
Ils appellent aussi, lors d’une prise de parole devant la mairie, à recevoir des aides pour avoir des scooters électriques qui seraient autorisés à rouler dans le centre-ville, avec une prime de reprise de leur outil de travail qu’ils payent de leur poche et qu’ils n’ont plus le droit d’utiliser.

Pris en étau entre les cotisations sociales importantes des micro-entrepreneurs, les conditions de travail déplorables, sans aucune aide de la part des plateformes (les commissions ont encore baissé dernièrement chez UberEats selon les livreurs, une course leur rapportant alors entre 2 et 3€), les charges d’entretien et de fonctionnement de leurs outils de travail, le mépris des élu.e.s et souvent des client.e.s, les livreurs font entendre leur colère face à cette exploitation et les injustices qui en découlent.
Si l’on pense souvent aux livraisons à vélo, il faut aussi prendre conscience que la plupart des livraisons dépassent aujourd’hui les 8kg, et atteignent souvent les 11kg, une charge impossible à gérer sans l’aide d’un moteur pour une journée complète de travail.

Le 12 mars dernier, ils appelaient à un rassemblement à midi derrière le MacDo de l’île Feydeau et demandaient l’annulation des amendes reçues depuis lundi 8 mars, alors même que la mairie avait promis qu’il n’y aurait pas d’amende avant le mois d’avril. Ces amendes amputent fortement, voire intégralement, les salaires des travailleurs. «Je livre tous les jours, tous les jours, et à la fin de semaine, j’ai 500 balles d’amendes» témoigne un livreur au média du NPA local @Nantes.Révolutionnaire (sur Instagram).


Leurs revendications :

  • Fin des blocages de comptes et réhabilitation des livreurs bloqués.
  • Retrait de l’arrêté municipal interdisant la circulation des scooters en zones piétonnes
  • Transparence dans la fixation du prix des commandes et augmentation des revenus
  • Fin du contrôle facial par les plateformes
  • Prise en charge par les plateformes des accidentés et blessés
  • Stop au harcèlement policier

Hier, les livreurs en lutte ont rejoint l’Opéra Graslin où la culture en lutte organisait une agora. Ils ont pu prendre la parole, faire entendre leurs revendications et interpeller le premier adjoint à la maire de Nantes alors présent, qui a fait des promesses qui n’engagent à rien, comme d’habitude. Ce dernier, avec une hypocrisie à l’image de la mairie et des riverain.e.s ayant porté plainte, «s’engage à recevoir une délégation» mais certainement pas à retirer les amendes. Les livreurs ont pourtant précisé depuis des jours qu’ils ne discuteraient pas si les amendes n’étaient pas levées. La lutte est donc loin d’être finie !

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