Attaques violentes et arrestations, la France est-elle au service du fascisme islamiste turc ?

Deux actualités qui se télescopent : d’un côté la chasse aux sorcières islamophobe du gouvernement, qui recycle et institue les vieilles thématiques de l’extrême-droite, de l’autre côté une collaboration active avec le régime d’Erdogan, oppresseur des populations kurdes et véritable allié de l’État Islamique.
Ces dernières semaines, les équipes diplomatiques françaises et turques ont travaillé à une normalisation des relations entre les deux pays. Point culminant de cette « normalisation » : des représentant-es de l’UE seront aujourd’hui à Ankara pour rencontrer Erdogan.
Afin de garantir leur sale business capitaliste au Proche-Orient, les européens ont besoin d’une Turquie forte et stable dans la région. Le pays est en effet un partenaire de choix pour l’UE. Pour rappel, des milliards d’euros sont investis en Turquie par des entreprises françaises, et le pouvoir menace régulièrement d’ouvrir ses frontières aux réfugié-es si les états européens critiquent les actions turques. Un vrai chantage à l’immigration qui utilise la monté de la xénophobie en Europe pour abattre les droits fondamentaux en Turquie.
La situation au Rojava, la partie syrienne du Kurdistan, n’est pas meilleure. Si le conflit a vu son intensité baisser, la coalition a désormais complètement abandonné son soutien aux révolutionnaires kurdes ayant vaincu Daesh. Les combattants islamistes ont même en partie été libérés des prisons kurdes par l’agresseur turc, qui les a armés afin de former des milices empêchant la fédération autonome du Rojava de mener à bien sa révolution sociale et féministe. Pour résumer, la Turquie utilise et alimente des groupes armés islamistes comme Daesh, mais possède aussi une diplomatie forte, une police secrète dispersée sur de nombreux territoires et un siège à l’OTAN.
C’est dans ce contexte que l’État français change d’attitude vis-à-vis des kurdes vivant en France. Une dizaine de militant-es ont été arrêté-es le mardi 23 mars par la police française à Paris, Marseille et Draguignan. Une seule personne a été relâchée sans poursuites, mais les neuf autres sont mises en examen pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » et « financement du terrorisme ». Six personnes sont donc en détention provisoire et trois subissent un contrôle judiciaire avec bracelet électronique.
Fait notable : le lendemain des arrestations, un autre militant kurde était auditionné en région parisienne, à la demande de juges turcs, pour « outrage à Erdogan », un délit qui n’existe pas dans le droit français. La Turquie a-t-elle lancé un mandat d’arrêt international pour avoir insulté son chef ou la France est-elle zélée au point de réaliser des arrestations fondées sur le droit turc ?
C’est dans ce contexte, là encore, que la Maison de la Mésopotamie a été attaquée à Lyon le 3 avril dernier. Il faut dire que dans cette ville, la situation est particulière avec la présence du consulat de Turquie, une importante communauté turque pro-Erdogan, des kurdes peu nombreux et une extrême-droite française très puissante.
Cette attaque, qui a envoyé quatre personnes à l’hôpital, a clairement été préparée et organisée par les Loups Gris, un groupe issu de l’extrême-droite turque pro-Erdogan qui était sensé avoir été dissout par les autorités françaises. On peut voir à ce sujet que, comme pour Génération Identitaire, la dissolution n’est qu’un événement administratif mais n’empêche en rien les fascistes de violenter les personnes qui luttent pour leurs droits.
La Maison de la Mésopotamie avait déjà été taguée une dizaine de jours avant l’attaque. On pouvait lire sur les murs l’inscription « Soyez sages » accompagnée de sigles des Loups Gris. Cette fois, c’est en plein jour et armés de machettes et de barres de fer que les Loups Gris ont attaqué. Le sentiment d’impunité dans la ville de Lyon rend le fascisme d’autant plus dangereux.
Rappelons que, pendant que le fascisme turc attaquait le local kurde, une manifestation antifasciste était interdite et réprimée, en soutien à la Plume Noire, une librairie attaquée la veille par des nationalistes français. Car il faut bien faire le lien entre ces deux attaques, coup sur coup, dans la même ville : lorsqu’on parle des kurdes, on parle de nous, de notre attitude face au fascisme qui s’installe de plus en plus, dans les esprits et dans les rues.
À Nantes la situation n’est pas non plus au beau fixe : depuis l’incendie du centre culturel kurde en 2016 (incendie volontaire dont l’enquête est au point mort) il est très difficile pour les associations kurdes de se réunir et d’organiser des événements. Si les relations avec la préfecture étaient assez bonnes jusqu’ici, elles se sont fortement dégradées depuis, des menaces et intimidations sont régulières avant chaque événement revendicatif.
Quant à la presse, c’est le black out : Une quinzaine d’attaques ont eu lieu en France depuis cet incendie, mais la presse (locale ou nationale) qui relayait régulièrement les communiqués du CDK (Conseil Démocratique Kurde) est désormais aux abonnés absents. Les kurdes se sentent lâchés de tous les côtés, et lorsque la presse évoque l’attaque de la Maison de la Mésopotamie c’est sous l’angle d’une bagarre entre deux factions ennemies, jamais comme une attaque politique organisée. Le communiqué du CDK n’a même pas été publié dans la presse locale.
Si les communiqués ne passent plus dans la presse, il faudra alors manifester et faire du bruit afin d’alerter sur la situation. Nous relaierons sur notre page toute initiative prise par les institutions kurdes prochainement. Vous pouvez aussi suivre le compte Twitter @zersinan1, porte-parole du CDK à Nantes et qui relaie de nombreuses informations.
Les kurdes font face à une suspicion permanente. La Loi Séparatisme n’arrange rien, et cette loi visant à conquérir l’électorat d’extrême-droite pour les prochaines élections risque d’affaiblir les organisations culturelles kurdes, considérées comme communautaristes. Cette suspicion ira-t-elle jusqu’au niveau de la Turquie, où le pouvoir considère comme terroriste toute forme d’action humanitaire ou démocratique, comme la grève étudiante sévèrement réprimée il y a quelques semaines à Istanbul ?
Qu’est-ce que Macron a à gagner en mettant la pression aux kurdes et en choyant la Turquie ? Pourquoi la Turquie n’est-elle pas rentrée dans la liste des paradis fiscaux de l’Union Européenne ? Pourquoi l’État turc peut-il abattre trois militantes à Paris sans avoir à rendre de comptes ?
Pour combattre la xénophobie d’État, la corruption et le fascisme : sortons le PKK de la liste des organisations terroristes, manifestons notre soutien aux kurdes de toutes les façons possibles, demandons des comptes à la diplomatie turque sur le financement et la protection dont bénéficie l’organisation des Loups Gris, luttons contre la fascisation des esprits et des rues, défendons nos lieux d’organisation, luttons contre la Loi Séparatisme !
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