Corruption étouffée lors de la vente d’avions de combat par la France à l’Inde
En 2016, la France vend 36 Rafales, des avions de chasse, à l’Inde et son gouvernement ultranationaliste, pour un montant total de 7,8 milliards d’euros. À l’époque, François Hollande est Président de la République, et Emmanuel Macron est ministre de l’économie. En 2018, des révélations de Médiapart amènent à des plaintes pour corruption et favoritisme : elles sont classées sans suite.
Aujourd’hui, Médiapart révèle dans une enquête en 3 volets, les dessous d’une affaire d’État où sont corrompus magistrats et politiciens. Explications :
Juste après la signature du contrat, l’Agence française anticorruption repère un versement douteux d’un million d’euros de Dassault à un «intermédiaire», mis en examen en Inde dans une affaire de vente d’armes. Mais elle ne le signale pas à la justice…
En 2018, l’ONG Sherpa signale de possibles faits de corruption au Parquet national financier (PNF), et dans le même temps Dassault est auditionné par l’Agence anticorruption. Il est découvert dans ses comptes une dépense de plus de 500.000 € intitulée «cadeaux à la clientèle»… Dassault explique qu’il s’agit de la «fabrication de maquettes» de Rafales. Peu convaincant, surtout quand on sait que c’est Dassault qui fabrique les avions en question : pourquoi commander des maquettes de ses propres avions ?
D’après les documents comptables de Dassault, l’argent a été versé 6 mois après la signature du contrat à son sous-traitant Defsys Solutions, qui appartient au clan Gupta et qui n’est pas du tout spécialisée dans la fabrication de maquettes. Le clan Gupta sert souvent d’intermédiaire dans l’aéronautique et la défense, et il semble qu’il ait été l’agent de Dassault dans la signature de ce contrat. Par ailleurs, le chef Gupta a été arrêté et mis en examen en mars 2019 pour blanchiment dans une affaire de vente d’hélicoptères à l’Inde par le groupe AugustaWestland ! Il est soupçonné d’avoir touché quelques dizaines de millions d’euros sous le manteau… et d’en avoir utilisé une partie pour des pots-de-vin.
Il est donc plutôt rationnel de penser qu’il y a également anguille sous roche dans les versements qui suivent la signature du contrat Rafales. Mais le directeur de l’Agence anticorruption décide de ne pas signaler ce très gros doute à la justice ! Et le Parquet National Financier semble avoir fermé les yeux également…
La France est le 3e pays exportateur d’armes. De quoi avoir honte… À l’heure où la chasse aux pauvres se renforce, les hautes sphères du pouvoir laissent passer des affaires de corruption dans des contrats de ventes d’armes.
Sans surprise, les armes vendues par Dassault ont servi à des régimes autoritaires pour mater des rebelles : ainsi, du matériel d’armement été vendu au régime de Khadafi, qui s’en est servi pour réprimer la révolution en 2011. De la même manière, l’Égypte d’Al Sissi bénéficie de nombreuses armes made in France pour écraser les manifestant.e.s. La France vend également à l’Arabie Saoudite et aux Émirats qui interviennent au Yémen pour soutenir le gouvernement face aux rebelles houthistes… en bombardant des hôpitaux, des écoles et provoquant une situation humanitaire catastrophique. Il y a quelques dizaines d’années, la France a également vendu des armes à l’Afrique du Sud sous Apartheid, soutenant ainsi sans complexe la ségrégation raciale et le meurtre de militant.e.s noir.e.s pour l’égalité.
La liste est trop longue. Et l’affaire amène à se demander à quel point la corruption est répandue dans ces contrats de vente d’armes et ailleurs. Pendant que des millions de personnes se battent pour la justice et l’égalité, la France vend allègrement des armes qui permettent de réprimer les peuples en colère, et en profite pour graisser quelques pattes au passage.