Hôtel Ibis : la victoire d’une grève emblématique !


Après 22 mois de lutte, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, le deuxième plus grand de France, ont obtenu gain de cause.


C’est en juillet 2019 que 23 femmes de chambre et un homme entament une grève contre les conditions de travail pour les salarié.es du ménage dans l’hôtellerie. Elles dénoncent des cadences trop rapides, une discrimination frappante envers ces employé-es qui sont presque toutes des femmes racisées, des heures supp’ non payées… Elles pointent également du doigt la sous-traitance dans les hôtels : le personnel de ménage n’est pas employé par le même groupe que celui qui gère l’hôtel. Les femmes de chambre sont systématiquement désavantagées dans leurs conditions de travail.

Il faut se rendre compte de ce que veut dire faire le ménage dans les hôtels : il y a un délai pour faire les chambres. Si on dépasse ce délai, les heures faites en plus ne sont tout simplement pas payées. Selon les hôtels, ce temps est variable : ce peut être 15 minutes, 20 minutes, 25 minutes… Dans tous les cas, ce n’est jamais assez, et les heures supp’ sont constantes. Les gestes quotidiens et répétitifs sont sources de tendinites régulières, de maux de dos, de douleurs aux épaules… Quand en plus il faut absolument aller vite pour ne pas faire trop d’heures supp’ non payées, les maladies à cause du travail sont très fréquentes. Mais peu reconnues.

Les sous-traitants savent que les femmes de chambre dépendantes de ce travail pour faire renouveler leur titre de séjour tous les ans sont nombreuses. Il y a aussi, évidemment, un mépris raciste envers des femmes racisées qui font le ménage. Elles ne sont pas assez importantes pour qu’on leur accorde des conditions de travail dignes. C’est pourquoi les femmes en grève de l’Ibis Batignolles donnent une bonne leçon aux hôteliers et aux sous-traitants : elles ont mené de front la lutte des classes et la lutte antiraciste, et ont obtenu gain de cause, sauf pour la demande d’être employées par le groupe Accor directement et non plus par le sous-traitant.

La crise sanitaire a rendu les directeurs d’hôtel très stressés. Ils en demandent toujours plus de la part des femmes de ménage, mais sans jamais rien changer à leurs conditions de travail. Leur expliquer que les femmes de ménage ont un salaire bien moindre que le leur est vain ; ils demeurent dans leur mépris bourgeois. Ils sont capables de critiquer la moindre poussière qui traîne, mais pas de prendre un balai.

Dans beaucoup d’hôtels, il n’y a pas de pauses prévues pour le personnel de ménage, qui peut parfois travailler de 9h à 14h non stop. Les vestiaires pour se changer sont systématiquement trop petits. Il n’y a pas toujours de casier, et même quand il y en a ils sont minuscules.

À la fin de la journée, il faut remplir les chariots et les étagères de linge propre. Ce temps n’est pas payé. Il faut descendre le linge sale. Parfois à la main, en portant donc des sacs lourds. Ce temps n’est pas payé non plus. Tous les hôtels ne disposent pas d’un ascenseur de service. Le temps passé à attendre l’ascenseur n’est évidemment pas payé non plus. Toutes ces heures supplémentaires sont gratuites, données gracieusement à l’employeur. Qui se fout royalement de savoir que des milliers de salarié-es triment dur, tombent malade à cause du travail, et leur offrent des heures supp’.

C’est contre tout cela que les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles se sont battues, avec courage, force et détermination, pendant presque deux ans. Elles ont aussi dénoncé le harcèlement sexuel subi par une de leur collègue par un directeur qui a été licencié depuis, ainsi que le harcèlement moral contre des employé-es un peu trop revendicatif-ves.

Manifestations au sein même de l’hôtel, piquets de grève, débrayages dans d’autres hôtels, appel au boycott des Ibis… le répertoire d’action est large et a porté ses fruits. Elles ont obtenu une augmentation de salaire conséquente, la réduction des cadences, une augmentation de la prime repas, l’élection de représentantes syndicales… Cette victoire rappelle celle de 2018 à l’Holiday Inn.


Ces combats victorieux, aussi bien sur le plan de la lutte des classes que sur celui du racisme et celui du sexisme, sont une véritable bouffée d’air. Ils défient le capitalisme avec brio, et taclent au passage le fatalisme dans lequel il est si facile de tomber. Si ce monde est immonde, la lutte peut bien permettre de la changer.


Quelques sources :

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