Turquie : manifestations contre les violences patriarcales


Des milliers de manifestant.e.s sont descendu.e.s dans les rues d’Istanbul


Ce jeudi 1er juillet, la Turquie a officiellement quitté un traité international visant à lutter contre les violences faites aux femmes.

C’est pourtant à Istanbul que ce traité avait été signé et ratifié en 2011. Il vise à fixer des normes juridiquement contraignantes pour prévenir les violences faites aux femmes et aux minorités de genre. Les États signataires sont censés prendre le sujet au sérieux et adopter des mesures afin de prévenir les violences domestiques, le viol conjugal, ou la mutilation génitale féminine, ou bien d’engager des poursuites judiciaires lorsque de tels faits adviennent. Le principe de la non-discrimination basée sur l’orientation sexuelle est également inscrit au traité.

À première vue, on pourrait penser qu’il n’y a pas de raison que les États rechignent. C’est sans compter le conservatisme extrême d’Erdogan, qui estime que cette convention nuit aux structures familiales fondatrices de la société, et dénonce le fait qu’elle promouvrait l’homosexualité avec le principe de non discrimination pré-cité !

Déjà que la Turquie n’appliquait guère la convention d’Istanbul, qui a le mérite de responsabiliser les Etats sur la question des violences sexistes, désormais, Erdogan affirme son indifférence totale au sort des femmes et des personnes sexisées. Les associations d’entraide contre les violences sexistes reçoivent très peu de subventions.

Depuis son arrivée au pouvoir, l’AKP, parti d’Erdogan, a pris des mesures sociales et familiales pour que les femmes soient dépendantes de leurs maris. Le discours politique porté par l’AKP sur les femmes est celui de l’infantilisation, de la négation de leur capacité à s’auto-diriger. Au tribunal, les violeurs se défendent avec succès en arguant de la tenue de la victime ou de ses «mœurs légères». En 2019, 474 féminicides ont été dénombrés par les associations féministes. Globalement, ils sont en constante augmentation.

Erdogan joue un jeu très dangereux en se retirant nonchalamment de la convention d’Istanbul. Il s’agit d’un véritable crachat aux femmes et aux personnes sexisées. Tout cela au nom de la protection de la famille. Le sujet de la lutte des femmes et des minorités de genre est très sensible pour le fasciste au pouvoir. En effet, les organisations progressistes comme le Parti Démocratique des peuples (HDP), qui soutient la révolution au Rojava, les associations de femmes kurdes, se sont emparées de cette question et en font un de leurs piliers politiques. Les mouvements féministes kurdes ont pris de l’ampleur ces dernières années, ce qui n’a pas du tout ravi le président Turc, qui s’est donné pour objectif principal d’écraser les kurdes.

Mais cette décision absurde de quitter la convention d’Istanbul n’est pas passée dans le calme. Après un an et demi de crise sanitaire qui, en Turquie comme ailleurs, a fait exploser les violences domestiques, il n’était pas question de laisser passer une telle provocation. Des manifestations gigantesques ont eu lieu, les mouvements féministes se sont affrontés avec la police qui les empêchait de manifester. Quelques jours auparavant, la police réprimait la Pride à Istanbul, à coups de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc.


L’explosion de colère des femmes et des personnes sexisées se poursuivra-t-elle cet été ?
À suivre.


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