Qu’est-ce qu’un tir de grenade “réglementaire” ?


En 20 ans, le nombre de munitions tirées par la police a été multiplié de façon exponentielle


Médiapart publie une grande enquête basée sur 145h de vidéos prises lors des manifestations depuis 2016. L’enquête vidéo explique que «51% des jets de grenades de désencerclement et 18% des tirs de lance-grenades opérés par les forces de l’ordre en manifestation sont non réglementaires».

Mais qu’est-ce qu’un tir «non réglementaire» ? Médiapart qualifie ainsi les tirs tendus de grenades lacrymogènes, formellement interdits et potentiellement mortels, et les tirs de grenades de désencerclement à hauteur de tête, acte tout aussi interdit et tout aussi dangereux. C’est pour nous une erreur, car une vision très extensive du «règlement». Le tir d’une grenade de désencerclement vers sol n’est pas forcément «réglementaire» comme l’affirme la vidéo de Médiapart. À la base, ces grenades mutilantes, qui explosent en projetant des éclats de caoutchouc dans tous les sens, ne sont sensées être envoyées qu’en cas d’extrême nécessité pour «désencercler» un agent en grave danger pour son intégrité. La munition est classée dans la catégorie du «matériel de guerre» et son «emploi constitue un recours ultime avant l’emploi des armes à feu individuelles».

Or, le nombre de tirs de grenades de désencerclement a explosé ces dernières années. Distribuées en 2002 par Nicolas Sarkozy, elles étaient peu utilisées jusqu’en 2016. Depuis les Gilets Jaunes, ce sont des milliers de ces grenades qui sont envoyées par la police, la plupart du temps pour le plaisir, sans autre nécessité que faire peur. Idem pour les lacrymogènes. Ce sont désormais des centaines de milliers de grenades qui sont envoyées chaque année, alors que leur usage était marginal il y a 20 ans. Le fait d’envoyer une grenade de désencerclement à hauteur de tête n’est pas seulement «non réglementaire», c’est une tentative d’homicide. Les tirs tendus de lacrymogène aussi.

Cela veut dire que ce ne sont pas 50 ou 18% des tirs qui sont problématiques mais quasiment 100%. Le fait même d’envoyer des munitions explosives ou de saturer l’air de gaz chimique au moindre rassemblement est déjà problématique en soit. Il n’y a pas de «bon» maintien de l’ordre qui tirerait «gentiment» des grenades sur la population.

Il n’en reste pas moins que l’enquête de Médiapart représente un important travail et part d’une bonne intention. Mais allons au fond des choses : il n’y a pas de «bon usage» des armes de la police. En parlant de «tirs réglementaires», on ne questionne même plus l’arrivée de ces armes dans nos vies, alors que la plupart n’existaient pas il y a 20 ans.

Financez Contre Attaque
Tous nos articles sont en accès libre. Pour que Contre Attaque perdure et continue d'exister, votre soutien est vital. 
Faire un don