«Association de malfaiteurs» pour des parapluies et un homard : non-lieu général !


Désaveu cinglant pour le pouvoir local


C’était en septembre 2019 : plusieurs heures avant une manifestation d’ampleur pour réclamer la justice sociale, 5 personnes sont arrêtées, jetées en cellule pendant 48 heures puis déférées au tribunal pour «association de malfaiteurs». La raison ? Deux ont été arrêtées auprès d’une voiture contenant des parapluies, une banderole et de la peinture, et 3 autres devant l’ancienne maison du peuple avec un homard géant en papier mâché….

Dès le départ, l’affaire fait grand bruit en raison de son ineptie risible et de l’absence d’éléments avancés pour poursuivre ces jeunes. Le parquet et la police bafouillent de justifications peu crédibles dans la presse. Même le juge d’instruction saisi pour «l’affaire», a du mal à suivre les réquisitions sidérantes du parquet : sur les 5 personnes, seules les deux arrêtées avec 80 parapluies seront finalement poursuivies pour «groupement en vue de» et placées sous contrôle judiciaire, leurs téléphones confisqués. Aucune n’est formellement poursuivie pour association de malfaiteurs, le juge consentant avec peine à les placer sous le statut de «témoins assisté» pour ce motif afin d’éviter au parquet une déconfiture totale.

La police se couvre à nouveau de ridicule lorsque la juge d’instruction suivante chargée de l’affaire décide quelques mois plus tard de rendre les affaires placées sous scellées, mentionnant que les dits-objets ne peuvent pas faire l’objet de pièce à conviction pour affirmer une intention délictuelle. Les concerné.es sont donc allées chercher le homard et tous les parapluies gracieusement remis au commissariat en pleine après-midi, devant des policiers désabusés et un public stupéfait.

Devant la tournure burlesque de l’affaire, le parquet finit par demander pour les 3 personnes interpellées avec le homard, l’abandon des poursuites qu’il avait lui-même demandé ! On passe donc d’une interpellation pour «Association de malfaiteurs» à une décision d’abandon des poursuites par la même institution cherchant à camoufler son fiasco judiciaire.

Enfin, la juge d’instruction a finalement conclu à la lecture du dossier qu’il n’y avait nulle raison de poursuivre les deux personnes arrêtées avec les parapluies et la peinture et renvoie un non-lieu. Elles subiront tout de même un contrôle judiciaire pendant 19 mois et toutes les conséquences personnelles et professionnelles d’une mise en examen. Pour rien, et le tout sans preuves, sans éléments. Uniquement le récit fantasmagorique de la police.

Et la lecture du dossier est par ailleurs intéressante à ce propos : aucun fait, aucune intention prouvée ni aucun argument probant sur d’éventuelles velléités délictueuses n’y est retranscrit parmi les centaines de pages. Tout est ficelé autour d’un récit tragico-dramatique à propos du «profil» des protagonistes, des militant.e.s «connu.e.s»… mais au casier judiciaire vierge. Les policiers sont même allés déterrer des mains courantes d’il y a plusieurs années, pour prouver qu’au moins une personne a fait l’objet, un jour, d’un – désormais – banal contrôle d’identité…

Le dossier est ainsi truffé de photos des mis en cause au sein de divers manifestations, d’extrait de SMS en rapport avec la mobilisation en cours, des divers objets saisis pris en photo séparément associés à des explications sur leurs utilisations toutes plus imaginaires les unes que les autres, de photos pour prouver que chacun.e se connaît et donc peuvent être poursuivi.e.s pour «association»… Bref : du néant. Un dossier hallucinant de superstition pour lequel même Amnesty International s’en était inquiété en septembre dernier.

Il est aussi intéressant de souligner que notre média est mentionné à plusieurs reprises, comme un fil rouge au dossier. Le pouvoir en place a-t-il peur des médias indépendants ?

Le parquet a 10 jours pour faire appel de la décision de la juge d’instruction. Si tel est le cas, on imagine aisément que la justice perdra son temps dans un procès des plus grotesques.


SOLIDARITÉ !


Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.