Censure et fragilité de l’institution
Affligeant, pathétique, ridicule, inquiétant… Un peu tout en même temps. Après avoir obtenu les pleins pouvoirs, des armes de guerre et des lois d’exception, la police française a décidé de faire interdire la moindre expression critique à son encontre. De scruter le moindre message qui ne lui plaît pas. Sous l’Ancien Régime, la censure était assurée par des officiers spéciaux, sous l’autorité du Roi. Aujourd’hui, ce sont les syndicats policiers qui dictent ce qui peut être dit ou pas.
Lors de la Fête de l’Humanité, lors d’un concert de rap, les spectateurs et spectatrices ont repris le slogan «tout le monde déteste la police». Chant de manif ultra-classique, scandé dans tous les cortèges depuis des années, en France et même à l’étranger : la phrase est régulièrement reprise en Italie et en Allemagne. Mais à présent, même un slogan est insupportable. Le ministre Darmanin a «condamné» le chant, emboîtant le pas des syndicats policiers. Le candidat du PCF s’est empressé, à son tour, de «dénoncer» le cri anti-répression.
Quelques jours plus tôt, la police montait au créneau pour les mêmes raisons, mais à Lyon cette fois. Comme chaque année, un festival contre l’extrême droite était organisé dans une salle de concert. Comme le chant «tout le monde déteste la police» y avait été entonné, les syndicats policiers sont parvenus à faire stopper les subventions de la salle de concert qui n’est responsable en rien de ce que peut chanter le public lors d’un de ses évènements. Censure délirante. Asphyxie d’un lieu culturel. Culpabilité par association.
Dernier épisode en date, une marque de jus de fruits voulait commercialiser en France des smoothies baptisés «rentrée 2021», reprenant les codes de graffitis lycéens : «fuck le système», «Alice file moi ton 06», ou encore «Acab». Marketing adolescent. Mais insupportable pour le syndicat d’extrême droite Alliance. Condamnation immédiate au sommet de l’État, indignation en direct sur les grandes chaînes d’infos, et smoothie retiré des rayons en un temps record !
Si le pouvoir de cette police radicalisée peut nous inquiéter, il démontre aussi l’immense fragilité de l’institution. Ce besoin permanent de légitimation et cette soif d’interdire toute critique montre davantage la faiblesse de la police que sa force.