Mise au point
Jeudi matin, de nombreuses affiches apparaissaient sur les murs de centre-ville de Nantes contre le candidat pétainiste Éric Zemmour. Certaines d’entre elles figuraient un dessin de l’individu avec une cible. Nantes Révoltée mettait en ligne quelques photos d’affiches aperçues dans l’espace public. Notre média relaie l’actualité sociale et politique nantaise depuis des années, ce collage en fait partie. La référence parait évidente : le candidat avait braqué des journalistes avec une arme de guerre, quelques jours plus tôt, dans un salon de l’armement.
Mais cette publication anodine d’un collage d’affiches contre la tenue d’un meeting néo-fasciste a provoqué un déferlement médiatique délirant. Plusieurs chaînes d’information ont tourné en boucle sur les «affiches menaçantes» – les montrant donc de nombreuses fois à des millions de personnes –, évoquant le «danger des antifas» et mettant explicitement en cause le média Nantes Révoltée. Nous avons reçu des centaines de messages de menaces de mort de nature fasciste, et nos différentes plate-formes ont été temporairement bloquées. Hier soir, les forces de l’ordre contactaient Twitter pour suspendre notre compte.
Rappelons qu’Eric Zemmour réhabilite ouvertement le Maréchal Pétain, le Préfet Papon ou le Général Bugeaud : des tortionnaires, des assassins, des bourreaux. La violence extrême, celle des héritiers de Vichy, celle qui a raflé des enfants juifs et torturé des résistances, est du côté du candidat médiatique. À côté, une caricature ou une affiche est dérisoire, mais c’est cela qui indigne les médias. L’esprit Charlie aurait-il disparu dès qu’il s’agit d’un candidat d’extrême droite ? Le pétainisme est-il devenu une religion d’État dans ce pays ?
Il est tout à fait compréhensible et légitime que, dans la ville des 50 Otages, des nantais et nantaises soient en colère contre la venue d’un pétainiste et l’expriment.
Enfin, le même Eric Zemmour déclarait qu’il trouvait «sympathique» et «gaguesque» il y a quelques semaines la vidéo sur Youtube d’un militant d’extrême droite qui mitraillait à balles réelles un mannequin représentant un «gauchiste», avant de lui donner des coups de couteau. Mettre en scène l’exécution d’un militant de gauche est donc autorisé. Pas des affiches.
Non seulement ce pétainiste et la galaxie qui tourne autour peuvent inonder les médias de sorties néo-fascistes, misogynes et racistes, et même menacer de mort leurs opposants, mais il est aussi interdit de les contester. Et même de relayer une contestation.
Nous vous tiendrons au courant des éventuelles suites judiciaires. Il serait choquant que le procureur, qui n’a jamais poursuivi les membres d’un commando néo-nazi violent parfaitement identifié cet été à Nantes, poursuive notre média pour la photo d’une affiche sur l’espace public. Mais tout est possible dans cette époque troublée.
Nous avertissons dès à présent qu’un éventuel procès sera l’occasion d’une tribune contre le pétainisme, le fascisme, et les pratiques de l’extrême droite à Nantes comme ailleurs. Ce sera aussi l’occasion d’interroger la fameuse «liberté d’expression» si souvent invoquée sur les plateaux télé quand il s’agit d’étaler des horreurs racistes.